Polarisée par le populisme, la société tchèque se prépare pour le second tour de l'élection présidentielle

Les candidats à la présidence tchèque Miloš Zeman et Jiří Drahoš. Photos sur Wikipedia par OISV et Jindřich Nosek (NoJin), CC BY-SA 4.0.

L'élection présidentielle de la République tchèque s'est tenue les 12 et 13 janvier, sans qu'aucun des neuf candidats n'obtienne la majorité absolue des voix. Un deuxième tour a donc lieu les 26 et 27 janvier, avec un duel entre les deux candidats les mieux placés au premier tour : Miloš Zeman, l'actuel chef de l’État, et Jiří Drahoš, l'ancien président de l'Académie des Sciences du pays.

L'élection a engendré des débats enflammés entre citoyens, tant en ligne que hors ligne. Dans cette république parlementaire, les compétences très restreintes du président sont délimitées par la constitution [en], mais l'élection n'en polarise pas moins une société tchèque déjà divisée.

Durant son mandat, Miloš Zeman a largement contribué à creuser les divisions sociales par ses méthodes de tolérance zéro vis-à-vis de ses adversaires et par son attitude populiste vers ses partisans.

Selon l’enquête d'avant élection intitulée “Que lisent les électeurs des candidats ?” Les partisans de Zeman sont majoritairement des lecteurs de sites internet d'information alternatifs au financement mal identifié, souvent bâtis comme des propagateurs de ‘fake news’ pro-russes.

Un utilisateur de Twitter évoque les liens problématiques de Zeman avec la Russie :

Soient les deux prémisses : A (il y a une guerre hybride de la Fédération de Russie contre la République tchèque au moyen de sites internet de désinformation) et B (Zeman est le candidat de la Fédération de Russie et de la mafia qui fait des affaires en Russie – PPF, Nejedly et Zbytek ), alors ce graphique montre clairement que la guerre de désinformation a été absorbée comme une éponge par les supporters de Zeman. Selon ce graphique ils consomment uniquement des produits de la propagande russe.

Les sites d'actualités comme aeronet.cz/news, parlamentnilisty.cz et euportal.cz mobilisent les informations qui attisent les sentiments nationalistes, mettent fortement l'accent sur l'indépendance politique et militaire de la République tchèque d'avec l'Union européenne (UE) et d'avec l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Ces sites présentent les réfugiés des guerres du Moyen-Orient et les migrants économiques de l'Afrique sub-saharienne comme de dangereux terroristes islamiques.

Les pro-Zeman se réclament souvent de ces sites quand ils accusent la Radio de service public de manquer d'objectivité dans ses informations. Ce que Zeman renforce en exprimant ouvertement son absence de confiance dans les médias publics.

En 2014, de nombreux journalistes critiquèrent Zeman pour son parti pris d'Est en politique étrangère, et pour son usage de langage grossier à la radio publique tchèque. Il riposta en décidant de ne plus donner d'entretiens qu'aux sites alternatifs d'information et à la presse de caniveau, traitant la télévision publique de “boîte de conserve de viande avariée”. Il prenait régulièrement la parole dans son propre programme télévisé sur une chaîne privée.

Sur ses canaux de communication, Zeman a désigné un groupe non précisé de ses opposants comme le “café de Prague”, alimentant le cliché de l'intellectuel libéral de la grande ville qui paresse toute la journée dans les cafés et feint seulement la tolérance pour les autres.

Les supporters irréductibles de Zeman utilisent “café de Prague” comme une expression péjorative désignant artistes célèbres, acteurs, universitaires, intellectuels et tous autres qui critiquent publiquement Zeman. L'expression est aussi appliquée à ceux qui cultivent l'héritage de Vaclav Havel, l'ancien président décédé en 2011 qui aligna le pays sur les valeurs et politiques occidentales après la dissolution de l'Union soviétique. La politique étrangère de Havel basée sur les droits de l'homme contraste de façon saisissante avec l'approche exclusivement économique de Zeman.

Les loyalistes de Zeman traitent ses détracteurs de ‘traitres à la nation’ à la solde de George Soros, le philanthrope américain [d'origine hongroise] qui soutien un large éventail d'organisations sans but lucratif, y compris d'aide aux réfugiés. [Note de l’Éditeur : Global Voices reçoit un financement de la Fondation Open Society, qui fait partie du réseau Soros.]

Avant le second tour de l'élection présidentielle, Zeman n'a cessé d'insister sur les sujets apparaissant sur les sites d'information alternatifs. Il s'est efforcé de dépeindre son rival Jiri Drahoš comme un faible voulant détruire le pays par une politique d'immigration laxiste à l'avantage des réfugiés musulmans.

Le principal candidat d'opposition tchèque, un membre du ‘Café de Prague’ ?

Jiri Drahoš est peu connu et est dépourvu d'expérience politique directe si ce n'est ses huit années au poste semi-politique de président de l'Académie des Sciences. Chimiste, il est l'auteur de nombreux brevets, et a une réputation dans certains cercles d'homme honnête et poli, mais sans relief. Ses soutiens croient qu'il apportera impartialité et civilité à la présidence.

Il lui a suffi d'être candidat d'opposition pour que les soutiens de Zeman l'étiquettent aussitôt comme un membre du ‘café de Prague’ qui veut que la République tchèque renonce à son autonomie et se soumette aux exigences des grands pays de l'Europe.

Un utilisateur de Twitter s'est exclamé :

Vous entendez le silence ? Le café de Prague a peur des résultats de l'élection. Ils savent que c'est leur fin. Ils sentent la fin du culte de Havel.

Un autre plaisante sur le discours populiste et la politique anti-immigration de Zeman en rappelant la militante civique seins nus ukrainienne [FEMEN] qui s'est précipitée vers Zeman avec des cris de protestation dans la cabine de vote le 15 janvier [Elle l'avait traité de pute de Poutine]. Zeman, qui s'apprêtait à déposer son bulletin, a paru choqué et sans défense :

Le camarade Zeman n'a pas réussi à se défendre contre une fille nue et veut défendre le pays contre les migrants. Et est-ce que je me demande comment il le fera ???

Un autre croit savoir pourquoi le “café de Prague” ne veut pas que Zeman soit à nouveau président :

Pourquoi le café (de Prague) càd les organisations sans but lucratif, càd les mondialistes de Soros ne peuvent pas sentir Zeman ? Pourquoi ils ont désigné un chimiste “hyper-poli” qui n'a jamais voulu être président ? Peut-être parce qu'ils veulent détruire le groupe de Visegrád afin que nous, pays post-communistes, ne puissions pas nous défendre des diktats de la bureaucratie de l'Allemagne et de Bruxelles.

Et un autre se réfère à un sondage de la télévision indiquant que les deux candidats sont presque à égalité :

Sondage pour OVM : Pour Zeman 45,5 pour cent, pour Drahoš 45 pour cent. 9,5 sont encore indécis.

Le sort de l'élection sera sans doute fixé par les électeurs indécis qu'auront convaincus les deux semaines de débats télévisés et d'événements de la campagne d'entre-deux tours.

Dernière minute : M. Zeman a obtenu 51,36% des suffrages contre 48,63% à l'académicien pro-européen Jiri Drahos, pour un taux de participation de 66,6%, selon les résultats complets donnés par la télévision publique tchèque.

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