Les Jordaniens portent secours aux Syriens déplacés malgré la volonté de leur gouvernement de fermer les frontières

Le petit Marwan, 4 ans, temporairement séparé de sa famille en Syrie, reçoit l'aide d'employés de l'UNHCR pour passer en Jordanie. Image publiée dans les médias via Twitter.

Depuis le début de juillet 2018, le gouvernement syrien mène l'offensive contre “les dernières poches rebelles dans le sud syrien”, indique The Arab Weekly. D'intenses frappes aériennes ont été lancées sur la ville de Daraa dans le but d’éliminer les dernières forces rebelles. Plus de 270.000 Syriens ont fui les attaques aériennes et terrestres au cours des deux semaines écoulées, selon les Nations Unies.

La guerre syrienne a déplacé plus de la moitié de la population du pays depuis son début, et plus de 300.000 Syriens en seulement deux semaines pendant les derniers événements à Deraa. La Jordanie voisine a accepté plus de 1,3 million de réfugiés en sept ans, mais les récentes manifestations dans le pays qui ont conduit à la démission du gouvernement précédent ont eu pour effet le refus de son successeur de garder les frontières ouvertes.

La fermeture des frontières n'a pourtant pas empêché les Jordaniens de tendre une main secourable aux Syriens.

Les organisations non-gouvernementales (ONG) de la capitale Amman appellent les citoyens à aider à alléger les conditions très difficiles que connaissent les Syriens déplacés à proximité de la ville frontalière d’ar-Ramtha en Jordanie. Si certaines ONG existaient avant le début de la crise syrienne, d'autres se sont créées tout récemment pour répondre à l'afflux des 40.000 déplacés syriens (nombre estimé) à la frontière.

Par exemple, l'ONG Eghathet Al-Malhoof (“Aider ceux dans le besoin” en arabe) s'est associée avec le Comité jordanien pour l'environnement pour collecter et distribuer les dons le long de la frontière. De même, l'Initiative Masar collabore avec l'UNHCR et d'autres ONG internationales qui ont reçu autorisation d'exercer des activités d'aide humanitaire avec le même objectif.

Les ONG ont distribué des tracts, contacté les fonctionnaires, et publié des messages sur les médias sociaux pour demander des aides de toutes sortes, y compris le recrutement de bénévoles et la collecte de dons. Les tracts comportent des conseils sur les dons de produits alimentaires, sollicitant des conserves, du pain, de l'eau et des boissons en bouteilles. Les associations ont aussi lancé un appel à médicaments, fournitures médicales et sanitaires, tentes, et objets de première nécessité pour bébés. Les dons en espèces sont acceptés, mais les ONG préfèrent les contributions en nature pour s'éviter les complications du maniement d'argent liquide.

Osama Hajjaj, un membre de l'opération Masar, a indiqué à Global Voices (GV) qu'on a besoin de bénévoles, et que ceux qui ne peuvent pas consacrer des journées entières viennent donner un coup de main après leur travail. Le directeur de Masar, Mohammed Al Garalleh, a expliqué à GV qu'il est très satisfait de la quantité d'aide reçue jusqu'à présent, ajoutant que les réponses sur les médias sociaux ont été immédiates et réactives. Il indique aussi que l'armée jordanienne a pris en main la distribution des dons, et que son organisation ne refusera aucune offre d'aide de quiconque.

Selon Eyad Al Jazzazeh, à la tête de Eghathet Al Malhoof, celle-ci a reçu une profusion de dons d'individus, d'associations, d'entreprises privées et de commerçants.

Plus de 250 médecins, infirmières et équipes médicales se sont portés volontaires et campent à ar-Ramtha pour aider tous ceux ayant besoin de soins, en plus de garantir qu'aucun virus ou maladie contagieuse ne se propage parmi les Syriens déplacés à la frontière. Des patients ont été admis dans des hôpitaux publics jordaniens.

A côté de l'aide concrète, deux mots-clics Twitter en tête de tendance, #open_the_borders (ouvrez les frontières) et #we’ll_share_our_bread_in_half, (nous allons partager notre pain en deux), ont ajouté à la mobilisation pour l'aide et la solidarité. Tandis que la Jordanie se débat dans ses propres difficultés, de nombreux Jordaniens pensent que les Syriens déplacés doivent être admis dans le pays, à en croire les récentes réactions citoyennes sur Twitter :

C'est le plus vaste déplacement de la guerre de Syrie. Les gens manquent du minimum nécessaire à la survie.
N'abandonnez pas la Syrie.
Écrivez sur Deraa.
Parlez de Deraa.
Demandez à la Jordanie d'ouvrir les frontières aux gens et à l'aide humanitaire.

“Des milliers de vies innocentes vont être perdues, une fois de plus, si on n'agit pas en urgence.”
Déclaration de @RefugeesChief sur la Syrie du sud-ouest où :
-750.000 vies sont en danger
-320.000 déplacés et une situation désespérée
-60.000 parqués à la frontière

Jordanie : ouverture des cœurs, fermeture des frontières

L’ONU a demandé à la Jordanie d'ouvrir ses frontières, mettant en garde que les Syriens déplacés près de la frontière n'ont pas d'autre choix et que leurs vies sont en jeu. La Jordanie s'obstine pourtant à maintenir la fermeture et invite l'ONU à assurer leur sécurité à l'intérieur de la Syrie.

Un mois seulement avant les grèves, la Jordanie annonçait ne plus pouvoir admettre davantage de réfugiés.

Les récentes manifestations pacifiques de mai 2018, organisées par les syndicats contre une nouvelle loi fiscale, ont amené les Jordaniens à faire entendre d'autres griefs, dont le fardeau des réfugiés. Cela a eu pour effet la démission du gouvernement en entier, et celui qui lui a succédé est devenu très prudent sur les questions concernant les réfugiés, puisque certains tentaient de leur attribuer les maux du pays.

Le gouvernement actuel ne se sent “aucune obligation” d'ouvrir les frontières, puisque le soutien au plan de réaction pour les réfugiés (un plan issu d'un partenariat stratégique entre la Jordanie et la communauté internationale) n'est qu'un décevant 7 pour cent cette année, en contraste avec les 65 pour cent de 2017.

Les soutiens essentiels de l’État syrien sont la Russie et l'Iran, alors que les États-Unis, la Turquie et l'Arabie saoudite soutiennent les rebelles. Mais les USA et les autres alliés des rebelles auraient d'après certaines informations abandonné ceux-ci et ne leur envoient plus d'aide.

Par leur ambassade à Amman (Jordanie), les USA ont envoyé aux rebelles du sud un message leur disant de ne plus compter sur aucune puissance de feu américaine.

Les rebelles se retrouvent désormais isolés sans aide, et les civils sont écartelés entre un retour dans des villes sous les bombes où leur mort est certaine, et l'attente aux frontières d'Israël et de la Jordanie.

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