Agitation à Katmandou autour de la rénovation d'un site historique

L'étang Rani Pokhari avant le séisme de 2015. Photographie par Anup Adhikari sur Flickr. CC BY-NC 2.0

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Les étangs de la vallée de Katmandou et des plaines du sud du Népal ont toujours fait partie intégrante de la culture et de la tradition népalaises. Bien que certains aient été préservés [en], d'autres ont souffert de la construction de bâtiments modernes dans leur enceinte ou ont même complètement disparu à cause de la négligence des autorités.

Rani Pokhari, “l'étang de la reine”, a été asséché pour pouvoir reconstruire le temple historique de Balgopaleswor, situé en son centre. Les autorités ont décidé de rénover le site entier après la destruction partielle du temple par le terrible séisme de 2015.

Aujourd'hui, militants et habitants de la vallée de Katmandou ont uni leurs forces pour sauver l'ancien étang au cœur de la capitale :

En l'espace de quelques années, voici ce que nous avons fait de Rani Pokhari. Deux photos prises du même endroit.

La beauté et la signification historique de Rani Pokhari

Rani Pokhari est un site culturel du XVIIe siècle. Il aurait été construit par le roi Pratap Malla [en] en 1670 pour consoler la reine Anantapriya [en], attristée par la mort de son plus jeune fils.

Le temple de Balgopaleswor n'est ouvert au public qu'un jour par an : pendant le “festival des frères et sœurs” Bhai Tika, qui a lieu le dernier jour de Tihar, la fête des lumières hindoue de cinq jours. Les personnes sans frère ni sœur peuvent alors le visiter. L'étang est aussi ouvert au public pour la fête hindoue de Chhath.

Vue de Rani Pokhari en 1919.

Ce Rani Pokhari-là. “L'ancien est d'or : Rani Pokhari avant le séisme de 1990.”

Célèbre pour sa beauté et sa signification historique, l'étang est entouré à l'est par le Ghantaghar (la tour de l'horloge) et le Trichandra College, le premier campus du Népal, et à l'ouest par le lycée Durbar, également le premier du pays. Sur la rive sud se trouve une statue du roi Pratap Malla et de ses deux fils chevauchant un éléphant. Des temples dédiés aux dieux et déesses hindous se tiennent aux quatre coins.

Une reconstruction brouillonne et controversée

La reconstruction de l'étang [en] est un sujet de discorde entre le Ministère de l'Archéologie, les habitants et la Ville de Katmandou (Kathmandu Metropolitan City ou KMC, qui dirige les travaux). Les travaux avaient été interrompus en 2016 quand des militants avaient protesté contre l'usage de béton par l'entrepreneur.

La dispute a ressurgi en 2017 après que le même entrepreneur a commencé à construire un mur de béton [en] autour de l'étang :

Le KMC dit qu'il veut “embellir et moderniser” Rani Pokhari avec une fontaine son et lumière, un parc et un café. Ceci viole la Loi népalaise sur la Conservation des monuments anciens, selon laquelle les sites historiques âgés de plus de 100 ans doivent être préservés dans leur état originel.

Rani Pokhari a retenu de l'eau pendant 350 ans bien qu'il n'y ait pas eu d'ingénieurs à l'époque. Mais aujourd'hui, remplir Rani Pokhari d'eau est devenu une tâche gargantuesque pour l’ingénierie moderne, après la pagaille de la reconstruction. Des sommets d'impudence.

Sanjit Bhakta Pradhananga écrit [en] dans le Kathmandu Post :

Built over a natural aquifer, Rani Pokhari’s tightly-packed topsoil made it ‘waterproof,’ its submerged wells perpetually recharged its water levels, while subterranean canals diverted water to stone spouts like the Teen Dhara and the Bhota Hiti. Never in the 350 odd years thereafter did the pond once dry up or need substantial restoring.

Construit au-dessus d'un aquifère naturel, c'est le tassement de la terre qui a rendu Rani Pokhari “imperméable”. Ses puits submergés maintenaient constamment son niveau d'eau, tandis que des canaux souterrains déviaient l'eau vers des goulottes de pierre taillée comme le Teen Dhara et le Bhota Hiti. Jamais, en quelques 350 ans, l'étang n'a été asséché ni a eu besoin d'une restauration majeure.

Un “hiti” est un complexe d'une ou plusieurs goulottes de pierre taillée alimentées par l'eau de pluie recueillie dans les aquifères. Les étangs étaient construits à proximité de façon à remplir les aquifères et maintenir l'eau à un niveau constant, même pendant la saison sèche. Le système de canaux approvisionnait en eau les étangs, hitis et fermes pour l'utilisation quotidienne et l'irrigation.

Clairement, de nombreuses personnes s’inquiètent de la reconstruction de Rani Pokhari en cours, surtout à cause de l'utilisation de béton… mais nous avons un maire qui ne semble pas s'en soucier… Je ne veux pas que la reconstruction endommage notre patrimoine… Certains sites devraient rester en l'état.

Après l'agitation initiale autour de la reconstruction, les travaux ont été interrompus en 2016 et un comité a été créé [en] pour conseiller le gouvernement sur la restauration de l'étang [en] à son état original.

Cette dispute continue de retarder la reconstruction de Rani Pokhari, mais pour l'anthropologue David Gellner, elle fait office d'étude de cas sur le traitement de l'important patrimoine culturel de Katmandou.

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