Brouillard toxique de pollution à New Delhi : les habitants toussent et réclament des actions

Matin de brouillard à Dhaula Kuan, Delhi. Image via Flickr de Oatsy40. CC BY 2.0

[Article d'origine publié le 11 novembre] Ces derniers jours, la capitale politique de l'Inde, New Delhi, est engloutie dans un brouillard toxique, sous la menace d'une éruption d'affections respiratoires.

Le gouvernement a réagi en fermant les écoles et en déclarant un état d'urgence sanitaire, mais les critiques s'accumulent contre l'insuffisante action des autorités pour contrôler la situation.

Ces dernières années, les cas se sont multipliés en Inde de brouillards de pollution, ou smog, enveloppant de nombreuses parties de l'Inde du Nord à l'entrée de l'hiver. 2017 a cependant marqué une aggravation spectaculaire du problème. Les photos ci-dessous, mises en ligne par l'utilisateur de Twitter @gandabherunda, illustratent l'épaisseur du smog à la fin d'octobre.

Ça c'est Delhi vu du dessus juste avant d'atterrir. Je me demande comment les gens arrivent à respirer, vivre et survivre ici au quotidien !

Selon le système de suivi de la pollution de l'air de l'ambassade américaine à Nex Delhi, les niveaux de PM2,5 (particules fines) ont atteint 703 le 7 novembre 2017, loin au-dessus de 300, la cote à laquelle l'air est considéré dangereux. L’Organisation Mondiale de la Santé indique qu'une exposition prolongée à des niveaux élevés de PM 2,5 peut causer des maladies respiratoires, une inflammation des poumons, et même des problèmes cardiaques.

En comparaison, le smog de New Delhi surpasse la tristement célèbre pollution de Pékin, selon les articles de presse, car il y a dix fois plus de polluants cancérogènes dans l'air de la métropole indienne que dans celui de la capitale chinoise.

‘Delhi est devenu une chambre à gaz’

Le Ministre-en-chef de la capitale, Arvind Kejriwal, est allé sur les médias sociaux pour appeler la méga-cité de 20 millions d'habitants une “chambre à gaz” et blâmer pour la pandémie les brûlis après récoltes dans les États indiens avoisinants :

Delhi est devenu une chambre à gaz. Ceci arrive chaque année au même moment. Il faut trouver une solution [pour faire cesser] les brûlis après récolte dans les États adjacents

Les incinérations d'ordures et les émissions des usines contribueraient également au problème. Favorisé par la faible vitesse des vents et les basses températures, le phénomène a un effet négatif sur la santé des habitants.

Selon le quotidien britannique The Guardian, les médecins de New Delhi prétendent que la moitié de leurs patients souffrant de cancers des poumons sont non-fumeurs. Arvind Kumar, un chirurgien pneumologue hospitalier a déclaré au Guardian :

Ces deux dernières années, la moitié de mes patients ayant un cancer du poumon sont des non-fumeurs. Je constate un pic de personnes dans la quarantaine, et même des trentenaires. Nos cancers apparaissent plus précocement, plus chez les non-fumeurs, et plus chez les femmes”.

Pendant ce temps, l'Organisation Mondiale de la Santé a désigné Delhi mégapole la plus polluée du monde, avant Le Caire, Mumbai (Bombay) et Kolkata (Calcutta). Et selon la revue médicale internationale The Lancet, la pollution atmosphérique a tué au moins 2,5 millions d'Indiens en 2015.

De nombreux internautes sont allés sur Twitter faire part de leur mauvaise humeur. Le mot-dièse #SmogInDelhi a été en tête de tendance pendant un temps. La journaliste Annie Gowen a écrit :

Est-ce que “mauvais temps” est une sorte d'euphémisme pour “Les paysans du Penjab et de l'Haryana brûlent des hectares de chaumes de riz et mettent en danger des millions de gens dans tout le nord de l'Inde et jusqu'à Lahore au Pakistan” ?

Le journaliste Aman Sharma s'inquiète de l'inaction perçue pour résoudre le problème :

Je me sens complètement malade avec cette fumée et ce brouillard même si je n'étais pas beaucoup dehors. Personne ne fait quoi que ce soit à ce sujet. Uttar-Pradesh, Penjab et Haryana s'en fichent. Le Ministre en chef de Delhi essaie mais seul ne peut pas grand chose. ‘Ça aussi ça passera’ paraît la solution de tous à cela !

Beaucoup se sont plaints du silence du Premier Ministre indien Narendra Modi et de son gouvernement sur la question du smog :

Jusqu'à présent on a vu zéro sens de l'urgence du gouvernement central s'agissant de la pollution mortifère de la capitale. Des réunions d'urgence devraient être convoquées pour se mettre sur le pied de guerre. Le Ministre de l'Environnement le Dr. Harsh Vardan doit annuler sa visite en Allemagne et rentrer au plus vite en Inde

Le blogueur Shivam Vij a écrit dans Quartz :

Les grands titres jusque dans la presse internationale disent depuis des années que l'Inde a la pire qualité de l'air au monde. Les villes les plus polluées de la planète sont concentrées dans ce pays. On pourrait croire que le premier ministre Narendra Modi voudrait au minimum être vu en train de faire quelque chose à ce sujet, à défaut de vraiment faire quelque chose. Il n'a pas dit un mot.

Dernièrement, la Cour Suprême de l'Inde a interdit d'allumer des feux d'artifice pendant les festivités de Diwali à New Delhi à cause de la pollution qu'ils provoquent. Rafiul Rehman a observé sur Facebook :

Je n'arrive pas à croire que près d'un mois a passé depuis Diwali et Delhi est toujours aussi pollué ! Le smog est partout. J'ai l'impression soudaine d'être sur une autre planète. Je veux retourner en Assam maintenant ! Soupir.

La décision de la Cour a été qualifiée de “communautaire” par les groupes d'extrême-droite, qui ont riposté en distribuant des pétards. Une internaute les a interpellés sur leur comportement :

Vous comptez aussi distribuer des masques pour les enfants des bidonvilles ?

‘Personne ne fait quoi que ce soit’

Le journaliste Mayank Austen Soofi, a chroniqué sur son photo-blog le brouillard de pollution catastrophique de Delhi. Le blog se trouve ici. Un commentaire témoigne :

Je tousse depuis plus d'un mois, et iI y a seulement une semaine à peu près que j'ai réalisé que c'est à cause de la pollution. Elle est effrayante. On pourrait la faire baisser, mais personne ne fait rien pour ça.

Tandis que Anuradha Sengupta en appelait sur Facebook aux gens en mesure de prendre des habitudes de consommation individuelle plus responsables :

Vous ne comprenez pas ça, multitudes incapables ? Renoncez à la voiture (ou n'en achetez pas de multiples), arrêtez de consommer autant, fermez les usines… Mais la plupart des gens ne veulent rien changer à leur style de vie. Les gens au bas de l'échelle, qui sont obligés de vivre (et travailler) à l'extérieur dans les rues – ce sont eux qui souffrent le plus. Et évidemment, les créatures qui ne sont pas des humains – et meurent probablement en masse sans qu'on les compte.

Pour certains, comme les journaliers et conducteurs de rickshaws, le smog est un problème quotidien affectant leur santé :

Même les conducteurs de rickshaws portent des masques à New Delhi en ce moment, mais ça ne suffit évidemment pas à les protéger de l’ #airpocalypse

D'autres recourent à l'humour noir pour décrire le smog :

Pour résumer le trajet matinal à Delhi

Les malades de la tuberculose ne sont pas en sécurité à Delhi, note ce journaliste :

Les patients souffrant de maladies respiratoires font la queue en plein air devant les consultations externes de l'Institut indien des sciences médicales. Il y en a 150 qui suffoquent de l'air toxique, alors que l'index de qualité de l'air s'est détérioré à 1000 – #Droità respirer #SmogDelhi

Les gens tentent de quitter Delhi mais les prix des billets d'avion atteignent des sommets :

Le smog enveloppe Delhi. Le prix d'un billet d'avion pour aller à Mumbai a bondi à 1.500 dollars.

Enfin, Atishi Marlena a souligné que le problème du smog va au-delà de New Delhi :

Ceux qui croient que le smog est seulement un problème de Delhi, regardez cette carte du Nord de l'Inde !

Le gouvernement de Delhi a décidé de réinstaurer la circulation alternée des plaques à numéro pair et impair de 8 h à 20 h dans la capitale nationale du 13 au 17 novembre. Selon cette réglementation, les véhicules privés sont autorisés à circuler en fonction du dernier chiffre de leur plaque d'immatriculation. Le système a été appliqué pour la première fois à Pékin en 2008 juste avant les Jeux Olympiques d'été, et a été essayé en 2015 et 2016 à Delhi.

Selon Shivam VJ, ce n'est peut-être pas la solution, car “la cause principale de la pollution, c'est la poussière des rues et les feux agricoles, mais même à l’intérieur de la pollution par la circulation, ce sont les camions et les deux-roues”.

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