L'Indonésie en alerte maximale après une série d'explosions dans l'est de Java

Vue aérienne de Surabaya par Everyone Sinks Starco sur Flickr. CC By-Sa

Effroi, consternation et colère ont suivi une recrudescence de violence à Surabaya, deuxième plus grande ville d'Indonésie et ses alentours. Des attentats-suicides contre trois églises chrétiennes, dimanche 13 mai 2018, ont fait au moins 14 morts et des dizaines de blessés.

Plus tard le même jour, à une trentaine de kilomètres de là, la bombe artisanale d'un vendeur ambulant de snacks de 47 ans a explosé accidentellement dans un immeuble d'habitations sociales, tuant sa femme et leur fille aînée, et blessant leurs trois autres enfants. L'homme, qui aux dires de la police assemblait de multiples explosifs, a été abattu par les forces du contre-terrorisme.

Enfin, dans la matinée du lundi 14 mai, une famille de cinq personnes à moto s'est fait exploser au point de contrôle à l'entrée du quartier général de la police à Surabaya. Les attaquants sont morts, quatre policiers et six civils sont dans un état critique. Une des enfants des kamikazes, une fillette de 8 ans, blessée, a survécu.

La police a réagi aux attentats en annonçant une alerte de sécurité maximale dans tout le pays.

Le groupe État islamique a revendiqué les attentats contre les églises à Surabaya, capitale de la province de Java oriental. Il s'agit de l'église presbytérienne Gereja Kristen Indonesia (GKI) Diponegoro, l'église pentecôtiste Gereja Pantekosta Pusat (GPP) Surabaya, et l'église catholique romaine Gereja Santa Maria Tak Bercela (Sainte Marie Immaculée).

La police indonésienne a identifié Dita Oepriarto, père de quatre enfants, comme étant le cerveau de ces attentats. On le disait aussi le meneur du Jemaah Ansharut Daulah (JAD), un groupe qui a fait allégeance au leadeur de l'EI Abou Bakr al-Baghdadi, et est inscrit sur la liste des organisations terroristes du gouvernement des États-Unis.

Quelques jours auparavant, la police indonésienne avait réussi à contrôler une mutinerie dans une prison de Depok, une ville de l'ouest de Java, avec des centaines de détenus dont beaucoup appartenant au JAD. Les meneurs de la mutinerie ont finalement été transférés dans la prison de sécurité maximale de Nusa Kambangan.

La police pense que les attentats de Surabaya pourraient être une contre-attaque du JAD en réaction à la présence déclinante de l'EI dans le monde, et aux multiples arrestations de ses dirigeants.

‘Puisse-t-il n'y avoir ni haine ni violence dans les cœurs’

Des centaines d'habitants de Surabaya se sont présentés à la Croix Rouge Indonésie pour donner leur sang pour les victimes des attentats. Les condoléances ont afflué.

Très profondes condoléances aux victimes des attentats contre les églises de Surabaya. Je ne sais pas ce qui est réellement arrivé mais j'espère que tout le monde est sain et sauf.

Je suis triste de la perte d'êtres chers, condoléances à leurs familles dans l'attentat de Surabaya – un acte lâche et insensé, la religion est faite pour nous rendre meilleurs, pas pour détruire

Les deux plus grandes organisations musulmanes du pays, Nahdlatul Ulama et Muhamadiyah, ont adressé leurs condoléances aux familles des morts, et condamné ces actes.

Le Conseil indonésien des Églises (PGI), dans un communiqué de presse, a demandé aux églises et congrégations de faire une absolue confiance à l’État dans la conduite de ses missions. Il a aussi appelé les églises et le public à ne pas propager la désinformation et à ne pas “combattre la violence par la violence”. Le pape François a aussi évoqué la nécessité de “la réconciliation et de la fraternité” après les attentats :

Le pape a dit : “Pour l'Indonésie et les chrétiens de Surabaya, nous avons demandé au Dieu de paix d'arrêter cette violence, puisse-t-il n'y avoir ni haine ni violence dans les cœurs, mais réconciliation et fraternité. #UnisContreLesTerroristes

Le président Joko Widodo, qui s'est rendu à Surabaya quelques heures après ces atroces événements, a appelé au calme et a demandé au pays vigilance et union face au terrorisme.

Sur les médias sociaux, des Indonésiens ont relayé l'appel à la solidarité :

Avant de devenir musulman, chrétien, bouddhiste ou hindou, commençons par être HUMAINS. Le serons-nous ? Nous sommes venus au monde comme frère et sœur, allons à présent main dans la main, et non l'un devant l'autre. Mes plus profondes condoléances pour les victimes de l'attentat de Surabaya.

Une législation plus ferme aurait-elle pu empêcher les attentats ?

L'Indonésie est le pays du monde à la population musulmane la plus nombreuse, qui pratique en majorité un islam modéré. Mais l'inquiétude monte quant à l'influence de groupes dans le pays et à l'étranger, qui prêchent agressivement des interprétations intolérantes voire violentes de la religion.

Une récente étude sur l’intolérance chez les étudiants réalisée par la Fondation Wahid, un centre de recherche et de promotion sociale à Jakarta qui défend un islam pluraliste et pacifique, a constaté que 60% des 1.626 des personnes interrogées étaient disposées à se rendre dans les zones de guerre si elles en avaient l'occasion, et 68% envisageaient de participer à une guerre sainte dans le futur.

L'auteur allégué des trois explosions contre les églises, Dita Oepriarto, aurait utilisé son épouse et leur quatre enfants (deux garçons adolescents et deux fillettes) dans l'exécution des attentats. Le chef de la police nationale Tito Karnavian a affirmé que la famille était parmi celles, nombreuses, rentrées de Syrie après avoir combattu pour l'EI.

Certains ont dit que l'actuelle loi anti-terrorisme indonésienne est insuffisante, parce qu'elle ne permet pas à la police d'arrêter des suspects à moins de danger imminent ou d'attentat déjà exécuté. Elle ne comporte pas non plus de procédure formalisée de “déradicalisation” pour ceux qui reviennent de Syrie. Mohammad Guntur Romli, un journaliste qui s'est tourné vers la politique, a affirmé le besoin d'adopter une nouvelle loi :

La famille qui a bombardé les églises à Surabaya était des “anciens élèves” de la Syrie. Avec l’actuelle loi sur le terrorisme, ceux qui ont rejoint l'EI ne peuvent pas être mis en accusation. Ils appartenaient au JAD, et s'en tirent donc. Ils ne peuvent être poursuivis que s'ils fabriquent une bombe et exécutent l'attentat. Il faut une réglementation gouvernementale au lieu d'une loi anti terrorisme.

Environ 500 anciens élèves de l'EI revenus de Syrie et d'Irak déambulent librement aujourd'hui sans encourir la détention et un processus de déradicalisation. Une famille a réussi à faire exploser trois lieux. Ceci est une situation d'urgence qui requiert l'adoption d”une réglementation gouvernementale au lieu d'une loi anti-terrorisme.

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