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#FreeNganang: l'écrivain camerounais Patrice Nganang détenu à la prison de Kondengui de Yaoundé

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Cameroun, Etats-Unis, Cyber-activisme, Droits humains, Liberté d'expression, Littérature, Média et journalisme, Médias citoyens

 

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Patrice Nganang au salon du livre de Paris par Georges Seguin CC BY-SA 3.0

L’écrivain Patrice Nganang [2] a été interpellé mercredi 6 décembre à Douala alors qu’il avait publié sur Internet un récit de son voyage [3] dans le Cameroun anglophone. Son récit fait état de la situation tendue dans la région ou le président camerounais Biya dénoncait la présence de groupes terroristes [4]. 20% de la population camerounaise est anglophone. La crise dans la région anglophone a commencé en fin d'année 2016 quand les représentants des régions anglophones se sont plaint de la sous-représentation de leurs régions dans les institutions [5] majeures du pays (écoles, ministères, etc.). La crise s'enlise suite aux grèves menées par les avocats et les enseignants anglophones pour plus de respect de l'anglais dans les documents officiels comme langue officielle du pays. En octobre 2017, une dispersion violente des rassemblements a causé la mort d'au moins dix-sept personnes [6].

Patrice Nganang est connu pour ses positions tranchées sur de nombreux sujets de société au Cameroun et en Afrique. Il écrit ainsi un livre intitulé “Contre Biya” où il encourage les jeunes du pays à “manifester sa citoyenneté. On n´a pas besoin d´enseigner le courage aux jeunes. Ils l´ont déjà. Je vois tellement de gens aller en prison pour leurs idées. Accepter la tyrannie, c´est abdiquer.”  Il a aussi pris position sur l'actualité des pays africains s'étonnant ainsi de voir les activistes de la société civile malienne tel Aminata Traoré s'afficher auprès des soldats putschistes.  [7]

Patrice Nganang a été interpellé par la police à l’aéroport de Douala alors qu'il était sur le point d’embarquer pour Harare, la capitale du Zimbabwe. Les chefs d'accusation [8] qui lui sont reprochés sont: outrage au président de la République, immigration clandestine et faux et usage de faux.

La solidarité avec l'écrivain-activiste s'organise sur les résaux sociaux. Une pétition est publiée [9] par un collectif d'écrivains pour demander sa libération immédiate.  6992 internautes ont signé la pétition au 15 décembre 2017. Une plateforme de crowdsourcing [10] a aussi été mis en place pour aider ses proches à s'acquitter des frais d'avocats. Cette vidéo résume les faits avant l'arrestation de l'écrivain:

La pétition du collectif d'écrivains décrit [9] ainsi Patrice Nganang:

Critique féroce et conscience qui ne s’agenouille pas, il a fondé le mouvement « Génération Change » et entreprend depuis plusieurs années tout un travail aussi bien sur le terrain que dans son écriture, dénonçant les immobilismes, fustigeant les pouvoirs corrupteurs. On peut le traiter de fou, on peut ne pas être d’accord avec lui mais il est inacceptable de continuer à traiter ainsi ceux, artistes, écrivains ou autres, qui accomplissent ce qu’ils croient être juste, un devoir citoyen de sortir son pays du marasme où il se trouve.

Boris Bertolt, auteur à Actu Cameroun et ami de l'écrivain lui adresse la lettre suivante [11]:

Voilà bientôt une semaine que tu as été kidnappé dans des conditions grotesques et es détenu par l’appareil répressif et oppressif de la plus vieille tyrannie d’Afrique. Quand je pense tous les jours, toutes les nuits à toi, à ta douleur, à ta souffrance. J’ai mal de mon impuissance de te sortir par tous les moyens des bras de la tyrannie. Le Cameroun a véritablement besoin d’intellectuels engagés résolument au service du peuple, des opprimés. Au Cameroun, tu appartiens à cette catégorie. Les intellectuels libérateurs. Ceux-là qui sacrifient leur temps, énergie, leur argent, la famille, les enfants pour construire le changement.

Jean-Michel Devésa, professeur des Universités en littérature francophone en France, écrit aussi une lettre ouverte [12] pour le président français Macron:

Sa famille et ses proches sont sans aucune nouvelle de lui. Le sort de ce collègue avec lequel je travaille et que j’ai édité cette année m’inquiète au plus haut point. Je vous demande par la présente de faire en sorte que notre pays interroge par voie diplomatique, et selon les usages, la Présidence camerounaise afin d’avoir des nouvelles de Patrice Nganang, de savoir s’il est sain et sauf, et de connaître son lieu de détention s’il est détenu.Je vous prie en outre de faire le nécessaire pour que Patrice Nganang soit libéré sans plus attendre, attendu que sa « disparition » et le cas échéant sa détention arbitraire porte atteinte à ses droits fondamentaux.