- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Les artistes se mobilisent pour le député ougandais “Bobi Wine”, désormais inculpé pour trahison

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Ouganda, Arts et Culture, Cyber-activisme, Droits humains, Gouvernance, Jeunesse, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens, Musique, Politique

Nairobi, Kenya : L'organisateur du mouvement, Boniface Mwangi (au centre), mène une manifestation contre la torture et l'arrestation du député ougandais “Bobi Wine” le 23 août 2018. Photo de Peter Mesgack Mwangi, utilisée avec autorisation.

Dix jours après l’arrestation [1] du député ougandais indépendant Robert Kyahulanyi (“Bobi Wine”), la Cour martiale générale d'Ouganda a subitement abandonné les poursuites [2] à son encontre pour possession illégale d'armes à feu et de munitions, déclarant que l'armée n'était “plus intéressée” par cette affaire.

Cependant, Bobi Wine est désormais confronté à un nouveau chef d'inculpation, accusé de trahison par le tribunal de première instance de Gulu pour avoir “attaqué à coup de pierres le cortège présidentiel”.

L'arrestation de Bobi Wine, un chanteur renommé devenu opposant du vieillissant président ougandais Yoweri Museveni, a provoqué la colère populaire et soulevé des manifestations. Beaucoup d'Ougandais soutiennent que pour obtenir des élections libres et pacifiques et une justice politique, il faudra obligatoirement passer par de continuelles manifestations et démonstrations de solidarité.

Bobi Wine faisait campagne pour le député candidat indépendant Kassiano Wadri à Arua quand des partisans de ce dernier – revendiquant la victoire sur le candidat pro-gouvernement dans des élections législatives électriques – auraient jeté des pierres sur le convoi présidentiel.

Bien que Bobi Wine n'ait pas été présent au moment de l'incident, il a été ciblé et arrêté par la police, qui l'aurait torturé :

AUJOURD'HUI : À la cour martiale de Gulu, le député Kyagulanyi semblait souffrir horriblement tandis qu'on l'aidait à marcher et à s'assoir. Il a été accusé de trahison et renvoyé en détention à la prison centrale de Gulu jusqu'au 30 août.

Au tribunal le 23 août, Bobi Wine s'est présenté en état de grande faiblesse sur ses béquilles et a eu besoin d'aide pour avancer. Il a également été vu en train de pleurer une fois de retour à Gulu après son transfert depuis un centre de détention militaire de la capitale Kampala, située à environ 335 kilomètres.

ACTU : La Cour martiale générale libère Bobi Wine, la police le ré-arrête quelques minutes plus tard alors qu'il sort du tribunal. Il sera conduit au tribunal de première instance de Gulu, où il sera inculpé pour trahison. Nous nous battrons au tribunal pour obtenir sa libération conditionnelle. Libérez Bobi Wine.

Bobi Wine attend désormais dans la prison de Gulu sa prochaine comparution devant le tribunal le 30 août 2018. Il rejoint donc trois autres députés indépendants également inculpés pour trahison – les députés Kassiano Wadri d'Arua, Paul Mwiru (Jinja Est) et Gerald Karuhanga (municipalité de Ntungamo). Trente autres personnes – parmi lesquelles l'ancien parlementaire Mike Mabikke – attendent leurs procès pour divers chefs d'accusation.

Le député Francis Zaake est toujours dans un état critique à l'hôpital après avoir été arrêté et certainement torturé. Le vice-président du Parlement Jacob Oulanyah [13] a rendu visite à Bobi Wine et à Zaake, et a fortement condamné ces violences, déclarant :

The extent to which violence is escalating in this country is worrying and we should all be concerned. We need to reflect on these matters and find a way forward.

L'escalade de la violence a atteint un niveau inquiétant dans ce pays et nous devons tous nous en préoccuper. Il faut que nous y réfléchissions et trouvions le moyen d'aller de l'avant.

Avant lecture de son acte d'accusation le 23 août, Bobi Wine a écrit une lettre pleine d'émotions à sa famille, affirmant : “Je serai bientôt à la maison.”

Après les manifestations de la semaine dernière, les patrouilles de sécurité sont plus nombreuses à Kampala.

Route de Kiwatule/Najeera sous “surveillance ou intimidation”
Cela n'empêchera pas les Ougandais de s'exprimer. Libérez Bobi Wine.

Des moments de prières ont eu lieu dans la cathédrale Lubaga de Kampala :

Musiciens, comédiens, hommes politiques et militants pour les droits civiques remplissent la cathédrale Lubaga et célèbrent une messe pour la libération de Bobi Wine et d'Arua 33. Des députés du parti dirigeant sont également présents.

Le leader de l'opposition Dr Kizza Besigye a été arrêté à Kampala alors que la tension montait à l'approche de la comparution de Bobi Wine devant le tribunal.

Toutes les issues de ma maison sont barricadées depuis l'aube. Le but est de s'opposer à notre liberté de mouvement et à notre présence au tribunal militaire où Bobi Wine comparaitra ce matin.
Rien n'empêchera la lutte pour la liberté et la souveraineté ! Museveni Doit Partir.

Violence contre les journalistes

Les attaques généralisées contre les journalistes essayant de rendre compte de la violence des élections sont dénoncées.

Nous exhortons la police à libérer immédiatement et sans conditions le journaliste Herbert Zziwa et le correspondant Ronald Muwanga de NTV Ouganda. Les journalistes ont le droit de recueillir et de partager les nouvelles. Il est très préoccupant que les journalistes d'Arua soient ciblés parce qu'ils font leur travail.

L'arrestation et le passage à tabac du photojournaliste de Reuters James Akena par des soldats à Kampala a provoqué l'indignation générale. Human Rights Watch [28] a mis en garde contre ces actions qui “entravent l'accès du public à l'information – information qui pourrait être utilisée pour mettre en cause la politique du gouvernement.”

Dans cette vidéo, des policiers ougandais se ruent sur Akena alors qu'il essaye de photographier la situation dans les rues de Kampala :

Toutes sortes d'artistes se soulèvent 

Au-delà des rues, les Ougandais expriment leur indignation à travers l'art. Le musicien Pallaso a sorti une chanson intitulée “Libérez Bobi Wine”, qu'on entendait dans toute la périphérie de Kampala la semaine dernière :

Nshuti S. Mbabazi a interprété [29] “Situka” de Bobi Wine, une chanson sortie peu avant les élections présidentielles de 2016.

Plus de 80 personnalités influentes parmi lesquelles Angelique Kidjo, Femi Kuti et Wole Soyinka ont signé une pétition [30] exigeant la libération et la prise en charge médicale de Bobi Wine, ainsi qu'une enquête sur son arrestation.

Le 22 août, le groupe militant PAWA254 a organisé un concert solidaire à Nairobi, au Kenya :

En ce moment : Concert pour la liberté en solidarité avec l'Ouganda. Des artistes se sont réunis pour former Pawa254 et dire toute la vérité sur Kaguta Museveni. Nous exigeons la libération de Bobi Wine, Arua 33 et des plus de 300 personnes qui ont été arrêtées à Arua et en Ouganda. Libérez Bobi Wine. Libérez l'Ouganda.

Les joueurs de reggae sud africains se sont eux aussi associés [38] à l'appel collectif pour en finir avec la violence politique.

Au même moment, des caricaturistes ougandais et de toute l'Afrique de l'Est commentent l'actualité à leur manière.

Kwizera Alex a dessiné [39] le président ougandais Yoweri Museveni en jeune homme qui, se regardant dans le miroir, n'y découvre que Bobi Wine :

Illustration par Kwizera Alex. Utilisée avec autorisation.

Jim Spire Ssentongo, le dessinateur éditorial de The Observer, met en exergue la complexité des rapports de pouvoir :

Libérez Bobi Wine

Gaddo, un caricaturiste politique tanzanien installé au Kenya, s'est également exprimé sur la question :

[Dessin : Bobi Wine : ‘Vous pouvez tuer autant des nôtres que vous voulez, nous serons toujours plus nombreux que vous”]
Oeuvre du jour.
Chez Gaddo
Cela ne concerne pas seulement Bobi Wine. Libérez Bobi Wine Libérez Arua 33.

Les humoristes ougandais se sont rassemblés pour dénoncer le traitement réservé à Bobi Wine :

Nous, humoristes d'Ouganda, condamnons la torture et la persécution de Bobi Wine. Libérez Bobi Wine
Partagez nos photos sur tous vos réseaux sociaux. Merci

Le mouvement mondial de protestation grandit 

A Nairobi le 23 août, les protestataires ont scandé leur mécontentement sur fond de chansons de Bobi Wine et ont remis une pétition au parlement du Kenya :

DÉSORMAIS NOUS SOMMES UN…… CAE [Communauté d'Afrique de l'Est] !!! Dans l'obscurité nous avons trouvé la plus puissante des lumières. MERCI KENYA.. c'est le début… L'UNITÉ est d'une telle beauté. Africains de l'Est Unis. Libérez Bobi Wine.

D'autres manifestations ont eu lieu à Washington D.C. (États-Unis), en Allemagne, aux Pays-Bas et au Japon.

Après avoir goûté de force à la défaite politique contre Bobi Wine et ses alliés, le régime de Museveni va sans doute essayer d'enterrer cette opposition naissante par des batailles judiciaires.

Bien qu'elle se soit avérée efficace par le passé, seul le temps pourra nous dire si cette tactique fonctionne encore maintenant que de nouveaux visages ont émergé sur la scène politique ougandaise.