Le prix Nobel de la paix a été décerné à la Yazidie irakienne Nadia Murad et au Congolais Denis Mukwege pour leur “efforts pour mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'arme de guerre“. Si cette sélection peut être considérée comme une semi-surprise (le président sud-coréen Moon Jae-in et Angela Merkel étaient les favoris) mais Nadia Murad et Denis Mukwege sont certainement les plus méritants des lauréats ces dernières années.
Nadia Murad est une Irakienne de 23 ans qui été enlevée dans son village de Kocho, près de Sinjar dans le nord de l'Irak, en août 2014 par le groupe Etat islamique (EI). Pendant sa détention, Nadia a été torturée, a subi de multiples viols collectifs, a été vendue comme esclave sexuelle et a été mariée de force à un de ses ravisseurs. Elle a tenté de s'échapper plusieurs fois et parvient à rejoindre l'Allemagne. Depuis Nadia milite pour la cause de la communauté yazidie qui subit un génocide systématique de la part de l'EI.
Denis Mukwege est un obstétricien qui opère dans la région du Kivu, en République démocratique du Congo. Depuis plus de 15 ans, il œuvre en faveur des bébés et des femmes victimes de violences sexuelles perpétrées par les membres des différents groupes armés qui sèment la terreur dans la province. Comme le rappelle le Dr. Mukwege, au moins 500 000 Congolaises ont été violées en 16 ans. L'action du Dr Denis Mukwege dérange les plans des groupes armés qui détruisent les femmes de la région. Le 25 octobre 2012, il a été victime d’une agression à son domicile de Bukavu, dans laquelle son gardien a trouvé la mort. Mukwege n’est pas uniquement connu pour ses prises de position et ses critiques répétées contre les groupes armés qui font régner la terreur dans la région mais aussi parce qu’il soigne gratuitement les victimes.
Cette attribution est une affirmation forte que les droits humains devraient être la préoccupation principale des leaders du monde entier. Le timing de cette remise de prix contraste fortement avec la régression des droits humains aux États-Unis : ce pays où des enfants sont enfermés dans des cages, où les minorités noires subissent les violences policières de manière régulière, où les droits de la presse sont bafoués et où le futur nouveau juge à la Cour Suprême, Brett Kavanaugh est accusé de violences sexuelles par trois femmes.
Le président Trump est lui même accusé par une dizaine de femmes d'abus sexuels et a été enregistré par le Washington Post sur une vidéo se vantant de « choper les femmes par la chatte ».
Si il y avait encore des doutes sur la réduction à sa portion congrue du soft power des États-Unis sur le reste du Monde, l'attribution du Prix Nobel de la Paix à Nadia Murad et Denis Mukwege est un véritable camouflet envers une administration américaine qui semble faire le maximum pour s'isoler de reste du monde, comme le slogan America First, aime à le rappeler. Le reste du monde a choisi Nadia et Denis, les États-Unis ont élu Donald et Brett. Trump voulait “rendre sa grandeur à l'Amérique” (Make America Great Again), mais pour le reste du monde, il semble que Trump a seulement réussi à rendre l'Amérique sa laideur du temps des lois de Jim Crow et du Maccarthysme. Du prix Nobel de la Paix aux récents accords de Paris sur le climat, tout semble indiquer que le reste du monde veut se démarquer le plus vite possible du leadership américain et s'en moque même ouvertement à gorge déployée.