- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

La société civile libanaise lance une ‘Coalition pour la gestion des déchets’

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Liban, Droits humains, Environnement, Médias citoyens, Santé

A la conférence de presse annonçant la création de la Coalition pour la gestion des déchets, le 14 décembre 2017. Photo de Bassam Khawaja [1], utilisation autorisée.

Deux ans après la mise à l'arrêt du pays par une crise des ordures devenue incontrôlable, la constitution d'une coalition de gestion des déchets a été annoncée au Liban. Son but : faire pression sur les autorités pour trouver des solutions durables au problème toujours en suspens des ordures. La coalition, appelée sans apprêt ‘Coalition pour la gestion des déchets’, se compose de multiples organisations environnementales et mouvements de la société civile, selon le quotidien francophone L'Orient-Le-Jour [2].

Les participant à la coalition sont Beirut Madinati [3], la campagne de bénévoles pour l'élection d'un conseil municipal d'individus sans allégeances politiques en mai 2016, ainsi que plusieurs ONG et associations de la société civiles telles que : Cedar Environmental, Green Area [4]Greenpeace [5], AUB Nature Conservation Center [6]Recycle Lebanon [7]TERRE Liban [8], Badna Nhaseb [9] (‘Nous voulons une reddition de comptes’), Choueifat Madinati, Sohet Wladna Khatt Ahmar [10] (La santé de nos enfants est une ligne rouge) et Muntada Insan [11].

Logo de la Coalition pour la gestion des déchets. Source: Site web. [12]

Parmi les membres de la coalition on trouve aussi ‘Vous Puez’ [13], un mouvement de protestation informel qui a démarré en 2015 en réaction à l'incapacité du gouvernement à remplacer la décharge de Naameh qui collectait les ordures de Beyrouth et de la région du Mont Liban (un espace où vit à peu près la moitié de la population libanaise [14]).

L'annonce a été faite lors d'une conférence de presse dans les bureaux de Greenpeace à Beyrouth au moment même où le gouvernement discutait et reportait la décision d'étendre les deux décharges côtières dans les zones de Costa Brava et Borj Hammoud, incluses dans son plan d'urgence à court terme [15] de mars 2016 pour gérer la crise.

La nouvelle de la coalition n'a suivi que de quelques jours la publication du rapport et de la vidéo de Human Rights Watch (HRW) dénonçant les conséquences pour la santé publique de la crise des ordures. [16]

Ce rapport, rendu public le 1er décembre, était consacré aux effets sur la santé des feux dans les décharges sauvages qui prolifèrent depuis la crise des déchets. Des incidences graves sur la santé humaine, allant des pathologies cardiaques et des cancers aux maladies de peau, à l'asthme et autres maladies respiratoires, sont attribuées à ce genre de combustion à ciel ouvert.

L'objectif principal de la coalition est de faire pression sur les administrations en charge de la gestion des déchets solides au Liban pour qu’elles produisent et appliquent une stratégie durable de gestion intégrée. Elle exige que les autorités mettent en œuvre une réduction à la source de la production de déchets, la réutilisation et le recyclage des déchets et leur élimination finale en utilisant les technologies appropriées conformes aux réglementations environnementales nationales et internationales.

Conférence de presse à Berytech : @BeirutMadinati lance avec d'autres groupes une Coalition pour la gestion des déchets afin de promouvoir des solutions viables. C'est formidable que les citoyens soient si compétents, et pas leurs gouvernants !

Soulaïma Chamat, professeure à la Faculté de médecine de l'Université Libanaise (publique), a promis pendant la conférence de presse que la coalition allait utiliser tous les moyens disponibles pour faire pression sur le gouvernement et les administrations concernées afin de leur faire adopter une gestion efficace des déchets, mettant l'accent sur les effets négatifs de cette crise sur la santé publique et sur la place centrale de la sensibilisation dans le futur travail de la coalition.

Malgré les multiples avertissements, le gouvernement libanais reste dans le déni quant à la possibilité d'une nouvelle crise des ordures. Le Ministère de l'Environnement a récemment démenti l'existence d'une telle situation, [20] déclarant qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, les ordures n'allaient pas revenir dans les rues.

Le groupe militant ‘Megaphone’ a publié une image de la citation du ministre en anglais et arabe, avec le commentaire suivant :

La déclaration du Ministre de l'Environnement ignore qu'en 2018 les décharges provisoires (prévues à l'origine pour 2020) seront pleines

“Nous ne vivons pas une crise des ordures. Il n'y a aucune crainte que les ordures reviennent dans les rues. Il ne faut pas alarmer les gens et les placer devant un problème qui n'existe pas”. La citation du Ministre reproduite par ‘Megaphone’ sur sa page Facebook [21] le 10 décembre 2017. Utilisation autorisée.

Répondant à Global Voices, le chercheur libanais Bassam Khawaja, de Human Rights Watch, a déclaré que “le gouvernement doit écouter ce que disent cette coalition et les Libanais”, ajoutant :

Ce qu'ils veulent, c'est une solution viable sur le long terme de gestion des déchets, et qui respecte le droit des gens à la santé et à un environnement sûr—et non de nouveaux plans d'urgence à courte vue qui laissent la plupart du Liban souillé de monceaux d'ordures en feu.

Hanadi Nasser, activiste du mouvement ‘Vous Puez’, a expliqué à Global Voices pourquoi les incinérateurs prévus ne sont pas une solution :

Les incinérateurs [prévus] mettront les vies en danger avec leurs cendres toxiques dont on ignore ce qui en sera fait et où il est prévu de s'en débarrasser. Vous Puez veut faire partie de la coalition pour mettre la pression au gouvernement et aux municipalités afin qu'ils travaillent sur nos revendications et créent des solutions environnementales durables fondées sur le recyclage et la réduction des déchets.

Quant à Greenpeace [5], voici sa déclaration à Global Voices :

Greenpeace Monde Arabe et tous les autres membres de WMC espèrent qu'en mobilisant assez de pouvoir populaire et en utilisant tous les outils disponibles tels qu'actions en justice, manifestations pacifiques, campagnes de sensibilisation et initiatives de terrain, la pression mise sur les autorités suffira pour ne leur laisser d'autre choix que de reculer dans leurs activités actuelles ou futures (décharges côtières, incinérateurs…) qui ne sont rien moins qu'un écocide.

Selon son site web [12], les objectifs de la coalition se rangent en quatre catégories principales.

Premièrement, au plan technique, la coalition veut combattre la proposition d'incinérateurs et le brûlage actuel, en poussant le gouvernement à y substituer une stratégie de réduction des déchets à la source.

Deuxièmement, au plan législatif, le but est de faire pression sur le gouvernement pour qu'il respecte et applique les conventions environnementales internationales auxquelles il est partie et punisse toutes les infractions.

Troisièmement, au plan de la gestion, la coalition veut le retour du dossier de la gestion des déchets au Ministère de l'Environnement, ce qui permettra l'exhaustivité de la vision, des dispositifs, des projets et de la planification à moyen et long terme dans tous les domaines relatifs à l'environnement, y compris une proposition d'étapes de mise en œuvre et un plan de surveillance de l'exécution basée sur une méthode participative.

Et enfin, au plan du développement social, elle veut poursuivre les campagnes de sensibilisation pour promouvoir les principes basiques de la réduction, de la réutilisation et du recyclage.

Trouver une solution au problème libanais des ordures redevient une urgence car les deux décharges temporaires de Bourj Hammoud et Costa Brava seront pleines [22] au courant de 2018, et l'ajout de pression de la Coalition pour la Gestion des déchets est susceptible de mettre les choses en mouvement.

Organisations et particuliers intéressés peuvent adhérer à la coalition en passant par son site internet [23].