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A l'approche des élections législatives, le pouvoir mauritanien arrête le militant antiesclavagiste Biram Dah Abeid

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Mauritanie, Droits humains, Élections, Ethnicité et racisme, Gouvernance, Médias citoyens

Biram Dah Abeid – Domaine public

A l'approche des élections législatives en Mauritanie, le pouvoir a encore sévi contre l'’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) en arrêtant son leader Biram Dah Abeid, le 7 août et un autre membre de cette même organisation, Abdellahi el Housein Mesoud, le 9 à cause d'une plainte qu'un journaliste aurait déposée contre le premier.

Dans la foulée,  deux journalistes [1] Babacar Ndiaye, webmestre du portail d’information Cridem, et Mahmoudi Ould Saibout, journaliste à Taqadoum, ont été arrêtés le 8 août pour avoir repris un article  mettant en cause un avocat proche du régime mauritanien.

Amnesty International fait savoir qu'aucun mandat n’a été présenté au moment de l'arrestation de Biram Dah Abeid, militant anti-esclavagiste, lauréat entre autre du Prix des droits humains de l'Organisation des Nations unies. En outre l'ONG relève [1] d'autres irrégularités concernant la détention de Biram Dah Abeid et ses codétenus: 

Les avocats de Biram Dah Abeid et Abdellahi el Housein Mesoud ont été empêchés à plusieurs reprises de s’entretenir avec leurs clients en détention…

Les procédures engagées contre Biram Dah Abeid et Abdellahi el Housein Mesoud sont déjà entachées d’irrégularités, notamment parce qu’ils ont été maintenus en détention sans inculpation pendant plus de 48 heures et n’ont pas pu s’entretenir avec leurs avocats. Ces derniers n’ont par ailleurs pas pu obtenir certaines pièces du dossier utilisées par l’accusation pour maintenir les deux hommes en détention.

Babacar Ndiaye, webmestre du portail d’information Cridem, et Mahmoudi Ould Saibout, journaliste à Taqadoum, ont été arrêtés après qu’une plainte a été déposée par un avocat mauritanien exerçant en France, à propos d’un article qu’ils avaient publié. Pour l’heure, ils n’ont pas été inculpés.

Le site africanews.com donne plus de détails [2] sur cette affaire:

Biram Dah Abeid, activiste anti-esclavagiste mauritanien et candidat à la députation de septembre en Mauritanie a été arrêté mardi à son domicile dans la capitale, Nouakchott, et emprisonné dans la partie sud de la ville… La police met en avant la plainte d’un journaliste qui accuse Biram Dah Abeid de l’avoir menacé.

Pure diffamation, assurent les membres de son mouvement IRA (Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste) qui crient plutôt à la conspiration politique.

Bakala Kane s'exprimant [3] sur kassataya.com voit dans cette arrestation de Biram une instrumentalisation de la justice:

Cette instrumentalisation constante de la justice à des fins politiques est devenu presque un jeu pour le régime de Ould Aziz. C’est une grave atteinte des libertés et de la constitution pour les observateurs. Les avocats français et belge du leader Hratin interpellent la communauté internationale pour sa libération sans conditions.

Diko Hanoune/ Abolitionniste Mauritanien dénonce [4] sur guidumakha.com  les conditions matérielles dans lesquelles le président d'IRA-Mauritanie est gardé:

Le commandant d’une compagnie de police, venu à Riyadh comme renfort de la police locale, lorsque les militants d’IRA manifestaient pour demander la libération de leur leader, ce commandant a très mal vu les tas d’ordure qui entourent le président d’IRA dans son cachot. Il a décidé de tout nettoyer. Mais le cachot à l’intérieur du commissariat n’a pas de meubles, ni de fenêtre et à chaque instant le sable ensevelit le tapis et le drap de Biram Dah Abeid ainsi que ses habits.

Les toilettes sont invivables et empestent tout le commissariat ; leur odeur nauséabonde empêche de se promener dans le couloir, de respirer et de dormir. Des insectes et de petits reptiles nagent et se meuvent dans les toilettes et un peu partout aux alentours. Aucune hygiène n’est observée dans ce cachot et aucune mesure de nettoyage n’a été prise depuis 06 jours.

Sur son blog aidara.mondoblog.org, Cheikh Aïdara relève les craintes [5] du pouvoir qui l'ont amené à chercher à empêcher une éventuelle election de Birame aux législatives du 1er septembre prochain:

Aujourd’hui, IRA est parvenue à sceller un accord gagnant-gagnant avec le parti Sawab. Une alliance qui a été décriée par l’aile négro-africaine du mouvement qui ne tardera pas à crier trahison. Tête de liste pour la députation au nom de la coalition, l’entrée de Birame au Parlement est ainsi perçue par le système comme une catastrophe. Ce serait lui offrir une tribune libre et une immunité pour cinq longues années, mais aussi une honorabilité qui ne ferait qu’augmenter son assise sur le plan international.

D’où l’hypothèse d’un complot savamment ourdi pour mettre Birame à l’écart de consultations où le pouvoir de Mohamed Abdel Aziz ne compte lui donner la moindre chance pour devenir député.

Dans une lettre du 15 aout depuis sa cellule dans la prison civile de Nouakchott, Biram Dah Abeid explique [6] le conflit entre le pouvoir et lui:

Entre les militaires de mon pays et moi subsiste un mécompte séculaire, que nous peinons, ensemble, à apurer ; de notre laborieuse insolvabilité à deux, découlent des épanchements de bile et des déglutitions de rancœurs, d’une régularité plus ou moins mesurable. Leur vaine rébellion contre le temps me conforte et procure de la pitié : gardiens d’une citadelle promise à la ruine, ils s’obstinent, cependant, à la croire inexpugnable. Or, parmi eux, à découvert, sans jamais agir à leur insu, je m’assume fossoyeur de cette bâtisse hideuse que maintient debout et désaltère le sang de mes ancêtres. Chaque jour, j’arrache une brique de l’édifice et défait ainsi un pan de mur ; mieux, désormais, je ne suis [plus] solitaire à l’ouvrage.

Le site africanews.com rappelle [2] comment 20 pour cent de la population de la Mauritanie vit encore en conditions d'esclavage:

Bien qu’illégal depuis 1981 en Mauritanie, l’esclavage reste présent dans le pays selon les groupes de défense des droits humains. Ces derniers estiment à 20 % de la population les personnes qui vivent toujours en servitudes, contraintes de travailler dans des exploitations agricoles ou dans des foyers sans possibilité de liberté, d‘éducation ou de rémunération.

Biram Dah Abeid, issu de la communauté haratine et lui-même fils d’esclave a fondé l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en 2008. Arrêté à plusieurs reprises pour son engagement contre l’esclavage, il a été récemment libéré en 2016, après avoir passé 20 mois en prison.

Après une garde qui a duré 6 jours au lieu des 48 heures légales, Biram Ould Dah Ould Abeid, a été inculpé le 13 août, Biram Dah Abeid a été inculpé [1] d’”atteinte à l'intégrité d'autrui”, d’”incitation à la violence” ainsi que de “menace d'usage de la violence”, tandis que Abdellahi el Housein Mesoud est quant à lui a été accusé de “complicité”.