Netizen Report : nouvelles arrestations en Ethiopie, les journalistes et défenseurs des droits humains en “état d’urgence”

Le 21 octobre 2015, Mahlet Fantahun et des amis retrouvaient Befeqadu Hailu à sa sortie de prison. Photo via @miniliksalsawi

Le Netizen Report d’Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Le 26 mars dernier, les autorités éthiopiennes ont arrêté les journalistes Eskinder Nega et Temesghen Desalegn [sauf indication contraire, tous les liens sont en anglais], deux membres de la plateforme de blogueurs Zone 9Befekadu Hailu et Mahlet Fantahun, ainsi que l’un des auteurs du site d‘informations De BirhanZelalem Workagegnehu. Tous avaient déjà été emprisonnés dans le passé pour leurs activités en tant que journalistes ou défenseurs des droits humains.

Ils n’ont pas été les seuls à être ciblés par les autorités durant cette semaine du 26 mars. Selon un contact local de GlobalVoices, qui a demandé à garder l’anonymat, plus de 20 journalistes, universitaires et figures importantes de l’opposition ont été arrêtés. Des défenseurs de la société civile du monde entier ont appelé à la libération de onze journalistes dans une lettre publiée par l’Association des Droits de l’homme éthiopienne.

Nega, célèbre journaliste politique qui était sorti de prison le 14 février après avoir avoir passé près de sept ans derrière les barreaux pour terrorisme, a lui aussi été de nouveau arrêté. Il a envoyé un message via Twitter décrivant les conditions “inhumaines” dans lesquelles ils sont incarcérés :

… nos conditions d’incarcération sont pour le moins inhumaines. Nous sommes plutôt entassés qu’emprisonnés. Nous sommes environ 200 à être serrés dans une pièce de cinq mètres sur huit divisée en trois espaces. Il est impossible de s’assoir ou de s’allonger confortablement et l’accès aux toilettes est limité. Quel que soit son crime, il n’y a pas un être humain qui mérite un tel traitement, et encore moins des gens comme nous détenus injustement. Le monde entier doit savoir ce qui se passe et tout doit être fait pour mettre fin à ce que nous endurons.

“Souffrant d’un grave mal de dos qui s’est développé lors d’une précédente incarcération”, Temesghen a été extrait de la prison pour être conduit à l’hôpital de Zewditu.

Hailu et Fantahun ont tous les deux été des collaborateurs de la communauté Global Voices. En 2014, ils avaient été arrêtés avec sept autres blogueurs et journalistes pour leur participation à la plateforme en ligne Zone9, où ils rappelaient régulièrement à leur gouvernement ses obligations en termes de droits humains et de loi constitutionnelle.

A l’issue de douze semaines de détention arbitraire, les auteurs avaient été condamnés en vertu de la loi éthiopienne contre le terrorisme (Anti-Terrorism Proclamation) et avaient passé plus d'un an derrière les barreaux. Plusieurs d’entre eux avaient été libérés, sans explications, juste avant la visite du président américain de l’époque, Barack Obama, en juillet 2015. Les autres avaient été acquittés et relâchés en octobre 2015.

Depuis lors, les deux blogueurs ont fait l’objet d’une étroite surveillance par les autorités de l’État.

Tout cela s’est passé dans un contexte politique agité. Depuis le milieu de l’année 2015, des milliers d’Éthiopiens ont commencé à réclamer davantage de libertés politiques et d’égalité sociale, ainsi qu'à demander à ce que le gouvernement cesse de s’approprier des terres dans la région d’Oromia, berceau de l’un des plus importants groupes ethniques éthiopiens. La réponse gouvernementale a été brutale : des centaines de personnes ont été tuées, des milliers d’autres arrêtées et les voix critiques – qu’elles s’élèvent sur Internet ou sur le terrain – systématiquement réduites au silence.

Fin 2017, la coalition au pouvoir en Éthiopie a commencé à se fissurer, ce qui a occasionné diverses retombées politiques dont la démission, en janvier 2018, de Hailemariam Desalegn de son poste de Premier ministre.

Jusqu’ici, 7 000 personnes ont été graciées ou ont vu les charges contre elles être abandonnées. Quoiqu’il en soit, cette semaine, certaines d’entre elles ont de nouveau été arrêtées. Et leur sort reste incertain.

Prochaine étape des retombées de l’affaire Cambridge Analytica : l’Inde

Christopher Wylie, spécialiste des données devenu lanceur d’alerte et ancien directeur de la recherche de Cambridge Analytica, a déclaré devant des parlementaires britanniques que le Congrès national indien, un des principaux partis politiques  en Inde, faisait partie des clients de la société d’analyse de données controversée.

Des allégations circulent également qui font état de contrats qu’auraient passés d’autres partis politiques indiens (dont le BJP, celui du Premier ministre Narendra Modi) avec l’entreprise britannique.

Lors de sa déposition devant la commission parlementaire britannique, le 28 mars, Christopher Wylie a détaillé les différentes activités de la société d’analyse de données, qui fait les gros titres depuis que, mi-mars, des journalistes de The Observer et du New York Times ont révélé qu'elle avait exploité, à leur insu, des données psychographiques relatives aux comportements d’utilisateurs de Facebook, pour l’équipe de campagne de Donald Trump lors de la course à la présidence américaine.

Dans son témoignage, Christopher Wylie pointe du doigt l’activité de l’entreprise en Inde et au Kenya, où Cambridge Analytica a été sollicitée par le parti au pouvoir Jubilee. Dans un tweet, il compare son action à une forme moderne de colonialisme.

Cambridge Analytica a également été impliquée dans une tentative d’interférence dans des élections au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique.

Le doute sur les données gagne le Japon

Suite aux révélations concernant Cambridge Analytica, le Secrétaire général du cabinet du Premier ministre japonais Shinzo Abe a indiqué aux journalistes, le 27 mars, que le gouvernement était en train d’enquêter [en japonais] sur |’utilisation frauduleuse de données personnelles collectées depuis Facebook. Au Japon, la loi (Personal Information Protection Act) interdit aux entreprises de partager avec d’autres les données en leur possession sans l’accord explicite des utilisateurs concernés.

Comment protéger son compte Facebook des “mineurs” de données

Peu après qu'a éclaté le scandale de l’exploitation non consentie par Cambridge Analytica de données d’utilisateurs de Facebook, la Fondation Electronic Frontier a publié un petit guide pour aider les abonnés Facebook à limiter l’accès à leurs données via des applications de tierces parties. Pour le consulter, cliquez ici.

La Turquie renforce sa législation sur les vidéos en ligne

La parlement turc a adopté une nouvelle loi autorisant l’organisme public de régulation de la radiodiffusion à imposer un système de licence pour les plateformes de vidéo en ligne (telles YouTube, Periscope et probablement Facebook) qui permettra au régulateur de les surveiller et de sanctionner celles qui ne se plieront pas assez rapidement aux injonctions du gouvernement de retirer certains contenus. Toutes les plateformes devront obtenir une licence de la part du régulateur ; celles qui n’en auront pas risqueront d’être entièrement bloquées.

La Syrie met en place un tribunal spécialisé dans la cybercriminalité

En Syrie, le Conseil des ministres a adopté un amendement à la Loi sur la cybercriminalité de 2012, la loi 17/2012 [en arabe], qui sanctionne “quiconque incite ou promeut le crime via les réseaux informatiques” par une peine de prison de un à trois ans assortie d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 dollars. L’amendement crée une cour de première instance spécialisée dans les cybercrimes, dont les décisions pourront être contestées devant la Cour d’appel. Jusqu’ici, les personnes accusées en vertu de la Loi sur la cybercriminalité pouvaient être jugées par n’importe quel tribunal, civil ou militaire.

Des défenseurs des droits humains birmans s’attaquent à la Loi sur la diffamation

Pour contrer la célèbre loi birmane relative à la diffamation, le tech hub local Phandeeyar a mis en ligne une base de données, baptisée #SayNOto66d (“Dites non au 66d”), en partenariat avec une coalition de 22 organisations de la société civile. Selon l’article 66D, toute personne déclarée coupable d’avoir “extorqué, contraint, contrôlé injustement, diffamé, dérangé, exercé une pression abusive sur ou menacé quiconque en utilisant un réseau de télécommunications” encourt une amende et/ou une peine de prison allant jusqu’à trois ans.

Selon la base de données, 61 % des personnes poursuivies voulaient “attirer l’attention sur différents problèmes et responsabiliser leur audience”. La moitié des cas impliquaient une critique de l’État. Tous ceux qui ont été poursuivis selon cette loi ont été condamnés.

Les législateurs australiens veulent (vraiment) protéger le cryptage

Le sénateur vert australien Jordan Steele-John a déposé une motion pour soutenir les lois protégeant un solide cryptage dans les technologies de communication numérique et pour rendre plus exigeantes les conditions d’attribution d’un mandat à des enquêteurs voulant engager une surveillance digitale de citoyens suspectés d’activités criminelles.

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