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En Afghanistan, les élections législatives longuement reportées et lentes, succès ou échec ?

Catégories: Asie Centrale et Caucase, Afghanistan, Élections, Médias citoyens, Politique

À Barge Matal en Afghanistan, le 20 août 2009, un ancien afghan montre son doigt recouvert d'encre pour montrer qu'il a voté lors des élections très attendues dans le pays. Les anciens des villages afghans sont considérés comme des modèles et des leaders parmi les civils. Les militaires américains ont contribué à assurer la sécurité lors des élections. Photographie de l'armée américaine prise par le sergent d'état-major Christopher Allison. Domaine public [1].

Les élections législatives de ce mois-ci en Afghanistan ont rompu avec la convention internationale, le vote s'étirant sur deux weekends. Désormais, les Afghans veulent savoir si les leçons des trois journées de scrutin chaotiques aux quatre coins du pays seront apprises à temps pour la très angoissante élection présidentielle de l'année prochaine.

Je gardais Kandahar à l'esprit. Et comme toujours, le peuple d'Afghanistan est venu courageusement et a voté pour la paix, l'espoir et la stabilité. C'est l'hommage suprême pour le Général Raziq.
Que Dieu bénisse l'Afghanistan !

Kandahar [7] était l'antépénultième province à voter pour une élection qui aurait dû être se terminer trois années plus tôt.

Ce retard était causé par la terreur déclenchée par l'assassinat [8] du général Abdul Raziq, dont la garde personnelle avait été infiltrée par les talibans.

Raziq était généralement décrit dans les médias comme un adversaire intransigeant du groupe militant et le meilleur espoir du gouvernement pour repousser les talibans des régions du sud où ils ont pris pied de manière assez inquiétante.

KANDAHAR – un électeur âgé demande aux habitants de voter pour des candidats jeunes et éduqués s'ils souhaitent un Afghanistan rayonnant et un parlement compétent.

Les élections dans leur ensemble auraient dû être terminées depuis trois ans, ce qui témoigne des extrêmes difficultés rencontrées dans le processus politique d'un pays qui, 17 ans après l'invasion américaine qui a renversé les talibans, demeure plongé dans la guerre.

Alors que les élections législatives étaient tenues dans 32 provinces les 20 et 21 octobre, à Kandahar le samedi 27 octobre, la province de Ghazni [11], déchirée par la guerre, n'a pas voté du tout et devra probablement attendre jusqu'à l'année prochaine pour envoyer de nouveaux représentants au Parlement.

Les lacunes logistiques se sont multipliées lors des trois jours du scrutin – les 21, 22 et 27 octobre – les bureaux de vote ont été ouverts tardivement [12] et n'ont pas été capables de soutenir le flot d'électeurs.

Les équipements biométriques qui devaient faciliter le processus ont eu l'effet inverse dans de nombreuses régions, en raison de l'incompétence et d'une mauvaise gestion. [13]

Selon ce rapport interne, il manque de nombreux chargeurs pour les machines biométriques depuis les élections et un grand nombre de ces machines n'a pas été restitué.

Irrégularités et manque de coordination peuvent être constatés dans ce tweet de de la Commission électorale centrale d'Afghanistan. Il est 19h et ils ont demandé aux gens de voter aujourd'hui s'ils n'ont pas pu le faire hier !

L'optimisme des autorités

Néanmoins, malgré la détérioration de la sécurité, les dirigeants du pays ont été tentés de célébrer le vote comme un succès.

Le ministre de l'Intérieur, Wais Ahmad Barmak, a déclaré que 17 civils et 11 policiers avaient péri et que de nombreux blessés avaient été victimes d'attaques au premier jour du scrutin. Ce nombre aurait sans doute pu être bien plus élevé après que les talibans et le groupe affilié à l'État islamique en Afghanistan ont déclaré la saison de la chasse ouverte lors du vote.

Un porte-parole du président Ashraf Ghani s'est ainsi exprimé sur un ton optimiste dans son tweet du dimanche 21 octobre.

Malgré les menaces, les élections afghanes se sont déroulées comme prévu et la participation a été importante car les gens ont fait confiance aux Forces de défense et de sécurité nationales afghanes (FDSNA). Elles ont réalisé un meilleur travail pour sécuriser les points de vote à travers l'Afghanistan que les troupes étrangères ne l'avaient fait lors des précédentes élections. Des centaines d'attaques ont été déjouées ces deux derniers jours.

Sur 8,8 millions d'électeurs
3,8 millions (45%)
33% de femmes
67% d'hommes
Ont déposé leur bulletin lors de ces deux derniers jours.

- Hors Kandahar et Badghis
– 76 des 4576 bureaux de vote n'ont pas encore été comptabilisés

Pas d'élection à Ghazni.

Le peuple afghan pleinement déterminé et résolu – les personnes handicapées sont portées pour aller voter…- en réalisant que leur vote compte et nous devons tous leur rendre hommage. Kunar

Une répétition générale ?

Seulement derrière les célébrations d'un Afghanistan qui a réussi à organiser un vote, de nombreux mauvais présages s'annoncent autour de la bien plus importante élection présidentielle de l'année prochaine. Une coalition majeure de l'opposition a déjà accusé  [27]la Commission électorale indépendante (CEI) d'avoir gonflé le nombre d'électeurs au cours de la période précédant les élections afin de sécuriser l'arrivée de législateurs pro-présidentiels au Parlement.

Par la suite, les plaintes pour fraudes et autres irrégularités étaient omniprésentes [28] parmi les 13.000 anomalies signalées par les citoyens à la Commission indépendante des plaintes électorales (IECC), auxquelles se sont ajoutées 5.000 supplémentaires sur le groupe Whatsapp de TOLO News, le principal média privé du pays.

Lors de l'élection présidentielle de 2019 et quand les enjeux seront plus importants, ces défaillances auront des conséquences plus importantes.

Le dernier vote présidentiel s'est avéré extrêmement clivant [29], Ghani terrassant son rival Abdullah Abdullah lors d'un second tour dont le résultat n'a été reconnu par Abdullah que lorsque un compromis a été trouvé et qu'il obtienne le poste nouvellement créé de directeur général (une position équivalente au Premier ministre) au sein du gouvernement.

Est-il seulement possible d'organiser l'élection présidentielle sous la houlette de la Commission électorale afghane ? Les défaillances techniques et logistiques d'aujourd'hui sont plus que frustrantes.

L'attention se tourne doucement vers les élections présidentielles. Ismail Khan demande au Premier ministre Abdullah de ne pas se représenter lors de la course à la présidence.