Les jeunes de la Ghouta se font reporters de guerre pour donner à voir les souffrances des civils

Noor et Alaa filment la destruction causée par les frappes aériennes du régime syrien dans la Ghouta orientale. Utilisation autorisée.

Ce qui suit est une série de témoignages depuis la Ghouta orientale (dans les faubourgs de Damas) après ceux d'une infirmière et d'un dentiste, que nous avons traduit respectivement les 21 février et 6 mars 2018, et publiés par le collectif Act For Ghouta. Global Voices a aussi publié des témoignages recueillis à Damas, que vous pouvez lire ici.

Contrôlée par les rebelles anti-régime, la Ghouta orientale est assiégée par le régime syrien et ses alliés depuis la fin de 2013. Mais ces dernières semaines, la violence a atteint un paroxysme. Dans les deux semaines entre la soirée du 18 février et celle du 3 mars, les données médicales de Médecins Sans Frontières (MSF) indiquent 4.829 blessés et 1.005 morts, soit 344 blessés et 71 morts par jour. Les infrastructures civiles sont aussi gravement endommagéesavec plus de 25 hôpitaux et centres de santé bombardés, certains plus d'une fois en quatre jours.

Deux sœurs de la Ghouta orientale, Noor, 12 ans, et Alaa, 8 ans, vont sur Twitter avec un compte commun pour raconter avec leurs mots le siège en cours.

Les fillettes et leur mère, Shams Al-Khateeb, ont vu des dizaines d'orphelins et d'enfants à la rue après la perte de leurs parents. Shams Al-Khateeb a créé le compte Twitter pour ses filles dans l'espoir que les gens voient ce qui se passe dans la Ghouta et réclament des actes.

Global Voices (GV) a rencontré la jeune Noor, qui a dit pourquoi elle voulait devenir journaliste :

Je veux devenir journaliste pour transmettre les souffrances des innocents, ou étudier la chimie pour faire des médicaments pour les gens.

Malgré le siège, Noor allait à l'école et était l'une des élèves les plus brillantes de sa classe de sixième. Mais son école a été récemment bombardée par des avions supposés du régime Assad, et les opérations militaires en cours l'ont empêchée de rejoindre un autre établissement.

Désormais, Noor et sa famille passent la plupart de leur temps chez elles.

Elles ont survécu à une frappe aérienne qui visait leurs voisins, et dans laquelle Alaa a été légèrement blessée.

De temps en temps, les sœurs marchent dans les rues ou se rendent dans des abris pour filmer et parler de la crise humanitaire qui s'approfondit. Parlant à GV, leur mère a dit qu'elles ont perdu espoir :

La plupart du temps les filles restent près de moi, m'enlacent, et se mettent à pleurer quand une frappe aérienne atteint le voisinage. Nous n'avons pas grand chose à manger, seulement quelques herbes comme du persil, pas d'eau à boire ou pour la douche.

Les suites de la frappe du 22 février 2018 ont été filmées et postées sur Twitter. Avertissement : images choquantes.

Pour l'amour de Dieu, aidez-nous ! #SauvezLaGhouta

Dans la vidéo, Noor crie :

Why is he bombing us? What have we done to him? And what does he want from us?

Pourquoi il nous bombarde ? Qu'est-ce qu'on lui a fait ? Et qu'est-ce qu'il nous veut ?

Noor et Alaa, comme les autres enfants, veulent que les bombardements cessent pour pouvoir retourner à l'école et reprendre une vie normale, raconte leur mère à GV.

Documenter la guerre

La guerre syrienne est souvent qualifiée de conflit le plus documenté de l'histoire, car documenté par les Syriens eux-mêmes.

Lorsque Mahrous Mazen, 20 ans aujourd'hui, était sur les bancs de l'école il y a sept ans, jamais il n'aurait pensé devenir un photojournaliste couvrant les souffrance des gens de Douma, sa ville et une des cités de la Ghouta orientale.

Mais les horreurs de la guerre infligées à la Syrie l'ont décidé à se faire photographe.

Mahrous Mazen tient un appareil photo et filme les raids aériens du régime syrien. Source: Twitter

Mazen sort chaque jour avec son appareil pour photographier les destructions, les morts et les blessés résultant des opérations de bombardement du régime syrien et de son allié russe.

Mazen publie des photos quotidiennes sur Twitter, Facebook et Instagram ou les envoie aux agences d'information “pour que le monde voie ces horreurs,” explique-t-il à GV.

Un photographe couvre la vie quotidienne dans la Ghouta orientale assiégée, depuis Douma.
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Merci à tous

Mahrous a dit à GV que son père a été tué dans un raid aérien des avions de chasse du régime en 2014. Il vit aujourd'hui dans un abri de la Ghouta avec sa famille et ses voisins.

Les abris sont juste des caves ordinaires sans installations propres à protéger les civils des frappes aériennes.

Every shelter hosts 30 to 40 family, I've visited one in Arbin that hosts 120 families.

Chaque abri compte 30 à 40 familles, j'en ai visité un qui en comptait 120.

Mazen poursuit :

It's very hard to get an internet connection in order to upload the photos and videos because of intensive shelling. Many families are still buried under the rubbles and can't be reached by White Helmets.

Il est très difficile d'avoir une connexion internet pour charger les photos et vidéos, à cause du pilonnage intense. Beaucoup de familles sont ensevelies sous les décombres et ne peuvent être atteintes par les Casques Blancs.

Mazen dit à GV qu'il refuse de quitter la Ghouta. Il craint une destruction totale de la Ghouta, pensant à la ville d’Alep, dévastée en 2016. Mazen n'a aucune confiance dans les déclarations actuelles du régime disant garantir une évacuation sécurisée, au vu de ses fréquentes violations des accords.

Il souligne aussi que même l'ONU en Syrie a été ciblée, quand les avions ont frappé des localisations à proximité de camions d'aide humanitaire de l'organisation qui distribuaient de la nourriture. Des fournitures médicales à destination de la Ghouta ont aussi été saisies par le régime le 5 mars.

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