Rapport Netizen : ce n'est pas qu'au Myanmar que le discours ethnique raciste envahit les réseaux sociaux mais aussi au Cameroun et en Inde

Boutique de téléphone cellulaire au Bangalore, Inde. Photo par Victor Grigas, retouche de la Fondation Wikimedia. CC BY-SA 3.0

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis, des victoires et des tendances émergentes en matière de droits numériques à travers le monde

Cette semaine, Facebook a supprimé plusieurs comptes et pages appartenant à des membres de l'armée du Myanmar. L'entreprise a effectué cette démarche dès que qu'une mission d'enquête de l'ONU a accusé les militaires du Myanmar de génocide dans l'Etat de Rakhine, où des attaques massives contre les musulmans Rohingya ont entrainé une importante émigration de prés de 700.000 personnes en 2017.

Des bribes d'histoires ont fait irruption sur internet, faisant un lien entre le communiqué de presse de Facebook et le rapport de l'ONU. Certains journaux, comme Myanmar Frontier, ont soulevé la question de la conformité de cette démarche avec les politiques de Facebook en matière de contenus.

Cela soulève cette interrogation : Facebook prend-il enfin ses distances avec le cycle des informations ? Depuis ses déclarations sur la censure des contenus et des comptes en Russie, en Iran, et aux États-Unis, jusqu'aux suppressions des discours haineux au Myanmar et le déploiement mal accepté d'un système “de classement de confiance” des utilisateurs, Facebook semble vouloir subitement se départir des contenus de presse, au lieu de se figer dans une position défensive, comme par le passé.

Un examen sommaire de la couverture médiatique de Facebook en anglais pourrait faire penser aux lecteurs naifs que le Myanmar soit le seul pays où les campagnes de discours haineux et de désinformations contre les minorités ethniques s'intensifient au point de devenir des incidents de la vie réelle. Mais nous savons que c'est loin d'être le cas.

Deux événements récents le prouvent.

Cameroun : Les campagnes en ligne poussant à la violence ethnique sont devenues une force montante dans le conflit interne camerounais, où les mouvements séparatistes dans les zones anglophones ont provoqué des heurts entre les milices des sécessionnistes et les forces de l'ordre, avec des attaques de villages anglophones forçant des dizaines de milliers de personnes à fuir leurs domiciles. Des experts locaux de la communauté de Global Voices rapportent que ces campagnes de déssinformations et les messages ethniques hostiles viraux sur WhatsApp et Facebook s'intensifient et contribuent à la surenchère.

Inde : en juillet 2018, au moins neuf personnes ont été tuées en Inde durant des lynchages publics organisés sur WhatsApp. Déclenchés par des campagnes de désinformation conformes aux intérêts politiques du parti au pouvoir en Inde le BJP, les attaques ciblaient surtout les musulmans. Le site web indépendant de journalisme de données IndiaSpend rapporte que la minorité musulmane, qui constitue 14 pour cent de la population de l'Inde, a subi 56 pour cent des lynchages publics depuis 2014.

A tous nos lecteurs — en particulier ceux qui sont des références en reportage technologique et critique — nous conseillons de vivement garder à l'esprit ces exemples. Et attendez-vous à ce que ce stade de pandémie de désinformation ne soit que la pointe de l'iceberg.

Un journaliste palestinien arrêté pour ses publications sur Facebook

Le journaliste palestinien Ali Dar Ali est détenu par la police israélienne pour des articles sur Facebook que les autorités israéliennes qualifient d'incitation à la violence.

Ali est un journaliste indépendant très largement suivi en Palestine, qui diffuse en direct les incidents survenant entre les manifestants palestiniens et l'armée israélienne. Selon l'acte d'accusation, dans un des articles en question, Ali a sous-titré une photo d'un Palestinien jetant une pierre vers un panneau de rue indiquant “Nous sommes à votre service.” Dans un autre article, Ali a publié une vidéo d'une chanson sur la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem, un lieu saint très disputé, un symbole essentiel aussi bien dans islam que dans le judaïsme. La chanson contient des paroles disant, “Venge-toi, Arabe.” Ali est actuellement en détention, en vue d'être présenté à un tribunal militaire israélien.

La magnifique et brève vie de ‘This is Nigeria’

“This is Nigeria”, une adaptation du vidéoclip de Childish Gambino “This is America” , a été censuré par l'organisme de régulation de la radiodiffusion du Nigéria moins de trois mois après sa sortie. Dans la vidéo, le rappeur Nigérian Falz dénonce la corruption, le népotisme, et la violence au Nigéria. Dans ses paroles, il fait référence à la chanson originale en disant “This is Nigeria, que chacun devienne criminel”, une affirmation que les régulateurs taxent de “vulgaire”. Malgré les restrictions imposées aux radios et télévisions locales, la vidéo est encore diffusée sur YouTube.

Le système indien Aadhaar laisse encore transpirer des informations

Les données personnelles de plus de 64.000 étudiants de l'Andhra Pradesh, en Inde ont été publiées par le Commissaire à l'enseignement supérieur sans leur consentement. Dans ce qui semble être une grosse gaffe, le Commissaire a publié les données d'enregistrement des cartes d'identité nationales des étudiants, à travers le système indien Aadhar, après avoir recueilli ces informations auprès de ceux-ci pour éviter des distortions dans la gestion des bourses d'études et le remboursement des frais de scolarité. Aadhar est un système d'information biométrique géré par l'État, et le plus important du genre au monde. Depuis sa mise en place, plusieurs fuites d'informations importantes et privées des citoyens ont été constatées.

Le Parlement égyptien adopte la loi sur la cybercriminalité

Le Parlement égyptien a adopté une nouvelle loi sur la cybercriminalité renforçant les pouvoirs du gouvernement en matière de censure et de surveillance en ligne. Dans les faits, les autorités égyptiennes utilisent déjà ces tactiques, en bloquant une longue liste de sites d'informations et de droits humains depuis mai 2017. Mais la loi leur accorde des compétences légales accrues de censure d'internet : une requête de suspension immédiate de site peut être adressée aux fournisseurs d'accès, qui doivent ensuite envoyer la demande de déblocage pour approbation judiciaire dans les 48 heures.

Le nouveau gouvernement malaisien adopte une loi ‘anti-fausses nouvelles’

Le gouvernement malaisien a révoqué sa loi sur ‘les fausses nouvelles’ introduite en mars dernier par le gouvernement de l'ancien premier ministre Najib Razak et perçue en général comme un instrument de répression des critiques. Razak risque un emprisonnement de 125 ans pour corruption, et l'abrogation de la loi était une priorité électorale pour le nouveau premier ministre Mahathir Mohamad. La loi prévoyait des amendes pouvant atteindre 122,000.dollars américains et un emprisonnement de six ans pour publication classée “fausses nouvelles” par les autorités. Bien que plusieurs pays aient adopté une législation similaire, la Malaisie est le premier d'entre eux à l'abroger.

Le Commissaire européen à le sécurité envisage un délai de 60 minutes pour le retrait du contenu terroriste

Le Commissaire européen à la Sécurité, Julian King, réfléchit à un règlement qui obligerait les entreprises de technologie à retirer un contenu terroriste dans les 60 minutes suivant la réception d'une plainte des forces de l'ordre. Les entreprises risqueraient des pénalités progressives si elles ne se conformaient pas à la loi. La mesure soulèverait une multitude de questions difficiles sur l'indépendance de ces entités. Si elle est approuvée, les entreprises de technologie devraient collaborer avec les organismes européens de mise en oeuvre de la loi, un peu à l'image des relations que les entreprises chinoises de technologie entretiennent avec leur gouvernement. Le règlement proposé est encore à l'état de projet, mais il sera probablement soumis au vote des membres du parlement européen avant la fin de 2018.

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