Chili : “Ce qui nous manque, c'est l'image d'un développement plus autonome de la société mapuche”

Le projet Histoires recadrées [en] demande à ses participants de réagir aux thèmes dominant la couverture médiatique les concernant. Ces articles se concentrent sur les réflexions de personnes plus souvent représentées dans les médias par d'autres qu’elles-mêmes. La génération de nuages de mots sur la plate-forme de Media Cloud [en], qui effectue des recherches dans des collections de médias d'une région donnée du monde, peut donner un aperçu aux participants de leur représentation dans les médias et leur donner une occasion de l'analyser. Ce projet s'abstient de porter une quelconque conclusion sur les données, mais au contraire, fournit le point de départ d'une discussion sur la forme qu'ils peuvent donner à leur propre représentation dans les médias numériques.

César Pérez est un Champuria (Mapuche chilien) originaire de Castro (Chiloé) et de Osorno. Il a une licence d'anthropologie et travaille actuellement à l’Université de Los Lagos à Osorno au Chili. Voici l'analyse qu'il a réalisée à partir du nuage de mots apparus pour les termes “indigènes” et “mapuches [fr]”, un groupe indigène du sud du Chili et de l'Argentine. 

Mots dominants extraits de 1 985 articles publiés entre mai 2017 et mai 2018 mentionnant “Mapuches” dans deux collections de Media Cloud dans les médias de langue espagnole du Chili. Cliquez pour agrandir l'image.

César Pérez

La nube de palabras asociadas a “mapuches” indica claramente una conceptualización marcada por el conflicto. La violencia histórica del Estado chileno hacia el pueblo mapuche aparece aquí, en esta época, bajo la forma de la criminalización de la resistencia. Es decir, ante el avance colonialista, las formas en que el pueblo mapuche ejerce su autonomía y el derecho a la vida son judicializadas. Aquellos que dirigen y participan en movimientos, o que sostienen un discurso de resistencia, son investigados, llevados a tribunales, condenados, en una palabra: perseguidos. La razón detrás de esto es que, por un lado, la resistencia mapuche amenaza con desenmascarar el origen violento del sacramentado estado-nación chileno, y por otro lado, se pone en el camino de proyectos extractivistas de las grandes empresas que están emparentadas con la élite nacional.

Le nuage de mots associés à “mapuches” indique clairement une situation marquée par le conflit. La violence historique de l'État chilien envers le peuple mapuche s'exprime ici sous forme de criminalisation de la résistance. En d'autres termes, les actions du peuple mapuche pour exercer son autonomie et son droit à la vie face aux avancées colonialistes de l'État sont punies par la justice. Ceux qui dirigent ou participent aux mouvements de protestation, ou qui soutiennent la résistance, font l'objet d'une enquête, sont traduits en justice, condamnés, en un mot : persécutés. La raison de tout ceci est que, d'une part, la résistance mapuche menace de dénoncer le caractère intrinsèquement violent de l'État-nation “sacré” chilien, et d'autre part, elle barre la route aux projets d'extraction des grandes entreprises liées à l'élite nationale.

Mots dominants extraits de 2.957 articles publiés entre mai 2017 et mai 2018 mentionnant le mot “indigène” dans deux collections de Media Cloud dans les médias de langue espagnole du Chili. Cliquez pour agrandir l'image.

Ahora, si uno observa la nube de palabras asociadas a “indígenas”, el tono cambia de inmediato. Aquí aparecen de inmediato palabras más positivas, tales como: desarrollo, consulta, derechos, participación, reconocimiento. Sin embargo, el hecho mismo de que estén asociadas al concepto de “indígenas” esconde un interés ya no tan noble, ya que es una palabra que despersonaliza a los pueblos a los que se refiere. Es una palabra que surge de la caracterización homogeneizante y reificadora de parte del Estado chileno a los pueblos preexistentes en este territorio. Y las palabras asociadas entonces pasan a tener otro valor: el del paternalismo, de la mitigación maquiavélica del conflicto histórico, de la asimilación, etcétera.

Frente a esta realidad mediática, ¿qué palabras preferiría que se asocien al pueblo mapuche? En mi opinión, hace falta una representación que refleje un desenvolvimiento más autónomo de la sociedad mapuche, que no esté siempre supeditada a la relación con el Estado chileno…. Aquí cabrían palabras como sociedad, idioma, cultura, e incluso palabras que pasarían cada vez más a ser préstamos del mapudungun al castellano, como, por ejemplo: trawün, we tripantu o lofche. Aunque se dice que el lenguaje crea realidad, pienso que no se puede esperar que los medios por sí solos cambien la realidad. Son procesos complejos de cambio social y cultural, por lo que tenemos que seguir luchando por ir transformando la realidad actual. Así, los medios que vayamos generando de manera más autónoma tendrían la doble función de coadyuvar en estos procesos y al mismo tiempo reflejar el resultado de los mismos.

À présent, si on observe le nuage de mots associés à “indigènes”, le ton change du tout au tout. On voit aussitôt apparaître des mots très positifs, comme : développement, consultation, droits, participation, reconnaissance. Cependant, le simple fait qu'ils soient associés au concept d'”indigènes” cache un intérêt déjà moins noble, puisque ce mot dépersonnalise les peuples auxquels il se réfère. Il émerge de la volonté de l'État chilien de chosifier et d'homogénéiser les peuples préexistants sur le territoire… On devrait plutôt y trouver des mots comme société, langue, culture, et même des mots qui passeraient du mapudungun [fr] à l'espagnol comme des emprunts de plus en plus fréquents tels que : trawün, we tripantu ou lofche. Même si l'on sait que le langage crée la réalité, je pense qu'on ne peut pas attendre des médias qu'ils changent la réalité à eux seuls. C'est en nous appropriant les processus complexes de changements sociaux et culturels que nous parviendrons à transformer la réalité actuelle. Ainsi, les médias que nous aurions produits de façon plus autonome pourraient à la fois contribuer à ces processus et refléter leurs résultats.

Cet article fait partie d'une série de Rising Frames réalisée dans le cadre d'une activité organisée par Fernando Carías. Fernando a participé à l'organisation d'un atelier qui s'est déroulé le 26 mai 2018 à Osorno au Chili, réunissant les représentants de plusieurs collectifs et groupes afin d'examiner comment eux-mêmes ou les sujets qui les intéressent sont représentés dans une collection de médias chiliens, et de créer des articles en réponse à cette représentation. 

Andrea Chong Bras et Belén Febres-Cordero ont collaboré à la transcription et à la traduction de cette version, et l'ont adaptée et condensée.

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