- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

#FreeBobiWine: Les manifestations se multiplient face à l'arrestation et la torture d'une jeune star politique en Ouganda

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Ouganda, Cyber-activisme, Droits humains, Jeunesse, Manifestations, Médias citoyens, Politique

Le député Robert Kyagulanyi Ssentamu, dit “Bobi Wine”, (à droite) en campagne pour le député élu d'Arua  Kassiano Wadri (à gauche). Photo publiée sur la page Facebook officielle du député. [1]

Tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais.

L'Ouganda est en ébullition depuis que le parlementaire Robert Kyagulanyi Ssentamu a été inculpé par un tribunal militaire, après avoir été brutalement arrêté et torturé dans la ville d'Arua au nord du pays.
Représentant de la circonscription de Kyadondo Est, le chanteur-homme politique plus connu sous le nom de “Bobi Wine” est un virulent détracteur du président Yoweri Museveni. Au moment de son arrestation, il militait en faveur du candidat indépendant Kassiano Wadri dans la municipalité d'Arua.

Baptisé “le président du ghetto”, Wine exhorte les jeunes électeurs à s'impliquer dans ces élections législatives partielles déterminantes depuis 2016. Cette année-là, Musevini avait en effet été une nouvelle fois réélu, prolongeant un règne déjà long de 32 ans. 

Le 13 août à Arua, le chauffeur de Bobi Wine, Yasin Kawuma, a été tué par balle dans sa voiture. Les images de son corps ensanglanté et inanimé, toujours attaché dans sa voiture garée, ont bouleversé le pays. A la suite de cet événement, les derniers rassemblements électoraux se sont terminés dans le chaos lorsque, d'après le gouvernement ougandais, des partisans de Wadri ont attaqué le convoi présidentiel à coup de pierres.

Tout indiquait que Wadri l'emporterait sur le candidat du parti dirigeant, ce pourquoi la circonscription était particulièrement électrique.

Malgré l'absence de Bobi Wine au moment de la prétendue attaque du convoi présidentiel, celui-ci a été poursuivi par les militaires jusqu'à son hôtel, où il aurait été torturé.

Quelques heures plus tard, Bobi Wine a été transféré à Gulu, dans le nord de l'Ouganda. Le 6 août 2018, il a été doublement inculpé par un tribunal militaire pour possession d'armes à feu et possession de munitions. Les avocats autorisés à le voir l'ont décrit dans un état effroyable, incapable de marcher ni de parler.

Plus tard, le président Museveni a déclaré [2] que les rumeurs de torture envers Bobi Wine étaient fausses. Pourtant, l'équipe de la Commission des droits de l'homme de l'Ouganda (UHCR) qui lui a rendu visite confirme la véracité de ces accusations.

Le candidat député Wadri a lui aussi été arrêté [3], ainsi que plusieurs autres députés parmi lesquels Francis Zaake. Ce dernier a finalement échoué dans un hôpital de Kampala, où il est toujours entre la vie et la mort. [4]

Wadri, les députés Paul Mwiru (Jinja Est) et Gerald Karuhanga ainsi que 31 autres personnes, ont été poursuivis pour trahison [5] et placés en détention à la prison centrale de Gulu.

Boby Wine a ensuite été transporté dans un centre de détention militaire de la capitale Kampala, où il sera retenu jusqu'au 23 août, date de sa comparution devant le tribunal.

En attendant, l'avocat Male Mabirizi a saisi la Cour constitutionnelle pour inculpation de civils par des cours militaires [6].

Les proches et les collègues de Bobi Wine exigent qu'on lui procure des soins médicaux d'urgence. Or, les militaires lui ont refusé la visite de son médecin traitant :

1. Ordre de transfert de Bobi Wine vers le centre médical de son choix pour que son médecin traitant et les médecins de l'UMA  puissent le soigner. Un médecin qui s'occupe de Bobi depuis 17 ans s'est vu refuser l'accès. Libérez Bobi Wine

“Pouvoir du peuple, notre pouvoir”

Le slogan de Bobi Wine, “Pouvoir du peuple, notre pouvoir”, a bouleversé le jeu politique ougandais. Comme prévu, malgré l'arrestation de Wine et de Wadri, c'est bien Wadri qui a remporté les élections à Arua. [11]

Dans les rues et sur les réseaux, des Ougandais et des sympathisants du monde entier utilisent #FreeBobiWine (Libérez Bobi Wine) pour acculer le gouvernement à libérer le jeune homme de 36 ans.

Le 17 août à Kamwokya, la banlieue de Kampala où Wine a grandi, les manifestants se sont affrontés avec les forces de l'ordre, qui les ont attaqués à coup de balles et de gaz lacrymogènes :

Des signes d'une grève imminente. A Kamwokya, les partisans de la libération de Bobi Wine écrivent ceci sur les murs et dans les rues

Le dimanche 19 août, la police a tiré [15] sur des manifestants dans la municipalité de Mityana à environ 60 km de Kampala, tuant une personne et en blessant cinq autres.

Le 20 août 2018, des civils se sont affrontés avec des policiers et des militaires au centre-ville de Kampala, Ouganda. Photo de Halima Athumani, utilisée avec permission.

Après l'irruption de manifestations éparses, le centre-ville de Kampala était fermé le mardi 20 août :

A la une :
Point sur la situation à Kampala, en Ouganda. Le peuple exige la libération de Bobi Wine. Les commerces sont fermés. Kampala est bloquée !!
Museveni… Ton heure est révolue !!
Libérez Bobi Wine Libérez Bobi Wine Libérez Bobi Wine

Émeutes du jour à Kampala, personne n'était à l'abri. Ce jeune homme s'est pris une raclée de compétition. Il a été attrapé dans un magasin, battu et enlevé. Libérez Bobi Wine

Tout ce que nous voulons, c'est la liberté
Tout ce qu'il nous faut, c'est le changement
Mon comté doit être délivré. Libérez Bobi Wine

Les défenseurs des droits humains appellent la police et les militaires à respecter les droits des manifestants :

Nous demandons à la police ougandaise et aux autres forces de sécurité de respecter le droit à manifester pacifiquement. Les actions pour le maintien de l'ordre public devraient respecter les principes de proportionnalité et de légitimité dans l'usage de la force. Il n'est pas acceptable d'utiliser de vraies munitions et une force excessive pour réprimer des manifestations.

Un cri de rassemblement local et global

Le tollé soulevé par l'arrestation de Bobi Wine [26] a été entendu dans toute l'Afrique de l'Est [27] et à travers le monde. L’Union européenne [28] a fermement condamné la violence de ces élections. En Ouganda, l'ambassade des Etats-Unis [29] a demandé à ce que les droits de tous les détenus soient respectés. Oxfam Ouganda [30] a souligné :

Human rights are not given to Ugandans as a favour by the state, they are inalienable and accrue naturally to everybody…The Ugandan government, a beacon of peace that has opened its doors to refugees across the region, should quickly start conversations about the political future of the country to avoid future conflict and the dire consequences that come with it.

Les droits humains ne sont pas une faveur accordée par l’État aux Ougandais, ils sont inaliénables et reviennent de droit à tout un chacun… Le gouvernement ougandais, havre de paix qui a ouvert ses portes aux réfugiés de toute la région, devrait rapidement commencer à discuter de l'avenir politique du pays s'il veut éviter de futurs conflits et les conséquences désastreuses qui en découlent.

L'activiste kényan Boniface Mwangi a annoncé l'organisation d'une manifestation devant la Haute Commission d'Ouganda au Kenya le mercredi 22 août. Les internautes d'Afrique de l'Est appellent à une nouvelle vision de l'Afrique, celle de la jeunesse africaine :

La révolution, c'est
Un jeune homme noir ougandais
Un artiste téméraire devenu libérateur
Un leader volontaire à l'esprit libre
Un père qui aime sa famille et se bat pour son avenir. Les Kényans se lèvent et luttent aux côtés des Ougandais Libérez Bobi Wine Libérez Arua

Dans notre nouvelle Afrique,
Il n'y a pas de place pour la brutalité, nous nous aimons les uns les autres.
Débattons de nos désaccords, n'écrasons pas les opposants.
Dans notre nouvelle Afrique,
Notre jeunesse contrôle l'avenir : c'est elle, l'Afrique.
Ignore-la, maltraite-la à tes risques et périls. Libérez Bobi Wine Libérez Peter Biar Non à la violence

Je pense que c'est à nous Africains de l'Est de choisir ce que nous voulons pour notre région – quel genre de futur nous voulons. Il y a des limites à ne plus dépasser. Ça suffit. Libérez Bobi Wine

À l'évidence, Bobi Wine a déclenché un mouvement de ralliement contre le statu quo en Ouganda. La violente répression du gouvernement envers Wine et les autres a éveillé la conscience d'une jeunesse assoiffée de changement.