Le Festival d'art et de musique qui redonne de la joie à Islamabad

 

Des artistes sur leur stand de vente au Festival Art Langar à Islamabad, Pakistan. Photo Annam Lodhi, utilisation autorisée.

Islamabad est une ville amoureuse d'ordre. Après 21 heures, la circulation est généralement clairsemée et les rues se vident. Mais le mois écoulé a été inhabituellement chaotique dans la capitale pakistanaise et sa jumelle au bout de la rue Rawalpindi. Les adhérents de mouvements politiques religieux ont organisé une occupation de trente jours qui a entraîné un relèvement du dispositif de sécurité et des heurts avec les protestataires. 

L'accès principal à la ville était coupé pendant la durée de la protestation, de même que les artères reliant les villes jumelles. Inutile de dire que l'agitation politique a perturbé l'existence de beaucoup de monde. Mais le récent festival de musique appelé Art Langar a ramené la joie dans un temps de troubles politiques. “Nous avons l'habitude” dit Nawal Mannan, une étudiante en architecture présente à cet événement qui a eu lieu le premier week-end de décembre à Islamabad.

Art Langar était inspiré par les fêtes soufies d’urs qui marquent d'habitude dans les lieux de pèlerinage l'anniversaire de la mort d'un saint soufi, et que les fidèles célèbrent avec de la musique, de la poésie et un repas. Sab ka bhala Sab ki khair, ‘‘Bienveillance et bonnes nouvelles à tous’, est leur mot d'ordre. Le concept sur lequel est bâti Art Langar est le don. “Toute l'idée, c'est nourrir les affamés, que ce soit de l'âme, du cœur ou de l'estomac”, dit Arieb Azhar, musicien pakistanais et l'homme du spectacle. 

Le festival regorgeait d'installations artistiques d'étudiants d'art de diverses universités nationales, de stands vendant de l'artisanat de tout le Pakistan, et d'étals de restauration. Un feu de joie et une scène de musique pour faire danser la nuit trônaient au centre. Plus de quatre mille personnes de tous âges et horizons sont venues assister à la fête.

Une bonne vingtaine de groupes ont joué lors du festival, représentant les musiques ethniques et régionales de tout le Pakistan. Madiha Hamid, une psychologue clinicienne, y était et a tweeté sur la diversité du programme musical :

Des instruments oubliés sont joués ! Une formidable occasion d'écouter la musique du Pakistan

La journaliste indépendante Freeha Shaukat a partagé son enthousiasme pour le festival avant même son début :

Ç'a été une semaine Vraiment déprimante, j'étais cassée avant d'avoir hier un aperçu subreptice d'Art Langar, quand de rares privilégiés ont pu écouter Arieb Azhar et chanter avec lui, le groupe Saakin, va poster quelques vidéos-clips pour ne pas oublier l'amour, le rire, la beauté, le désir et la beauté des humains

On a dansé toute la soirée, une pause rafraîchissante après l'agitation et les convulsions de la semaine précédente. Pourtant l'événement n'avait pas été aisé à monter. “Du fait de l'agitation politique, les gens achètent bien les billets à l'avance. Mais ils attendent la toute dernière minute pour voir si tout se passe bien”, dit Arieb Azhar.

Ce que j'aime d'Islamabad, c'est la diversité. Les gens ici ne comprennent pas seulement les différences, ils les fêtent de la plus belle manière possible.

Azhar a failli annuler l'événement juste quelques jours avant, à cause de la situation instable dans la ville, mais il a changé d'avis. “Mon équipe m'a poussé à le maintenir, au motif que c'était précisément ce dont la ville avait besoin à cet instant”, justifie-t-il.

Un étal de belles broderies traditionnelles éthiques au Festival Art Langar, Islamabad. Photo by Annam Lodhi.

Ce ne sont pas les milliers de jeunes venus au festival qui le contrediront. “De tels événements sont essentiels, ils aident à créer une vie sociale et nous permettent de nous détendre”, apprécie Laiba, qui présentait ses créations artistiques.

Le billet d'entrée à Art Langar coûtait 500 roupies (4,50 dollars US) pour les étudiants et 1000 roupies (9 dollars) pour les autres, facilitant la présence des étudiants. “Si l'entrée est plus chère, nous devons y réfléchir à deux fois avant d'assister”, dit Soha Azeem, une étudiante. 

Les espaces récréationnels à la disposition des habitants des villes jumelles, comme le Pakistan National Council of Arts (PNCA) et le Lok Virsa, se comptent sur les doigts d'une main. Ils sont pourtant inadaptés, selon Ammar Khalid, un membre du Théâtre Wallay, une compagnie théâtrale indépendante qui bataille pour plus d'espaces dédiés aux arts. “Il y a une corrélation visible entre la chute des activités culturelles et la montée de l'intolérance dans le pays”, constate-t-il.

Des événements comme Art Langar, abordables et sûrs, sont appréciés par les gens mais continueront à rencontrer des obstacles dus à l'imprévisibilité politique du Pakistan.

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