#MamadouGassama : Faut-il sauver un enfant au péril de sa vie pour être admis au séjour en France ?

Sans-papiers

Manif 1er mai 2018, par Jeanne Menjoulet sur Flickr, licence CC Attribution 2.0 Generic (CC BY 2.0)

L'exploit héroïque d'un jeune Malien sans-papiers pour sauver la vie d'un enfant de 4 ans samedi soir 26 mai 2018 dans le 18e arrondissement de Paris a tenu la France entière en haleine, toutes couleurs confondues.

Mamadou Gassama a vu le garçonnet, accroché du côté extérieur de la rambarde d'un balcon du 4e étage, au dessus du vide – on a appris ensuite qu'il s'y cramponnait après avoir déjà glissé depuis l'étage supérieur. Un voisin se tenait sur son propre balcon, empêché de l'empoigner par une cloison. Le jeune homme a escaladé en 30 secondes les balcons de l'immeuble à la seule force de ses muscles, et a hissé l'enfant pour le remettre au voisin. Selon son propre récit, recueilli par le magazine de courtes vidéos sur Internet Brut : 

Beaucoup de personnes sont en train de crier…mais je n'ai regardé personne, j'ai couru, j'ai traversé la route. C'est ma première fois [escalader un immeuble], Je n'ai pas pensé à ça [qu'il risquait sa propre vie], j'ai juste pensé à l'enfant, j'ai voulu le sauver.

Des personnes dans l'assistance ont filmé l'exploit avec leur téléphone. Plusieurs vidéos d'amateurs ont été mises en ligne, dont la première totalisant le 28 mai 547.000 vues et 739 commentaires, 3,6 K j'aime et 111 je n'aime pas, a été ensuite retirée pour droits d'auteur. La vidéo ci-dessous reste visible :

L'enfant avait été laissé seul dans l'appartement par son père parti faire des courses et qui s'était attardé en chemin. Le père a été déféré au tribunal le lendemain.

Mamoudou Gassama a été reçu à l'Elysée par le président de la République Emmanuel Macron, qui lui a remis un diplôme et une médaille le remerciant de son courage héroïque, et surtout lui a annoncé sa régularisation rapide et son recrutement par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Il l'a également invité à déposer un dossier de naturalisation.

L'histoire a aussitôt tourné en boucle sur tous les médias et les réseaux sociaux en France et même à l'étranger, et continue à s'enrichir d'innombrables articles et commentaires. Le site de la radio-télévision France Info publie et tient à jour un dossier complet sur les différents aspects de cette affaire.

Le mot-clic #MamoudouGassama a figuré en tête de tendance sur Twitter le lundi 28 mai, et les réactions de toutes natures ont bouillonné et continuent à affluer. Les innombrables tweets reflètent toutes les complexités et simplifications de la question des “migrants économiques” en France – les demandeurs d'asile n'étant pas concernés ici.

Fierté et amertume dans la diaspora malienne

La première réaction a été de célébrer le “Spiderman” malien :

Une fierté mêlée du regret des talents perdus par l'Afrique :

Une occasion de rappeler la situation invivable des sans-papiers en France :

L'indignation contre les dirigeants africains n'est pas loin :

Réactions françaises : défenseurs des migrants contre complotistes

Les deux camps ont rapidement fourbi leurs arguments.

Du côté des défenseurs des migrants, on rappelle la réalité du traitement indigne réservé aux migrants et à ceux qui les aident :

et on dénonce la récupération de l'acte héroïque pour redorer la communication officielle du gouvernement :

Au-delà des frontières françaises, un caricaturiste néerlandais compare “bon” et “mauvais” migrant :

Du côté des anti-migrants, les insinuations complotistes réunies sous le mot-clic #mamoudoufake notamment, seront rapidement démontées. Si certains suggéraient au jeune Malien de s'engager dans l'armée de son pays pour y combattre les djihadistes, de leur côté, personnalités ou citoyens ordinaires ont exprimé leur aigreur :

Pendant ce temps, ailleurs en France…

Pour d'autres migrants sauveteurs héroïques, la galère continue, comme pour Mohssen Oukassi, un sans-papier tunisien régularisé après avoir sauvé des vies lors d'un incendie. Et deux jours après la réception de Mamoudou Gassama par le président Macron, l'évacuation du campement de migrants du Millénaire dans le 19e arrondissement, a été lancée sur fond de bras de fer politique entre la maire de Paris, Anne Hidalgo et le gouvernement. L'examen du très répressif projet de loi “asile-immigration”, adopté en première lecture par les députés, suit son chemin.

Le site satirique et humoristique Le Gorafi résume à sa manière l'équation française :

Et à propos du controversé “délit de solidarité” au nom duquel sont poursuivis ou harcelés les citoyens secourant des migrants, le site fantasme :

Coupable d’avoir régularisé le sans-papiers Mamoudou Gassama, le président de la République a été mis en examen pour délit de solidarité.
« La loi c’est la loi. Aider un sans-papiers en France est un délit. Qu’on soit président ou pas. M. Macron doit assumer la gravité de ses actes. Que les Français soient rassurés, ce hors-la-loi est désormais entre les mains de la police » nous déclare solennellement le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb.

Lire aussi sur Global Voices en français : De zéro à super-héros

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.