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Supporters de foot, bibliophiles, et bien d'autres : les multiples visages de la résistance brésilienne

Catégories: Amérique latine, Brésil, Arts et Culture, Cyber-activisme, Droits humains, Élections, Femmes et genre, Jeunesse, Manifestations, Médias citoyens, Politique
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Les femmes ont défilé contre Bolsonaro à Rio de Janeiro avant les élections. Photo: Tânia Rêgo, Agência Brasil

Il est probable que tout ce que vous avez lu sur le Brésil ces derniers jours concernait le président-élu Jair Bolsonaro, un ancien capitaine de l'armée et député qui exprime publiquement des opinions homophobes, misogynes et racistes, préconise la violence contre ses opposants et menace la presse [2].

Ce que vous n'avez peut-être pas lu, par contre, ce sont les différents moyens trouvés par les Brésiliens pour exprimer leur opposition à Bolsonaro — et comment ils unissent leurs forces pour résister à ce que réservent les quatre prochaines années.

Dans un entretien avec le journal Valor [3], le politologue Wanderley Guilherme a proposé un front non partisan face au nouveau gouvernement :

O país não é fascista. Pode ser conservador e ter um conceito limitado da democracia, mas fascista não é. Vamos ter muitos motivos de continuada intranqüilidade social. Esta eleição não vai acabar. Agora é que vai começar porque os conflitos não vão ser resolvidos. Não tem nada que permita antecipar que essa polarização vá diminuir. Muito pelo contrário.

Le pays n’est pas fasciste. Il peut être conservateur et avoir une conception limitée de la démocratie, mais fasciste, il ne l'est pas. Nous allons avoir de nombreux motifs d'agitation sociale continue. Cette élection ne va rien finir. Elle ne fait que commencer parce que les conflits ne seront pas résolus. Il n'y a rien qui permettre d'anticiper une baisse de cette polarisation. Bien au contraire.

Nous avons listé ici quelques-uns des titres qui ne sont pas arrivés jusqu'aux médias internationaux.

La révolte des femmes

Le prochain Congrès du Brésil comptera 51 pour cent de femmes [4] en plus– elles ne représentent toujours que 15 pour cent du total des sièges — et nombreuses sont celles qui ont juré de muscler l'opposition à Bolsonaro.

Parmi elles, Joênia Wapixana [5], élue députée fédérale par le parti de centre gauche et écologiste Rede. Elle est la seconde personne indigène à jamais avoir été ékue au Congrès National, et la première femme indigène à devenir avocate au Brésil.

Aussi élue députée fédérale, Taliria Petrone est une féministe noire, professeure et militante, qui a été amie d'enfance, collègue conseillère municipale et membre du parti de Marielle Franco, la femme politique de Rio de Janeiro assassinée en mars. Dans la foulée du meurtre de Marielle, qui reste non élucidé, Talita a reçu des menaces de mort [6].

Elles rejoindront Tabata Amaral [7], dont le périple des banlieues de São Paulo à deux fois diplômée avec les honneurs de Harvard, en astrophysique et en science politique, a inspiré de nombreuses filles au Brésil. A seulement 24 ans, Tabata est la fondatrice d'un mouvement d'éducation qui vise à engager les élèves d'écoles secondaires dans la politique. Elle a été élue députée fédérale.

Fernanda Melchionna [8], une ancienne conseillère municipale dans la ville méridionale de Porto Alegre, est également en route pour un siège à la Chambre des députés. En 2012, elle avait prononcé un discours mémorable [9] à la législature locale après que ses collègues hommes ont tenté de lui faire la leçon sur sa tenue vestimentaire.

Football et démocratie

Peu de gens semblent le savoir, mais les premiers soutiens du mouvement #PasLui [10] (#EleNão) furent les supporters de football [11]. Ils ont commencé à s’y rallier [12] en septembre, à la suite de deux gros soutiens à Bolsonaro, par de célèbres footballeurs et quand des supporteurs ont fait écho dans les stades aux diatribes homophobes du capitaine de parachutistes.

C'est à peu près à ce moment que l'une des plus grandes associations de supporters du Brésil, “Gaviões da Fiel”, a pris officiellement position contre Bolsonaro. Leur club Corinthians, de la ville de São Paulo, a une tradition de résistance : ses joueurs ont mené un mouvement pour la démocratie au plus fort de la dictature militaire brésilienne dans les années 1970, appelé Corinthians Démocratie. Lors de la transition du Brésil vers la démocratie, au milieu des années 1980, ce mouvement a été pionnier dans la défense d'une amnistie pour tous les prisonniers politiques.

La note de “Gaviões” sur Bolsonaro — qui a pavé la voie à d'autres associations footballistiques qui n'ont pas tardé à lui emboîter le pas, disait  [13]:

É importante deixar claro a incoerência que há em um Gavião apoiar um candidato que não apenas é favorável à ditadura militar, pela qual nascemos nos opondo, mas que ainda elogia e homenageia publicamente torturadores, que facilmente poderiam ter sido os algozes de nossos fundadores.

Il est important de souligner l'incohérence d'un “Gavião” appuyant un candidat qui non seulement est favorable à la dictature militaire, à laquelle nous sommes opposés de naissance, mais qui continue à vanter et à publiquement honorer les tortionnaires, qui auraient facilement pu être les bourreaux de nos fondateurs.

Le parti des livres

Tandis que Bolsonaro est un ancien capitaine de l'armée, son adversaire défait Fernando Haddad est un professeur de philosophie [14]. En son honneur, ses partisans sont allés voter le 28 octobre en tenant des livres.

Je vais voter avec un livre

Parti voter ! La démocratie nous est très chère et il est important de la défendre avec toutes les armes, la mienne c'est le livre !

J'ai pris Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban pour voter pour le professeur Haddad, parce que c'est dans ce livre que Dumbledore dit : “On peut trouver le bonheur même dans les heures les plus sombres, il suffit de se rappeler d'allumer la lumière.” Je crois au tournant, Brésil !

Ils votent avec une arme ? Nous votons avec un livre !
Ele não!!!!
PS: J'ai persuadé ma grand-mère de 70 ans et quelque de venir voter en faveur de la démocratie alors que vous votez nul

Se donner la main

Après la confirmation de la victoire de Bolsonaro, une image a commencé à circuler sur les médias sociaux. Son message : “que personne ne lâche la main d'un autre”.

L'artiste tatoueuse Thereza Nardelli a dessiné l'affiche quelques semaines seulement avant le vote. Au site web G1 [24], elle a déclaré que l'inspiration est venue de quelque chose que disait habituellement sa mère :

A gente atravessava um momento difícil na nossa vida pessoal, mas o país também passava por dificuldades. Aí ela virou para mim e disse, ‘ninguém solta a mão de ninguém’. 

Nous traversions un moment difficile de notre vie personnelle, mais le pays aussi passait par des difficultés. Et elle se tourna vers moi et dit “que personne ne lâche la main de personne”. 

Nous continuerons unis et unies !