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Sans surprise, réactions mêlées en Jamaïque au jugement contre la loi sodomie à Trinidad et Tobago

Catégories: Caraïbe, Barbade, Bélize, Jamaïque, Droit, Droits humains, LGBTQI+, Médias citoyens

Sur les marches du Palais de justice de Trinidad et Tobago, une foule fête l'annonce de la décision de justice du 12 avril 2018. Photo de Maria Nunes, utilisée avec autorisation.

Les Jamaïcains ont réagi de manière relativement prévisible après l'annonce de la décision judiciaire du 12 avril à Trinidad [1], qui considère la « loi sodomie » comme inconstitutionnelle et illégale.

Des groupes LGBT locaux et des personnes ayant fait campagne contre cette loi ont exprimé leur ravissement, tandis que d'autres, représentant des groupes fondamentalistes chrétiens donnaient à voir leur désapprobation. Le sujet s'est fait relativement discret sur les médias traditionnels et sociaux l'an passé, car les opinions sur cette loi restent tranchées dans le pays en l'absence d'avancée importante ni sociale, ni politique.

Après la décision judiciaire à Trinidad et Tobago, la question de conserver ou non la loi jamaïcaine dépassée se pose désormais à nouveau sur l'ile.

La loi jamaïcaine contre le sexe anal (« sodomie ») a plus de 150 ans (Section 62 de la loi sur les infractions contre la personne de 1864 [2] sous le titre « Délit non naturel ») et est vivement débattue depuis de longues années. Il y a eu peu de changement dans les positions des participants au débat. Quelques leaders religieux influents se sont prononcés [3] contre son abrogation, bien que tous ne soient pas unanimes dans sa condamnation [4]. Des groupes chrétiens fondamentalistes comme la Coalition de Jamaïque pour une société saine [5] et le Mouvement Marche d'amour [6] (sa mission :  « voir une Jamaïque qui soit éduquée, qui affronte les défis, prie et aime la pureté sexuelle et la protection de la famille ») appuient formation le maintien de la loi et l'affirment ouvertement.

Toutefois, une étude publiée en 2017, commandée par J-FLAG, un groupe de défense des droits LGBT, estime que [7] seulement 7,63% des cas dénoncés à la police entre 2011 et 2015 étaient liés à des incidents entre hommes, ce qui montre que la loi actuelle est davantage préjudiciable aux femmes et aux enfants.

La communauté LGBT jamaïcaine a célébré la décision de justice en exprimant son espoir [8] que puisse s'initier un changement en Jamaïque. Le directeur exécutif de J-FLAG a d'ailleurs tweeté :

D'excellentes nouvelles nous arrivent de Trinidad et Tobago où la loi sodomie a été abrogée. C'est merveilleux de voir des preuves du progrès dans la région. Toutes nos félicitations à Jason Jones et ses collègues d'organisations sur place pour leur succès.

J-FLAG a également diffusé sur Facebook une vidéo [10] des célébrations à l'extérieur du tribunal de Trinidad, déclarant :

We are celebrating with our family as LOVE wins In Trinidad! ?
Judge finds the buggery law and serious indecencies unconstitutional as applied to adult consensual acts.
?: CCN TV 6 #LoveWins #Trinidad #ShareTheNation #WeStandWithYou

Nous célébrons avec nos familles la victoire de l'AMOUR à Trinidad ! ?

Le juge considère les lois sodomie et atteintes graves à la décence comme inconstitutionnelles car appliquées à des actes entre adultes consentants.

?: CCN TV 6 #LamourLEmporte #Trinidad #PartagerLaNation #NousSommesAVosCôtés

Tandis que la Coalition caribéenne des communautés vulnérables (CVC) de Jamaïque exprimait sont soutien :

En solidarité.

Tous les citoyens de la nation insulaire de Trinidad et Tobago ont le droit de vivre une vie sans discrimination ni violence.

La communauté LGBT n'est pas exclue de ette protection.
———-
CVC est solidaire de la communauté LGBTI de Trinidad et Tobago sur la voie pour la reconnaissance de ses droits.

Maurice Tomlinson, avocat et militant jamaïcain vivant au Canada, publie le commentaire [13] d'un ex-étudiant :

FROM AN EX-STUDENT IN CANADA! ?️‍????? ?
“I know I've said it before… But thank you Maurice. Thank you for everything that you do in fighting for the rights of LGBTQ people. Today's victory in T&T is close to home for me. Both of my parents are Trini… My entire family are Trini. My Dad often asks me to go with him to Trinidad. I always say no because I don't feel safe in a country that doesn't care about my rights. I have often been embarrassed to tell people that my background is Trini. I shed tears today when I saw the article regarding the courts striking down the anti-buggery law.
Thank you for fighting for us. As I've said before, you are my Harvey Milk. I thank God for giving the world activists like you.”

D'UN EX-ETUDIANT AU CANADA ! ?️‍????? ?

« Je sais l'avoir déjà dit… mais merci Maurice. Merci pour ce que tu as fait dans ton combat pour les droits des personnes LGBTQ. La victoire d'aujourd'hui à Trinidad et Tobago, est si proche pour moi. Mes deux parents sont de Trinidad… Toute ma famille est de Trinidad. Mon père m'a souvent demandé d'y aller avec lui. J'ai toujours refusé car je me sens pas en sécurité dans un pays qui ne se préoccupe pas de mes droits. J'ai souvent été embarrassé de dire aux gens que je viens de Trinidad. J'ai versé des larmes aujourd'hui en lisant un article sur la décision des juges de mettre fin à la loi anti-sodomie.

Merci de te battre pour nous. Comme je l'ai déjà dit, tu es mon Harvey Milk [14]. Je remercie Dieu d'avoir offert au monde des activistes tels que toi. »

Tomlinson, qui s'est opposé à de nombreuses lois dans les Caraïbes ajoute [15] :

Caribbean LGBT gatekeepers, PLEASE support other legal challenges.
#ItsTime

Défenseurs des LGBT caribéens, S'IL VOUS PLAIT, soutenez d'autres actions légales.
#CestLeMoment

Dane Lewis, ex-directeur exécutif de J-FLAG, a commenté à Global Voices :

It's heartwarming that a Caribbean court has again offered such a favourable ruling regarding the respect of the rights of LGBT, with Belize being the first. It clearly demonstrates that our courts can uphold justice by recognising and respecting the inherent rights that should be afforded all human beings.

C'est réconfortant qu'un tribunal caribéen ait à nouveau offert une décision si favorable au sujet du respect des droits des LGBT, Belize avait ouvert la voie. Cela démontre clairement que nos tribunaux peuvent faire gagner la justice en reconnaissant et en respectant les droits inaliénables qui devraient être accordés à tout être humain.

À Belize, où la Cour Suprême a statué [16] en août 2016 que la loi sodomie était inconstitutionnelle, Caleb Orozco, un éminent activiste LGBT qui a déposé et remporté le recours, publiait sur Facebook [17] :

It was not PANCAP that helped in Trinidad and Tobago, it was Jason Jones who took a risk and led the way in a moment of Stubborness. In Belize, it was not PANCAP that helped, it was one person who took a risk and led the way while hundreds loan an invisible hand in the process. In Bahamas, it was not PANCAP, it was a local politician. What we see in the Caribbean is that decrim as a broader issue and that is to raise awareness that fundamental rights belong to all and that political leaders in this region can no longer continue the practice of legislative exclusion or language exclusion in UN outcome documents. LGBT Caribbean exists and that all laws, should follow the principle of inclusion and equal protection under the law. In simple terms countries are not government on the whims of individual morality, but a constitutional one. For Belize, we set the norm when we got independence and accepted our constitution. A lesson that rights exists in an advocacy framework. Now to be clear, decrim in not an end all solution, its just the begining of a reform process that will be years in the making. Bless Jason Jones on this day, your tenaciousness pushed the region along.

Ce n'était pas l'Association Pan-Caribéenne contre le VIH/Sida (PANCAP) qui a aidé à Trinidad et Tobago, mais Jason Jones ; il a pris des risques et ouvert la voie par son entêtement. En Belize, ce n'était pas la PANCAP qui a aidé, mais une personne qui a pris un risque et mené le mouvement tandis que des centaines d'autres ont prêté une main invisible au processus. Aux Bahamas, ce n'était pas la PANCAP, mais un politicien local. Ce que l'on voit dans la Caraïbe, c'est que la dépénalisation est un sujet bien plus large qui touche aux droits fondamentaux et est du ressort de tous. Les responsables politiques dans la région ne peuvent continuer à pratiquer l'exclusion légale ou de langage dans les documents des Nations Unies. Les LGBT caribéens existent et toutes les lois devraient suivre le principe d'inclusion et de protection égale devant la loi. Plus simplement, les pays ne sont pas gouvernés par les caprices de la moralité individuelle, mais par la constitution. Au Belize, nous avons mis en place les normes en obtenant l'indépendance et en acceptant notre constitution. C'est une leçon : les droits existent dans le cadre défensif. A présent pour être clair, la dépénalisation n'est pas une solution absolue, ce n'est que le commencement d'une processus de réforme qui prendra des années à se réaliser. Béni soit Jason Jones en ce jour, ta ténacité pousse toute la région.

L'Association pan-Caribéenne contre le VIH/Sida, PANCAP, a publié sa déclaration [18] sur Facebook, intitulée « La PANCAP affirme que la résolution consolidera le droit à la dignité humaine pour tous ».

Barbados Today, a publié un article [19] sur Facebook intitulé « C'est aussi notre victoire ! », citant Ro-Ann Mohammed, codirectrice de B-GLAD :

“This landmark case signifies a necessary step in the decolonization of our independent Caribbean territories,” B-GLAD Co-director Ro-Ann Mohammed said, while making reference to similar laws in Barbados.
“These laws criminalizing consenting acts of love between autonomous adults were left behind as a relic of colonialism,” Mohammed stressed, adding that Britain discarded similar legislation since 1967, and such laws had no place in the region.

« Cette affaire historique représente une étape nécessaire dans la décolonisation de nos territoires caribéens indépendants », a déclaré Ro-Ann Mohammed, codirectrice de B-GLAD, en faisant référence à des lois similaires aux Barbades.

«Ces lois qui pénalisent des actes d'amour consentis entre adultes autonomes restent comme des reliques du colonialisme », souligne Mohammed, en ajoutant que la Grande Bretagne a abandonné une législation similaire depuis 1967, et que de telles lois n'avaient pas lieu d'être dans la région.

Cette décision aura-t-elle un impact dans les débats publics ou dans la pensée politique en Jamaïque ? Ravivera-t-elle le débat sur la loi sodomie en Jamaïque ? Conduira-t-elle à des changements législatifs ? Un Jamaïcain s'interroge :

Le Tribunal de Trinidad et Tobago déclare illégale la loi sodomie.
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Que direz vous à présent, tribunaux jamaïcains ? Allons-nous ignorer ce précédent ? L'Eglise fera-t-elle capituler à nouveau le pouvoir judiciaire et le gouvernement ? Les émotions et les privilèges prévalent-ils ? Ou la lâcheté cèdera-t-elle la place à la logique et à la légalité ? Nul n'est libre tant que tous ne le sont pas !

Sur Facebook [21] pourtant, le père Sean Major-Campbel, activiste jamaïcain pour les droits humains et prêtre anglican, se disait convaincu que le changement en Jamaïque arriverait lentement. « Il est plus simple de rompre les chaines de la loi que celles de l'esprit. L'intolérance est herculéenne », écrit-il.