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Une comparaison des géants mondiaux des technologies en matière de droits fondamentaux, en six langues, y compris le français

Catégories: Droits humains, Médias citoyens, Technologie, Advox

Les sociétés évaluées par l'Index 2018 de responsabilité sociétale d'entreprise. Source: Ranking Digital Rights

En septembre, Google a cédé aux pressions [1] des autorités russes et retiré des vidéos qui faisaient la promotion d'un rassemblement de protestation contre une réforme impopulaire des retraites. C'était, semble-t-il, la première fois que Google décidait d'obtempérer à une requête russe de censure. Mais de tels actes, par lesquels Google ou d'autres grandes entreprises des technologies de l'information et de la communication (TIC) n'assurent pas le respect de la liberté d'expression et de la vie privée de leurs usagers dans leurs règles et leurs pratiques, ne sont devenus que trop communs.

Les géants des technologies et les fournisseurs de services de télécommunications sont de plus en plus confrontés à l'examen public de leur implication directe ou indirecte dans les violations de droits humains, qu'il s'agisse du détournement des données des utilisateurs [2], communiquées et vendues sans leur consentement à des tierces parties, ou de la censure d'une parole légitime [3] sur requête de gouvernements, deux manières dont cela se produit de façon récurrente. Quant aux opérateurs de télécoms, leur capacité à bloquer leurs réseaux [4] ou ralentir l'accès à certains services et plateformes est abusivement mise en œuvre à la demande de gouvernements en Asie du Sud, au Moyen-Orient et à travers l'Afrique.

Pour apporter un éclairage sur les politiques et pratiques des entreprises de ce secteur, le projet de recherche sans but lucratif [5] Ranking Digital Rights (sens en français: Classement des droits numériques, NdT) travaille avec des partenaires du monde entier pour promouvoir un meilleur respect de la liberté d'expression et des droits à la vie privée dans les compagnies de technologies de l'information et de la communication (TIC).

En avril 2018, RDR a rendu public son troisième Corporate Accountability Index [6], (Index de responsabilité sociétale d'entreprise), un classement des politiques d'entreprise impactant la liberté d'expression et la vie privée.

Pour établir l'Index, l'équipe de recherche de Ranking Digital Rights a évalué 22 compagnies de 13 pays (Afrique du Sud, Chine, Corée, Émirats arabes unis, Espagne, France, Inde, Malaisie, Mexique, Qatar, Royaume Uni, Russie et USA), dont les produits et services sont accessibles à une majorité des 4,2 milliards d'internautes de la planète [7].

L’Index [7] 2018 a établi que pas une seule des 22 compagnies évaluées n'est pleinement transparente sur les politiques et pratiques qui affectent la liberté d'expression et la vie privée des usagers. Leur incapacité à rendre publiques leurs politiques et pratiques peut laisser les usagers vulnérables à des dangers non divulgués.

Ces plateformes et services font partie intégrante de la vie quotidienne des personnes qui y accèdent pour exercer les droits humains fondamentaux que sont la communication, l'accès à l'information, la libre expression, l'organisation [collective] et les manifestations. Pourtant les usagers restent largement dans l'ignorance, car les entreprises sont loin de dévoiler les informations élémentaires sur la conception, la gestion et la gouvernance des plateformes et services numériques qui affectent les droits humains, comme le montre la recherche de RDR.

Les compagnies sont évaluées sur 35 indicateurs [8] rangés en trois catégories : gouvernance, liberté d'expression et respect de la vie privée. Plusieurs problèmes sont ressortis dans ces domaines :

Gouvernance [9] : Trop peu de compagnies font des droits à l'expression et à la vie privée des usagers une priorité centrale dans la supervision et la gestion des risques dans l'entreprise. Les compagnies sont dépourvues de procédures et mécanismes adéquats pour identifier et pallier la totalité des risques d'expression et de vie privée pour les usagers, pouvant être causés non seulement par la censure ou surveillance des États et par des acteurs privés malveillants, mais aussi par les pratiques découlant de leur modèle commercial lui-même.

Sécurité : La plupart des compagnies font de la rétention d'informations élémentaires sur les mesures prises pour sécuriser les données des utilisateurs, laissant ceux-ci dans l'ignorance des risques qu'ils prennent en utilisant tel ou tel service ou plateforme.

Vie privée [10]: Les compagnies en disent trop peu sur la façon dont les informations sur les utilisateurs est traitée, notamment ce qui est collecté et partagé, avec qui et dans quelles circonstances. Sans oublier le partage des informations d'utilisateurs pour la publicité ciblée.

Expression [11]: Les compagnies n'informent pas suffisamment le public sur la manière dont contenu et flux d'information sont ordonnés et formatés dans leurs plateformes et services.’

Pour rendre ces résultats plus accessibles aux compagnies elles-mêmes, à la société civile et aux décisionnaires de ces régions, RDR a noué un partenariat avec les Services de traduction de Global Voices [12] pour traduire les éléments essentiels de l’‘Index 2018 [6] en six grandes langues : arabe, chinois, coréen, espagnol, français et russe.

Baidu et Tencent

Les deux compagnies chinoises ont obtenu des résultats médiocres dans l'Index. Baidu a eu la note la plus basse de toutes les compagnies internet de l'Index, car elle ne dévoile pratiquement rien de ses politiques affectant la liberté d'expression et le respect de la vie privée. Tencent, plus transparent, ne révèle que peu d'information.

Un résumé [13] des conclusions générales de l'Index et les fiches d'évaluation des compagnies chinoises de TIC Tencent [14] et Baidu [15] sont maintenant disponibles en chinois.

Orange

La multinationale française s'est classée quatrième sur les dix compagnies de télécommunications évaluées. Si l'entreprise a fait connaître un engagement fort pour la liberté d'expression et le respect de la vie privée en tant que droits humains, elle a manqué de transparence sur ses politiques et pratiques affectant la liberté d'expression et le respect de la vie privée. Elle n'a rien dévoilé de sa manière de traiter les requêtes étatiques de bloquer des contenus ou restreindre les comptes d'usagers, et n'a pas fourni d'informations suffisantes sur son traitement des informations utilisateurs.

Un résumé [16] des conclusions générales de l'Index et la fiche d'évaluation d’Orange [17] sont maintenant disponibles en français.

Kakao et Samsung

Kakao s'est classé sixième sur les 12 compagnies d'internet évaluées, et était incapable de fournir une information suffisante sur ses politiques et pratiques affectant la liberté d'expression et le respect de la vie privée. Cette entreprise a toutefois surclassé Samsung, l'autre compagnie sud-coréenne d'internet évaluée, d'à peu près 21 points. Si Samsung a fait connaître un engagement fort pour la liberté d'expression et le respect de la vie privée en tant que droits humains, elle a manqué de transparence sur ses politiques et pratiques affectant ces droits humains fondamentaux.

Un résumé [18] des conclusions générales de l'Index et les fiches d'évaluation de Kakao [19] et Samsung [20] sont maintenant disponibles en coréen.

Yandex et Mail.ru

Yandex et Mail.ru ont obtenu des résultats médiocres dans l'Index, occupant respectivement les neuvième et onzième places. Les deux compagnies ont fait connaître peu d'informations sur leurs politiques affectant la liberté d'expression et le respect de la vie privée des usagers. Ainsi, elles n'ont quasiment rien dévoilé de leur manière de traiter les requêtes étatiques de retrait de contenus ou de transmettre les données des utilisateurs.

Un résumé [21] des conclusions générales de l'Index et les fiches d'évaluation des deux sociétés russes [21], Mail.ru [22] et Yandex, [23] sont maintenant disponibles en russe.

Telefónica

Telefónica s'est classé troisième sur dix compagnies de télécommunications évaluées, derrière Vodafone et AT&T. La compagnie a fait connaître un engagement fort pour protéger la liberté d'expression et le respect de la vie privée des usagers, mais a été moins transparente sur les politiques affectant ces droits dans la pratique. Ainsi, l'entreprise a manqué de transparence sur son traitement des informations des utilisateurs et les mesures prises pour sécuriser les informations des utilisateurs.

América Móvil

América Móvil s'est classé cinquième sur les dix compagnies de télécommunications évaluées : elle divulgue peu sur ses politiques et pratiques affectant la liberté d'expression et le respect de la vie privée. Ainsi, la compagnie ne dit rien sur ses réponses aux requêtes étatiques de couper des réseaux, et n'a pas clairement fait connaître son traitement des requêtes étatiques ou privées de restreindre les contenus ou de transmettre des informations d'utilisateurs.

Un résumé [24] des conclusions générales de l'Index et les fiches d'évaluation des sociétés América Móvil [25] et Telefónica [26] sont maintenant disponibles en espagnol.

L'Index permet aux usagers, investisseurs et militants de de comparer— et déterminer— si les compagnies d'internet, de téléphonie mobile et de télécommunications font des efforts substantiels pour respecter la liberté d'expression et la vie privée. Les défenseurs des droits peuvent utiliser cette information pour exiger plus de transparence et de mesures concrètes de la part des compagnies.

Les activistes et chercheurs des droits numériques sont également encouragés à s'approprier et adapter la méthodologie [8] de l'Index pour produire de la recherche locale évaluant les politiques et pratiques en matière de droits de l'homme des entreprises et services dans leurs régions.