Les Ghanéens défient leur gouvernement contre un programme de surveillance des communications

Un laboratoire informatique à l'Université du Ghana. Photographie de SandisterTei (Creative Commons BY-SA 3.0).

Les citoyens et le monde de la politique ghanéen ont porté plainte contre leur gouvernement auprès des tribunaux pour la mise en place d'une “Common Platform” (plate-forme commune), un système technique qui permettrait aux régulateurs de surveiller les revenus accumulés par les sociétés de télécommunications opérant dans le pays.

Les plaignants affirment que le système surveillera plus que les revenus et avertissent qu'il permettra au gouvernement d'espionner facilement les appels et les messages.

Le gouvernement affirme vouloir mettre en place de système afin de surveiller les entreprises de télécommunications au Ghana et s'assurer qu'elles paient le bon montant d'impôts. La Plate-forme est détenue et exploitée par une société tierce, Kelni GVG.

En juillet, deux plaignants, Sara Asafu-Adjaye et Maximus Ametorgoh, ont fait appel à la Cour des droits humains de la capitale, Accra, pour exposer leur cas. Ils ont soutenu que le système enfreindrait les droits fondamentaux à la vie privée. Les pétitionnaires travaillent dans les secteurs de la technologie et du design.

Ils demandent au tribunal “d'empêcher le ministère des Communications et d'autres défendeurs d'autoriser un tiers, Kelni GVG, à avoir accès à leurs données privées”.

Si et quand elle sera appliquée, la Plate-forme commune sera gérée par Kelni GVG, sous contrat avec le gouvernement.

L'entreprise aura la capacité de se connecter avec les systèmes de communication des entreprises de télécommunications et d'accéder à leurs schémas de revenus, dans ce qui semble être un effort pour augmenter les recettes fiscales provenant de ce secteur.

Lorsque le tiers connecte son nœud de système de surveillance au réseau des sociétés de télécommunication, il a accès aux revenus cumulés et à toutes les données des abonnés, y compris le contenu de leurs appels vocaux et des messages textuels.

En juin 2018, la Chambre des télécommunications ghanéenne a corroboré le point des plaignants, expliquant que la Plate-forme commune “a la capacité d'enregistrer, de surveiller ou d'exploiter activement ou passivement le contenu de tout trafic de communications électroniques entrant ou sortant telle que la voix”.

Plusieurs autres groupes se sont prononcés contre ce plan, dont Occupy Ghana et le Centre IMANI pour les politiques et l'éducation, qui ont mentionné des inquiétudes concernant les dimensions privées du projet et les intérêts commerciaux des gouvernements et des entreprises qui bénéficieront du contrat avec Kelni GVG. Le député Ras Moubarak a également menacé de poursuivre le gouvernement et les compagnies de téléphone si l'accord était conclu.

Asafu-Adjaye et Ametorgoh ont soutenu devant la Cour Suprême que le “lien envisagé avec la Plate-forme commune violait la Loi 864 et, en fin de compte, le droit fondamental des requérants à la confidentialité de leur correspondance et communication, protégés par Article 18 (2) de la Constitution de 1992″.

À l'appui de l'argument, Don Derrick a répondu au commentaire d'Ametorgoh sur Facebook :

This is good. We all need to be concern about privacy. if they want access to revenue, they can get that with an API [Application Programming Interface] but if they want full access to data, communications, financials and logs, that is a very nasty move. I am with you Maximus. Keep up with the Good work.

C'est bien. Nous devons tous nous préoccuper de la vie privée. S'ils veulent avoir accès aux revenus, ils peuvent obtenir cela avec une API [interface de programmation applicative], mais s'ils veulent un accès complet aux données, aux communications, aux données financières et aux logs, c'est un très mauvais choix. Je suis avec vous Maximus. Continuez le bon travail.

Sur Facebook, Gyebiba Ebony a soulevé la question de ce qui constitue la violation de la vie privée avec la Plate-forme commune et a comparé cela à une violation de la vie privée par certaines plate-formes de médias sociaux.

En réponse, Ametorgoh a expliqué que la Plate-forme commune se connecterait à “tous les nœuds du réseau au lieu du seul nœud du système de facturation”:

They can intercept the content of the communication. The system is not supposed to have the capability to intercept or access the content.

[In contrast,] You decide what you post on social media. It’s called “social” media. If you share private content here, that’s up to you. You can’t even share some kinds of images here.

Ils peuvent intercepter le contenu de la communication. Le système n'est pas censé avoir la capacité d'intercepter ou d'accéder au contenu.

[En revanche,] vous décidez de ce que vous publiez sur les réseaux sociaux. C'est ce qu'on les appelle les médias “sociaux”. Si vous partagez du contenu privé ici, c'est à vous de décider. Vous ne pouvez même pas partager certains types d'images ici.

Pourtant, la Cour des droits de l'homme à Accra a rejeté la pétition soulevée par Asafu-Adjaye et Ametorgoh.

Dans sa décision, le tribunal a indiqué que les deux citoyens n'avaient fourni aucune preuve réelle pour étayer leurs allégations de violation de leur vie privée si la Plate-forme commune devait être mise en œuvre et que leur argument reposait uniquement sur des sentiments publics et des débats.

Franklin Cudjoe, un important partisan de la pétition d'Asafu-Adjaye et d'Ametorgoh et le directeur exécutif d'IMANI, a indiqué que les compagnies de télécommunication avaient reconnu que la Plate-forme commune, lorsqu'elle sera effective, aura tendance à enfreindre la vie privée des clients et que la cour a ignoré cette évidence dans sa décision.

Le député Emmanuel Kyeremanteng Agyarko a fait valoir que la tendance d'une plate-forme à causer une atteinte à la vie privée ne signifie pas du tout qu'elle le fera effectivement.

La Plate-forme commune est susceptible d'être réalisée indépendamment de l'audience finale parce que le tribunal a indiqué que l'État pouvait subir un préjudice irréparable si une injonction était accordée.

La demande présentée par Asafu-Adjaye et Ametorgoh a été rejetée le 10 juillet 2018. Mais on peut s'attendre à ce que la société civile et même certains députés s'y opposent.

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