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Le peuple iranien hausse la voix : Scènes de manifestations

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Iran, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Politique, The Bridge

Des manifestants renversent un véhicule de police  dans la rue Valiasr à Téhéran. [Image extraite d'une vidéo amateur filmée en Iran et partagée par la Voix de l'Amérique]

Le siècle dernier a montré d'innombrables exemples de la lutte et des sacrifices d'Iraniens ordinaires, qui se sont battus pour toutes sortes de causes : nationalisation de l'industrie pétrolière, vote des femmes, renversement de la monarchie. Pourtant à chaque fois, ces luttes héroïques ont été réprimées, récupérées ou détournées pour servir un discours ou un récit particulier. Un exemple évident est l'extraordinaire diversité des forces laïques, radicales, féministes impliquées dans la révolution de 1979 en Iran, qui n'en ont pas moins été estompées par l'image dominante de prise de contrôle par les mollahs réactionnaires qui est restée de l'événement.

Il y a une grande complexité d'éléments sous-jacents à la toute récente vague de manifestations qui parcourt le pays [1], et est présentée avec simplisme par des soi-disant “spécialistes de l'Iran” comme un cas d'utilisation des actes et passions de citoyens ordinaires pour servir des intérêts et fins politiques particuliers. Y compris la frustration croissante devant la corruption et l'enracinement dans l'économie du corps des Gardiens de la Révolution islamique, la branche des forces armées iraniennes créée après la révolution de 1979. Il est important également de comprendre les luttes politiques internes qui rongent le régime, et les pressions de longue date qui ont abouti à cette éruption. 

Pourtant la réalité de l'Iran crève les yeux et se passe des exposés de plateaux télévisés. Ce dont il s'agit dans ces manifestations, c'est de liberté, d'opportunités et de démocratie, des idéaux universels et qui se suffisent à eux-mêmes.

Pour laisser la parole aux Iraniens eux-mêmes, j'ai essayé de mettre en avant quelques slogans, images et actions poignantes qui laissent entrevoir ce qui se passe à l'instant même en Iran. Aux lecteurs d'en tirer leurs propres conclusions.

Pourquoi on manifeste

Deux intéressants fils de commentaires sur Reddit ici [2] et ici [3].

Dans la vidéo ci-après [4], une jeune femme décrit la scène à l'Université de Téhéran quand les Gardiens de la Révolution et la police arrivent sur le campus, et note que de nombreux étudiants ont été battus, quelques-uns arrêtés et emmenés. Malgré les attaques physiques, elle relève que “…les étudiants sont restés debout et continuent à crier leurs slogans.”

Dans une autre vidéo de Téhéran [5] (ci-dessous), les manifestants scandent “mort aux dictateurs” en se protégeant des gaz lacrymogènes.

Dans la vidéo suivante, un homme à Behshahr filme tout en commentant le traitement des citoyens iraniens par les policiers. L'homme relate l'arrestation brutale et la flagellation d'un manifestant apparemment non armé. “Regardez ce qu'ils font aux gens dans cette société. Regardez, regardez. Ils lui ont donné des coups sans raison.” Alors qu'il continue de filmer, des gens dans l'assistance commencent à crier “laissez-le partir”, tandis que d'autres se mettent à avancer vers les policiers. La vidéo se termine sur les mots de l'homme, “il revient maintenant aux gens ordinaires de riposter.”

A Kashan [6], les manifestants scandent “Indépendance, liberté, et une république iranienne”, une reformulation du refrain de la révolution de 1979, “Indépendance, liberté, et une république islamique.”

Ci-dessous, une foule se rassemble à Chiraz [7] avec des slogans invitant les concitoyens à se joindre à la manifestation.

On notera avec intérêt que si certains ont prétendu que les manifestations en Iran font partie du mouvement pour les réformes dirigé par le président soi-disant modéré Hassan Rohani, la protestation actuelle paraît avoir transcendé les luttes de factions. Dans cette vidéo en provenance de Hamadan [8], on entend les manifestants scander, “le clergé doit avoir un peu de pudeur, libérez notre société”, suivi de “mort à Rohani!”, signe d'un mépris pour le clergé et la république islamique dans leur ensemble.

Confrontation

Dans ce clip [9], on entend un homme dire “ça c'est la manifestation de 50.000 personnes à Ahvaz”.

Le clip ci-dessous [10] montre un homme lançant des pierres sur les forces de sécurité à Ahvaz tout en scandant “mort à Khamenei !”—des propos qui peuvent valoir la peine capitale en Iran.

La vidéo suivante, de Machhad montre des pneus en feu, et les cris de la foule semblent signaler un affrontement avec les forces de sécurité.

Dans le Lorestan, on voit des manifestants traîner un corps ensanglanté à travers la foule, en scandant “je tuerai celui qui a tué mon frère” et “mort à Khamenei!”

Dans un film attribué à [la ville de Bandar Abbas [11], les manifestants mettent le feu à un panneau publicitaire avec l'image du Guide Suprême Khamenei. Un acte de rage et de défi qui va au-delà du prix des œufs ou du désir de changement politique.

Dans la vidéo ci-dessous de Machhad [12], une voiture de police semble avoir été retournée et incendiée par les manifestants.

Pendant ce temps, à Zanjan, les manifestants encerclent les policiers en train de faire retraite et les canardent de projectiles improvisés alors qu'ils essaient de s'échapper.

A Kermanshah, on voit un groupe de policiers fuir devant une foule de manifestants en colère.

A Rasht, des gens mettent en place un sit-in non-violent [13] face à des forces de sécurité arrivant à moto. Les manifestants scandent “On va mourir, on va mourir, on va reprendre l'Iran”.

Un microcosme de la société iranien se voit dans cette vidéo [14] prise depuis un taxi apparemment à Téhéran. Les passagers voient des policiers frapper les manifestants, et une passagère commente que les gens sont mécontents et crie pour demander aux policiers pourquoi ils frappent les manifestants. Le chauffeur, apparemment gêné par son ton, lui dit de laisser tomber et de se taire sinon il la jettera hors de la voiture. La passagère, toujours rebelle, exige qu'on la laisse sortir. Le chauffeur la dépose en grommelant qu'il ne veut pas que sa voiture soit endommagée, alors qu'il voit plus de heurts à travers le pare-brise de son taxi.

Pas de doute, dans cette lutte certains ne veulent plus se contenter de regarder l'injustice sans bouger. Il faut écouter leurs paroles et prendre leurs actes pour ce qu'ils sont : la courageuse bravade d'un pays prêt au changement.