Dix jours après l’arrestation du député ougandais indépendant Robert Kyahulanyi (“Bobi Wine”), la Cour martiale générale d'Ouganda a subitement abandonné les poursuites à son encontre pour possession illégale d'armes à feu et de munitions, déclarant que l'armée n'était “plus intéressée” par cette affaire.
Cependant, Bobi Wine est désormais confronté à un nouveau chef d'inculpation, accusé de trahison par le tribunal de première instance de Gulu pour avoir “attaqué à coup de pierres le cortège présidentiel”.
L'arrestation de Bobi Wine, un chanteur renommé devenu opposant du vieillissant président ougandais Yoweri Museveni, a provoqué la colère populaire et soulevé des manifestations. Beaucoup d'Ougandais soutiennent que pour obtenir des élections libres et pacifiques et une justice politique, il faudra obligatoirement passer par de continuelles manifestations et démonstrations de solidarité.
Bobi Wine faisait campagne pour le député candidat indépendant Kassiano Wadri à Arua quand des partisans de ce dernier – revendiquant la victoire sur le candidat pro-gouvernement dans des élections législatives électriques – auraient jeté des pierres sur le convoi présidentiel.
Bien que Bobi Wine n'ait pas été présent au moment de l'incident, il a été ciblé et arrêté par la police, qui l'aurait torturé :
EARLIER: Hon. Kyagulanyi at the Gulu Magistrates court appeared to be in excruciating pain while being assisted to walk and sit. He was charged with treason and remanded to Gulu Main Prison until 30th August. #NTVNews https://t.co/MZkaLHTm7m pic.twitter.com/nCnhCrPfYB
— NTV UGANDA (@ntvuganda) August 23, 2018
AUJOURD'HUI : À la cour martiale de Gulu, le député Kyagulanyi semblait souffrir horriblement tandis qu'on l'aidait à marcher et à s'assoir. Il a été accusé de trahison et renvoyé en détention à la prison centrale de Gulu jusqu'au 30 août.
Au tribunal le 23 août, Bobi Wine s'est présenté en état de grande faiblesse sur ses béquilles et a eu besoin d'aide pour avancer. Il a également été vu en train de pleurer une fois de retour à Gulu après son transfert depuis un centre de détention militaire de la capitale Kampala, située à environ 335 kilomètres.
UPDATE: General Court Martial sets @HEBobiwine free, @PoliceUg re-arrests him minutes later while walking out of the court. He'll be driven to Gulu Chief Magistrate's Court where he will be charged with #treason. We'll seek his release on bail at the court.#FreeBobiWine pic.twitter.com/6oyhH8QNYU
— Chapter Four Uganda (@chapter4uganda) August 23, 2018
ACTU : La Cour martiale générale libère Bobi Wine, la police le ré-arrête quelques minutes plus tard alors qu'il sort du tribunal. Il sera conduit au tribunal de première instance de Gulu, où il sera inculpé pour trahison. Nous nous battrons au tribunal pour obtenir sa libération conditionnelle. Libérez Bobi Wine.
Bobi Wine attend désormais dans la prison de Gulu sa prochaine comparution devant le tribunal le 30 août 2018. Il rejoint donc trois autres députés indépendants également inculpés pour trahison – les députés Kassiano Wadri d'Arua, Paul Mwiru (Jinja Est) et Gerald Karuhanga (municipalité de Ntungamo). Trente autres personnes – parmi lesquelles l'ancien parlementaire Mike Mabikke – attendent leurs procès pour divers chefs d'accusation.
Le député Francis Zaake est toujours dans un état critique à l'hôpital après avoir été arrêté et certainement torturé. Le vice-président du Parlement Jacob Oulanyah a rendu visite à Bobi Wine et à Zaake, et a fortement condamné ces violences, déclarant :
The extent to which violence is escalating in this country is worrying and we should all be concerned. We need to reflect on these matters and find a way forward.
L'escalade de la violence a atteint un niveau inquiétant dans ce pays et nous devons tous nous en préoccuper. Il faut que nous y réfléchissions et trouvions le moyen d'aller de l'avant.
Avant lecture de son acte d'accusation le 23 août, Bobi Wine a écrit une lettre pleine d'émotions à sa famille, affirmant : “Je serai bientôt à la maison.”
Après les manifestations de la semaine dernière, les patrouilles de sécurité sont plus nombreuses à Kampala.
Kiwatule/Najeera road under "surveillance or intimidation"
This will not stop Ugandans from speaking. #FreeBobiWine pic.twitter.com/lOmCaRjnJd
— Chanwat G. Brian (@CengChanwat) August 23, 2018
Route de Kiwatule/Najeera sous “surveillance ou intimidation”
Cela n'empêchera pas les Ougandais de s'exprimer. Libérez Bobi Wine.
Des moments de prières ont eu lieu dans la cathédrale Lubaga de Kampala :
Several musicians, drama artists, politicians & civil rights activists fill up Lubaga Cathedral for celebration of mass for the #FreeBobiWine #FreeArua33. MPs from the ruling party are also present @observerug pic.twitter.com/cY455lbZ2O
— Sadab Kitatta (@sadabkitatta79) August 22, 2018
Musiciens, comédiens, hommes politiques et militants pour les droits civiques remplissent la cathédrale Lubaga et célèbrent une messe pour la libération de Bobi Wine et d'Arua 33. Des députés du parti dirigeant sont également présents.
Le leader de l'opposition Dr Kizza Besigye a été arrêté à Kampala alors que la tension montait à l'approche de la comparution de Bobi Wine devant le tribunal.
Every way out of my home is barricaded since very early today. The intention is to deny us freedom to move & to be at the Military Court where @HEBobiwine is to be produced this morning.
The struggle for freedom &sovereignty won't be blocked! Museveni Must Go.@PGovUg @ntvuganda pic.twitter.com/3AbXlChF0n— Kifefe Kizza-Besigye (@kizzabesigye1) August 23, 2018
Toutes les issues de ma maison sont barricadées depuis l'aube. Le but est de s'opposer à notre liberté de mouvement et à notre présence au tribunal militaire où Bobi Wine comparaitra ce matin.
Rien n'empêchera la lutte pour la liberté et la souveraineté ! Museveni Doit Partir.
Violence contre les journalistes
Les attaques généralisées contre les journalistes essayant de rendre compte de la violence des élections sont dénoncées.
We urge the police to immediately and unconditionally release @ntvuganda journalist @zziwaherbert & correspondent Ronald Muwanga. Journalists have a right to gather & report news. Targeting of journalists in #Arua for doing their job is very concerning. https://t.co/trDXacrPlL
— Chapter Four Uganda (@chapter4uganda) August 14, 2018
Nous exhortons la police à libérer immédiatement et sans conditions le journaliste Herbert Zziwa et le correspondant Ronald Muwanga de NTV Ouganda. Les journalistes ont le droit de recueillir et de partager les nouvelles. Il est très préoccupant que les journalistes d'Arua soient ciblés parce qu'ils font leur travail.
L'arrestation et le passage à tabac du photojournaliste de Reuters James Akena par des soldats à Kampala a provoqué l'indignation générale. Human Rights Watch a mis en garde contre ces actions qui “entravent l'accès du public à l'information – information qui pourrait être utilisée pour mettre en cause la politique du gouvernement.”
Dans cette vidéo, des policiers ougandais se ruent sur Akena alors qu'il essaye de photographier la situation dans les rues de Kampala :
Toutes sortes d'artistes se soulèvent
Au-delà des rues, les Ougandais expriment leur indignation à travers l'art. Le musicien Pallaso a sorti une chanson intitulée “Libérez Bobi Wine”, qu'on entendait dans toute la périphérie de Kampala la semaine dernière :
Nshuti S. Mbabazi a interprété “Situka” de Bobi Wine, une chanson sortie peu avant les élections présidentielles de 2016.
Plus de 80 personnalités influentes parmi lesquelles Angelique Kidjo, Femi Kuti et Wole Soyinka ont signé une pétition exigeant la libération et la prise en charge médicale de Bobi Wine, ainsi qu'une enquête sur son arrestation.
Le 22 août, le groupe militant PAWA254 a organisé un concert solidaire à Nairobi, au Kenya :
Happening now: #FreedomConcert in solidarity with Uganda. Artists have come together @Pawa254 to speak truth to @KagutaMuseveni. We demand the freedom of @HEBobiwine, Arua 33, 300+ people who were arrested in Arua, and Uganda. Images -@alaminkimathi #FreeBobiWine #FreeUganda pic.twitter.com/6BFWuBVNR9
— Maskani Ya Taifa?? (@Maskani254) August 22, 2018
En ce moment : Concert pour la liberté en solidarité avec l'Ouganda. Des artistes se sont réunis pour former Pawa254 et dire toute la vérité sur Kaguta Museveni. Nous exigeons la libération de Bobi Wine, Arua 33 et des plus de 300 personnes qui ont été arrêtées à Arua et en Ouganda. Libérez Bobi Wine. Libérez l'Ouganda.
Les joueurs de reggae sud africains se sont eux aussi associés à l'appel collectif pour en finir avec la violence politique.
Au même moment, des caricaturistes ougandais et de toute l'Afrique de l'Est commentent l'actualité à leur manière.
Kwizera Alex a dessiné le président ougandais Yoweri Museveni en jeune homme qui, se regardant dans le miroir, n'y découvre que Bobi Wine :
Jim Spire Ssentongo, le dessinateur éditorial de The Observer, met en exergue la complexité des rapports de pouvoir :
#FreeBobiWine pic.twitter.com/sYc3ewllZb
— Jim Spire Ssentongo (@JSsentong) August 22, 2018
Libérez Bobi Wine
Gaddo, un caricaturiste politique tanzanien installé au Kenya, s'est également exprimé sur la question :
Artwork of the day.✊✊
c/o @iGaddo
This is not just about @HEBobiwine#FreeBobiWine #FreeArua33 pic.twitter.com/CrSsfEq9D4— Jenifa Ochwo (@JenifaOchwo) August 23, 2018
[Dessin : Bobi Wine : ‘Vous pouvez tuer autant des nôtres que vous voulez, nous serons toujours plus nombreux que vous”]
Oeuvre du jour.
Chez Gaddo
Cela ne concerne pas seulement Bobi Wine. Libérez Bobi Wine Libérez Arua 33.
Les humoristes ougandais se sont rassemblés pour dénoncer le traitement réservé à Bobi Wine :
We the comedians of Uganda ?? condemn the torture and persecution of @HEBobiwine #FreeBobiWine
Share our pictures in your various social media platforms. Thank you ?? pic.twitter.com/yKp1hZcc6v— Bugingo Hannington (@bhannington) August 21, 2018
Nous, humoristes d'Ouganda, condamnons la torture et la persécution de Bobi Wine. Libérez Bobi Wine
Partagez nos photos sur tous vos réseaux sociaux. Merci
Le mouvement mondial de protestation grandit
A Nairobi le 23 août, les protestataires ont scandé leur mécontentement sur fond de chansons de Bobi Wine et ont remis une pétition au parlement du Kenya :
NOW WE ARE ONE ….. EAC!!! In the darkness we stumbled upon the brightest of lights .THANK YOU KENYA.. this the beginning ..UNITY is such a beauty ??. #EastAfricaIsOne #FreeBobiWine pic.twitter.com/8Y3QY5x4qu
— BIGTRIL (@bigtrilkaiza) August 23, 2018
DÉSORMAIS NOUS SOMMES UN…… CAE [Communauté d'Afrique de l'Est] !!! Dans l'obscurité nous avons trouvé la plus puissante des lumières. MERCI KENYA.. c'est le début… L'UNITÉ est d'une telle beauté. Africains de l'Est Unis. Libérez Bobi Wine.
D'autres manifestations ont eu lieu à Washington D.C. (États-Unis), en Allemagne, aux Pays-Bas et au Japon.
Après avoir goûté de force à la défaite politique contre Bobi Wine et ses alliés, le régime de Museveni va sans doute essayer d'enterrer cette opposition naissante par des batailles judiciaires.
Bien qu'elle se soit avérée efficace par le passé, seul le temps pourra nous dire si cette tactique fonctionne encore maintenant que de nouveaux visages ont émergé sur la scène politique ougandaise.