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Portraits de Sri-Lankais qui “prennent position” pour la démocratie

Catégories: Asie du Sud, Sri Lanka, Droit, Droits humains, Gouvernance, Manifestations, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique
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Image via Groundviews

Cet article est originellement paru sur Groundviews [1], un site web primé de journalisme citoyen au Sri Lanka. Une version adaptée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenus avec Global Voices.

Le Sri Lanka est embourbé dans une crise politique [2] depuis que, le 26 octobre, le président Maithripala Sirisena [3] a démis le premier ministre Ranil Wickremesinghe [4] pour le remplacer par le président précédent Mahinda Rajapaksa [5]. Ce qui a conduit à une lutte pour le pouvoir [6] entre le premier ministre nouvellement nommé et celui tout juste renvoyé, qui s'accrochent tous deux à leur légitimité dans le poste. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues [7] de la capitale Colombo pour contester la légitimité constitutionnelle de la décision du président et exiger une convocation du parlement pour régler la question. Cédant à la pression, le président Sirisena a promis de réunir le parlement [8] le 7 novembre.

Le 4 novembre 2018, un groupe s'est rassemblé sur le rond-point de la Liberté dans le quartier de Kollupitiya à Colombo.

Pour certains, c'était leur cinquième jour de manifestation. Après la nouvelle que le Président Maithripala Sirisena et l'United People’s Freedom Alliance (Alliance de l'union de la liberté du peuple) s'étaient retirés du gouvernement de coalition, un groupe de citoyens a décidé de se retrouver au rond-point chaque jour, de 16h30 à 18h30, jusqu'à ce que le Parlement soit réuni. Le premier jour, la manifestation a coïncidé avec un rassemblement plus vaste organisé à proximité par le Parti National Uni (UNP selon l'acronyme anglais) de Ranil Wickremesinghe, mais beaucoup de ceux présents au rassemblement ce jour se sont empressés de préciser qu'ils n'étaient pas venus pour soutenir l'UNP.

Le 30 octobre, un tweet de Lisa Fuller montrant une des affiches tenues par une manifestante est devenu viral. Elle affirmait “Je ne suis pas là pour Ranil, mais pour la démocratie”.

“Je ne suis pas là pour Ranil. Je suis là pour la démocratie et pour la bonne gouvernance”. Manifestation de la société civile au rond-point de la liberté en ce moment

L'affirmation résumait bien les sentiments de la plupart des présents sur le rond-point de la Liberté le 30 octobre et les jours suivants.

Ces derniers jours, Groundviews s'est attaché à faire le portrait des présents à la manifestation citoyenne. Il y avait parmi eux des jeunes gens n'ayant jamais assisté à une manifestation auparavant, des personnes âgées, des militants et des membres de la société civile. Le 4 novembre, il y a eu des participants venus de Jaffna, Mannar, Batticaloa et Kandy aussi bien que de Colombo. Certains manifestaient pour la première fois de leur vie. D'autres avaient vu la corruption continuer depuis des décennies (la doyenne des manifestants avait 92 ans). Des membres du secteur des entreprises étaient au coude-à-coude avec des militants de Jaffna et Batticaloa, eux-même flanqués par ceux du monde du théâtre.

La corruption était un thème récurrent, au vu des révélations du député UNP Ruwan Wijewardene [15] sur les sommes d'argent offertes aux parlementaires pour les faire changer d'allégeances.

Le 30 octobre et les jours suivants, nous avons posé aux présents une seule et même question simple : “Qu'est-ce qui vous a décidé à participer ?”

Voici leurs réponses :

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Diordre Moraes. Image via Groundviews

“En tant que mère et grand-mère, je veux voir la démocratie rétablie. Je ne suis pas là contre un individu ou un parti, mais comme citoyenne du Sri Lanka. Rien de tel n'est jamais arrivé avant [ça]” – Diordre Moraes

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Neluni Tillekeratne. Image via Gorundviews

“Je pense que les jeunes devraient prendre les questions politiques plus au sérieux. Quand les jeunes s'intéressent à la politique ils se bornent à regarder les déclarations du Président ou du Premier Ministre. Nous ne regardons pas les questions plus profondes. J'espère inciter les jeunes à venir.” Neluni Tillekeratne

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Nadesan Suresh. Image via Groundviews

Notre communauté tamoule malaiyaha, ceux qui travaillent dans les plantations de thé, a voté pour le Président Sirisena dans l'espoir qu'il réforme la société. Mais ce qu'il a fait nous renvoie 100 ans en arrière.’ Nadesan Suresh, de Badulla.

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Sarojini Kadirgamar. Image via Groundviews

“J'ai beau avoir 92 ans, je sens que je dois prendre position pour la démocratie. Au long des années j'ai vu la dégradation régulière de la vie politique. Chaque parti utilise des pratiques de corruption pour des gains à court terme. Ça doit changer.” Sarojini Kadirgamar

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Leisha Lawrence, Mihiri de Silva, Sepali de Silva et un anonyme. Image via Groundviews

“Je suis ici pour la démocratie. Si un député décide de changer de parti il doit perdre son siège au parlement. Je ne suis ici pour aucun parti.” Leisha Lawrence (première à partir de la droite)

“Nous votons d'une certaine façon pour ce que nous voulons. Ça ne donne pas au Président le droit de faire ce qu'il veut, parce qu'il ne s'entend pas avec quelqu'un en particulier.” Mihiri de Silva (deuxième à partir de la droite)

“Mon vote n'est pas à vendre. Ça ne va pas !” Sepali de Silva (deuxième à partir de la gauche)

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Kalaivani. Image via Groundviews

On dit que c'est un pays démocratique mais ce qui s'est passé est contraire à la voie démocratique. Nous sommes entrés dans l'histoire en ayant la première femme premier ministre, et maintenant nous entrons à nouveau dans l'histoire en ayant deux premiers ministres !’ Kalaivani, de Batticaloa.

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Adrian Roshan Fernando. Image via Groundviews

“Les décisions prises en ce moment le sont en excluant l'opinion publique. Ils prennent juste leurs décisions de leur côté. Il y a une façon de faire les choses.” Adrian Roshan Fernando.

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Piyathilaka Ranaweera. Image via Groundviews

“Ce n'est pas bon pour le pays. Nous faisons cela pour la prochaine génération, pour l'avenir de ce pays.” Piyathilaka Ranaweera

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Irfadha Muzammil. Image via Groundviews

“Les votes des gens comptent. On ne peut pas laisser les politiciens corrompre ça et exploiter les électeurs.” Irfadha Muzammil

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Abdul Kalam Azad. Image via Groundviews

Au lieu de dire “Je suis le Premier Ministre” allez devant le Parlement maintenant et montrez que vous avez la majorité. Gouvernez le pays. Ne nous faites pas perdre notre temps !” Abdul Kalam Azad.

A la tombée de la nuit, les réverbères au rond-point de la Liberté sont restés éteints. Par la suite, Rosy Senanayake, la maire de Colombo, a tweeté que c'était “un acte de sabotage”.

Cela a été porté à ma connaissance et ce fut un acte de sabotage. Nous allons nous assurer que les lumières soient allumées demain.

Sans se laisser démonter, les protestataires ont continué à scander leurs slogans à la lumière de leurs téléphones portables.

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Image via Groundviews

Finalement, à 19h, la manifestation s'est terminée – pour reprendre le lendemain, et le surlendemain, jusqu'à la reprise de la session parlementaire.

Image via Groundviews

Le photo-reportage complet est visible ici [20]. Vous pouvez aussi suivre le mouvement de protestation sur Twitter, et de multiples points de vue, ici [21].