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Netizen Report : Des ONG mexicaines réclament une enquête indépendante dans une affaire de cyberespionnage

Catégories: Amérique latine, Bahreïn, Espagne, Inde, Macédoine, Malaisie, Mexique, Turquie, Venezuela, Droit, Droits humains, Liberté d'expression, Médias citoyens, Technologie, Advox

Dessin de Doaa Eladl via Flickr, Web We Want ( CC BY-SA 2.0)

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis, des victoires et des tendances émergentes en matière de droits numériques à travers le monde.

Au Mexique, les allégations selon lesquelles des agences gouvernementales auraient utilisé un logiciel de surveillance pour infiltrer les téléphones portables de journalistes et de défenseurs des droits humains n'ont fait l'objet d'aucune enquête [1] de la part du gouvernement mexicain, déplore un communiqué officiel [2] des groupes affectés par le logiciel espion.

En juin 2017, un groupe d’experts a révélé qu'à 76 reprises [3], des journalistes et des défenseurs des droits humains avaient été ciblés par les attaques du logiciel espion Pegasus, vendu par la firme israélienne NSO Group. Ce malware permet de surveiller et d’accéder aux communications et activités du téléphone de la victime. Ces intrusions ont été documentées par Article 19, le Citizen Lab de l’Université de Toronto ainsi que les ONG R3D et SocialTIC, basées à Mexico.

Suite à la publication par le New York Times [4] des conclusions de l'enquête, le Président mexicain Enrique Pena Nieto a demandé au cabinet du procureur général d'examiner ces allégations. Selon les organisations concernées [2], depuis juin 2017, les autorités n’ont jamais cherché à récolter des informations sur l’usage du logiciel, ni enquêté sur ses déploiements techniques ou interviewé des fonctionnaires formés à l’utilisation du logiciel.

Les organisations réclament à présent une enquête indépendante [5] et soulignent l'absurdité de recourir au cabinet du Procureur Général, car il s'avère que l'agence est à l’origine même de l’achat du logiciel espion. Si le gouvernement mexicain n’a toujours pas mené d’enquête sérieuse de son côté, il a néanmoins demandé au gouvernement américain de se joindre à l'effort – une requête rejetée [3] par les autorités des États-Unis.

Il s’agit du dernier développement en date d'une série de révélations et d’enquêtes sur l’usage de logiciels de surveillance au Mexique depuis 2013 [3]. Des responsables politiques réclamant le renforcement de mesures de santé publique [6] ainsi que des experts enquêtant [7] sur la disparition de 43 étudiants à Ayotzinapa ont également été victimes de cyberespionnage.

Un défenseur des droits humains bahreïni condamné à cinq ans de prison pour des tweets

Nabeel Rajab [8], éminent président du Bahrain Center for Human Rights, a été condamné à cinq ans de prison [9] le 21 février pour avoir publié une série de tweets jugés « insultants envers les institutions nationales » et « insultants envers les pays voisins » par les procureurs. Dans ces tweets, Nabeel Rajab critiquait l'implication de l’Arabie Saoudite dans la guerre civile au Yémen et relayait des preuves de torture et de mauvais traitements dans la prison de Jaw au Bahrein publiées par Human Rights Watch [10].

Un dessinateur malaisien risque la prison pour avoir représenté le Premier ministre sous les traits d’un clown

Le dessinateur malaisien Fahmi Reza a été poursuivi et déclaré coupable [11] d’avoir « mis en ligne de fausses communications » suite à la publication sur Facebook d'un dessin peint à la main du Premier ministre malaisien Datuk Seri Najib Razak grimé en clown. Dans un post [12] relatif à l'affaire, il écrit :

« Avoir peint le portrait du Premier ministre sous les traits d’un clown malveillant était un acte de protestation contre ce gouvernement corrompu qui utilise le Sedition Act et d’autres lois draconiennes pour réduire au silence les voix de la dissidence. »

Il a été condamné à un mois de prison et à une amende de 30.000 ringgit malaisien, conformément à la section 233 du Multimedia and Communications Act de 1998. Son avocat prévoit de faire appel.

Un photojournaliste cachemiri dépasse les 150 jours en détention

Cela fait désormais 150 jours que le photojournaliste cachemiri Kamran Yousuf se trouve derrière les barreaux [13], depuis son arrestation en septembre 2017. Il a finalement été inculpé le 18 janvier pour « financement d’activités terroristes et anti-étatiques dans la vallée du Cachemire ». Son acte d’accusation mentionne également qu'il a manqué à son « devoir moral de journaliste » en décidant de ne pas couvrir les « activités sociales et de développement menées par le gouvernement local ou le gouvernement indien ».

Yousuf est devenu célèbre l'an dernier après que ses photos et vidéos de processions funéraires et de combats à jets de pierres sont devenues virales sur les réseaux sociaux, récoltant régulièrement des dizaines de milliers de vues et de partages. Le Conseil de la Presse indien a fait part de son inquiétude [14] quant à sa détention, tandis que la Guilde des rédacteurs du Cachemire (Kashmir Editors Guild) ainsi que le Comité pour la protection des journalistes (Committee to Protect Journalists) ont appelé à sa libération [15].

Un citoyen macédonien poursuivi pour avoir posté des photos de policiers dans l'exercice de leurs fonctions

La police de Macédoine a porté plainte [16] contre une personne ayant pris des photos d'officiers de police de service lors d'élections locales et les ayant postées sur Facebook. Le photographe a publié une trentaine de photos visant à documenter d'éventuelles irrégularités dans le processus électoral. Le tribunal de première instance de Gevgelija a jugé la personne coupable d’ « abus de données personnelles » et a prononcé une condamnation de trois mois de prison. La personne, restée anonyme, a fait appel de cette décision.

Des journalistes turcs condamnés à de la prison à vie

Six journalistes turcs ont été condamnés à des peines de prison à vie [17] pour avoir « tenté de renverser l’ordre constitutionnel », alors que le jour-même le journaliste turco-allemand Deniz Yucel était libéré après un an derrière les barreaux sans aucune charge. Yucel avait été arrêté car soupçonné d’ « inciter à la haine et à l'inimitié raciale » et de « diffuser la propagande d'une organisation terroriste ». Sa libération intervient peu après la visite du Premier ministre turc en Allemagne. La Turquie compte actuellement 155 journalistes emprisonnés.

Un Espagnol risque la prison pour des tweets misogynes

Le 16 février, un homme âgé de 22 ans [18] a été condamné [19] à deux ans et demi de prison par la Cour Suprême espagnole pour avoir publié des tweets « incitant à la haine contre les femmes » en 2015 et 2016. Dans l'un des tweets incriminés, l'homme écrivait : « L'année 2015 va se terminer avec un total de 56 femmes assassinées, ce n'est pas un bon record mais c'est tout ce qu'on a pu faire, voyons si l'on peut doubler ce chiffre en 2016, merci. » Il avait précédemment été condamné à deux ans d'emprisonnement pour ces tweets ainsi que d'autres faisant l'apologie du terrorisme. Par la suite, la Cour Suprême a annulé la condamnation relative au terrorisme, estimant que les tweets étaient « d'ordre général », mais a durci la peine pour les messages misogynes.

Le Venezuela poursuit la collecte des données de ses citoyens — et les conserve de plus en plus longtemps

La Commission Nationale des Télécommunications du Venezuela a étendu la liste (déjà longue) des données personnelles [20] requises pour accéder aux services téléphoniques dans le pays. Elle a également allongé la période durant laquelle les opérateurs pourront conserver ces données, allant de trois mois après la fin d'un contrat à cinq ans.

Cette nouvelle règle fait du Venezuela l'un des pays d'Amérique latine où la rétention de données est la plus longue, aux côtés de la Colombie. En plus de devoir fournir une preuve d'identité, une signature, leurs empreintes digitales et leur nom et adresse complets, les utilisateurs devront désormais renseigner leur adresse e-mail, être photographiés et enregistrer leurs empreintes digitales à l'aide d'un dispositif biométrique. La Commission stipule que les opérateurs téléphoniques devront numériser les données collectées, mais n'a pas précisé comment elles seraient protégées, se contentant de spécifier que les opérateurs et les services de sécurité de l’État définiraient eux-mêmes les conditions de conservation et de traitement des données adéquates.

Nouvelles études [en anglais et espagnol]

 

 

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Afef Abrougui [26], Ellery Roberts Biddle [27], Marianne Diaz [28], L. Finch [29], Rohith Jyothish [30], Rezwan Islam [31], Inji Pennu [32], Karolle Rabarison [33], Elizabeth Rivera [34], Juke Carolina Rumuat [35] et Sarah Myers West [36] ont contribué à l’élaboration de ce rapport.