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Au Pakistan, des animaux torturés pour la communication des politiciens en période électorale

Catégories: Asie du Sud, Pakistan, Droits humains, Élections, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique

Un chien enveloppé dans la bannière d'un parti politique est abattu. Capture d'écran d'une vidéo publiée sur Facebook et partagée par l'ONG protectrice des animaux Innocent Pets Shelter Welfare Society.

[article d'origine publié le 13 août 2018] Plusieurs images et vidéos partagées en ligne montrent que pendant et après les élections législatives du 25 juillet 2018, des animaux ont été torturés par des militants pakistanais cherchant à transmettre de clairs messages politiques.

Des animaux vêtus aux couleurs d'opposants politiques ont été peints, battus ou tués au coeur d'une campagne déjà bien marquée par la violence. Différents attentats à la bombe visant des rassemblements politiques ont en effet coûté la vie [1] à plus de 150 personnes en amont du vote du 25 juillet [2].

Les sondages électoraux promettent actuellement une majorité de sièges au parti Pakistan Tehreek-i-Insaf [3] (“Mouvement du Pakistan pour la Justice”, PTI), qui vaincrait ainsi les anciens dirigeants de la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz [4] (PML-N). Cela devrait propulser le fondateur du PTI et ex-joueur de cricket Imran Khan [5] au rang de Premier ministre.

Dans une vidéo [6] [Avertissement : contenu violent ou explicite] devenue virale sur les réseaux sociaux le 27 juillet, un chien enveloppé dans un drapeau du PTI se fait tirer dessus à trois reprises par un homme portant le drapeau du Parti Qaumi Watan [7] (QWP), apparemment entouré d'autres partisans du candidat perdant.

Face à la colère des internautes, la police de la province de Khyber Pakhtunkhwa [8] a réagi et arrêté deux suspects dans la ville de Bannu – où la vidéo a été tournée – puis a rendu publique la confession des deux hommes.

La police de Bannu a répondu dans les 12 heures et travaillé toute la nuit pour finalement arrêter à 6h45 les 2 coupables, accusés d'avoir torturé et tué l'animal et d'en avoir fait une vidéo. La police de KP remercie les internautes d'avoir dénoncé cet acte.

Adoptée en 1890, la Loi sur la prévention de la cruauté envers les animaux [13] au Pakistan avait justement été amendée un peu plus tôt cette année, permettant de sanctionner les coupables par des amendes plus élevées et jusqu'à trois mois de prison ferme. Ces nouvelles sanctions ont donc pu être appliquées pour la première fois dans le cadre de cette affaire.

Depuis, le candidat perdant – dont la photo se trouve sur le drapeau porté par les tireurs – a publié une vidéo (en pachtou, langue parlée par 15 % de la population pakistanaise) dans laquelle il condamne cet acte et affirme qu'il n'est en aucun cas lié aux hommes présents dans la vidéo.

Il a également soulevé l'idée que cette dernière ait pu être tournée par ses opposants pour le discréditer et a demandé qu'une enquête soit menée à ce sujet.

Dans son message vidéo, le candidat du QWP de Bannu a déclaré que l'évolution surprenante dans les résultats d'élections certainement truquées ne l'a pas autant affecté que la vidéo de cet anonyme cruel qui tire sur un chien portant le drapeau du PTI et prétend être l'un de ses partisans.

Sur une autre photo qui a également tourné sur Twitter, on peut voir un homme tenir une corneille par les pattes au milieu d'une foule célébrant la victoire locale du PPP :

Arbab Rahim, l'homme politique anti PPP, est appelé “Corneille noire” par les partisans du PPP parce qu'il a le teint foncé. Sur cette photo, des militants célèbrent la victoire du PPP en tuant/torturant une corneille.

A Karachi, des gens ont écrit le nom d'un concurrent politique sur un âne et battu l'animal. Grâce aux vives réactions des internautes, une équipe de la Fondation pour le Sauvetage des Animaux a pu intervenir et a accueilli l'âne dans son refuge, où il a été nommé Héros.

A la veille des élections, personne n'est à l'abri… pas même le plus vulnérable des animaux. Cet acte est un crime de haine. Un âne battu jusqu'au sang, frappé à la tête et dans l'abdomen à plusieurs reprises, le museau cassé, roué de coups jusqu'à ce qu'il s'effondre

Malheureusement, l'âne n'a pas survécu à ses blessures.

Notre Héros vient de nous quitter.
Il allait bien mieux depuis hier, il avait réussi à se lever tout seul, avait mangé de la nourriture en poudre malgré sa mâchoire cassée et réussi à boire par lui-même. Il était sous perfusion, multivitamines et antibiotiques. Ses blessures externes guérissaient.

Beaucoup de personnes ont réagi avec colère sur les réseaux sociaux devant toute cette cruauté à l'encontre des animaux. L'avocat Yasser Latif Hamdani a ainsi tweeté :

Je serais terriblement fier de ce pays si, pour une fois, le juge en chef du Pakistan prenait la bonne décision et réagissait de son propre chef face aux tueries inhumaines d'animaux pendant et après cette campagne électorale.

Durant les précédentes élections, en 2013, un tigre blanc que l'on faisait régulièrement défiler lors des rassemblement organisés par Mariam Nawazz – la fille de Nawaz Sharif, chef du PML-N – est mort d’épuisement par la chaleur [27].

Cette année encore, le candidat du PML-N a fait défiler un lion dans sa circonscription pendant les élections, suscitant de nouvelles critiques.

Dans une interview accordée à Global Voices, Naeem Abbas, responsable du plaidoyer à The Brookes Pakistan, réfléchissait aux raisons pour lesquelles les agresseurs ne sont pas punis :

Animals have always been abused but this is the first time police have taken action in an animal abuse case. Also, we have a culture in which if someone is caught they get away by paying a bribe.

Les animaux ont toujours été maltraités mais c'est la première fois que la police réagit dans une affaire de mauvais traitements envers des animaux. Et dans notre culture, le coupable qui se fait prendre s'en sort en versant un pot-de-vin.