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L'Azerbaïdjan plonge dans l’obscurité, les autorités accusent la climatisation

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Azerbaïdjan, Kirghizistan, Economie et entreprises, Gouvernance, Médias citoyens, Politique

“Boulevard de Bakou obscurci par la nuit’. Photo originale [1] de vita86. Creative Commons.

[Article d'origine publié le 4 juillet] Cette année, c'était le 24 mars. Chaque année, le Fonds mondial pour la nature ou WWF demande aux individus, aux collectivités et aux entreprises, d'éteindre les lumières pendant une heure, pour symboliser leur engagement envers la planète. En 2018, l'Azerbaïdjan a célébré “Une heure pour la planète” ou Earth Hour avec retard, mais le pays a rattrapé le temps perdu le 3 juillet, en étant plongé dans le noir toute la nuit.

C’est l’une [2] des nombreuses plaisanteries qui ont abondé sur les réseaux sociaux, après la plus grande panne d'électricité de l'Azerbaïdjan depuis 15 ans.

Le fait est qu'en tant qu’ancienne république pétrolière soviétique, dont la qualité de l'air est une des pires [3] au monde, l'Azerbaïdjan n'a jamais été très performant pour l'Earth Hour. En réalité, l’obscurité qui a régné sur tout le pays a été causée par une énorme explosion dans une centrale hydroélectrique essentielle.

Comme les plaintes s’accumulaient sur les réseaux sociaux, le cabinet du Président a publié une déclaration [4] accusant la chaleur. L’usage excessif de la climatisation, au milieu de la plus grande canicule qu’ait connue le pays depuis 120 ans (la température a atteint 43 degrés Celsius) est à l’origine de l’accident, indique le communiqué. Le ministère des Situations d’urgence a lancé un appel au calme dans une autre déclaration [5]. Bien que le courant ait été rétabli dans l’après-midi, une seconde coupure dans la soirée a immobilisé le métro de Bakou, la capitale.

La dernière grande panne d'électricité que le pays entier ait connue date de 2002, après un accident survenu à la même centrale électrique. Ilham Saban, expert en énergie, a commenté [6] le 3 juillet que l’on n’avait pas retenu la leçon. Turgut Gambar, un fondateur du mouvement civique NIDA, s’est plaint [7]  sur Facebook que les « pays normaux » ne dépendent pas si fortement d’une seule centrale électrique. L’intellectuel azerbaïdjanais Altay Goyushov, a écrit [8] sur le même réseau :

Avez-vous déjà entendu parler d’un pays où toutes les lumières sont éteintes, partout au même moment ? Maintenant oui. Il n’y a pas d’autre éauivalent.

Avec le hastag #Azerbaijanblackout, certains traits d’humour contenaient plus ouvertement des connotations politiques. Dans la même veine que « éteins la lumière quand tu t'en vas », Hebib Muntenzir, du média indépendant Meydan TV, a raisonné [9] :

Je pense que le président Ilham Aliyev a quitté le pays, et que juste avant de partir, il a ordonné de couper le disjoncteur.

Les systèmes d’énergie des pays de l’ex-Union soviétique échouent au test du changement climatique

Outre la constatation que les sites internet du gouvernement ont cessé de fonctionner [10] en même temps que l’alimentation électrique, la panne d’électricité a aussi permis de rappeler les conditions pénibles endurées par les prisonniers azerbaïdjanais. Dans une interview avec le service azerbaïdjanais de RFE/RL (Radio Free Europe/Radio Liberty), Shura Ibrahim, la mère de Giyas Ibrahim, un homme emprisonné sur des accusations, qui selon les opposants, sont à caractère politique, a décrit quelque chose de semblable  [11]à une crise humanitaire dans la prison où il est incarcéré :

Dès qu’il a pu téléphoner, il n’a fait que parler de la chaleur à l’intérieur de la prison. Il m’a dit que rien ne fonctionnait, que le système de ventilation était en panne, que les réfrigérateurs étaient hors d’usage, qu’il n’y avait pas d’eau.

Les coûts de cette panne massive ne sont pas encore calculés. Cependant, la dépendance chronique à un seul réseau électrique surchargé, cause principale de cette panne, n’a pas été corrigée, laissant peu d’espoir d’en éviter de nouvelles si les températures s’envolent à nouveau.

Au Kirghizistan, un autre pays de l’ex-Union Soviétique, il a au contraire fait extrêmement froid. Environ un million d’habitants ont été plongés dans le désespoir en début d'année, à Bishkek la capitale.

En janvier dernier, la panne d’une centrale de chauffage, alors que les températures extérieures atteignaient moins 27 degrés Celsius, a été source de mécontentement collectif. Les résidents dormaient avec leurs manteaux dans des appartements froids et humides.

La panne de courant a été suivie, de façon prévisible, par des accusations de corruption, et une série d’affaires criminelles fortement politisées. L’ancien premier ministre du pays et l’ancien maire de la ville pourraient encourir [12] de longues peines de prison.