- Global Voices en Français - https://fr.globalvoices.org -

Au Mozambique, la boutique de vêtements “Hitler” change de nom et retire la croix gammée après des critiques sur les réseaux sociaux

Catégories: Afrique Sub-Saharienne, Mozambique, Censure, Cyber-activisme, Droits humains, Manifestations, Médias citoyens
[1]

La boutique Hitler au moment de la dénonciation. Photographie utilisée avec autorisation de l’auteur.

Une boutique de vêtements à Maputo, la capitale du Mozambique, a décidé de retirer le nom « Hitler » et la croix gammée nazie (svastika) [fr] [2], de sa devanture à la suite de la vive polémique suscitée sur les réseaux sociaux dénonçant les propriétaires pour leur comportement commercial. Les nombreux signalements des internautes avaient entraîné le blocage de leur page sur Facebook [3].

La boutique se trouve dans l’un des plus grands centres commerciaux du pays, le Maputo Shopping Centre [4], situé dans une zone animée du centre-ville de la capitale mozambicaine, près du cabinet du Premier ministre et d’autres bâtiments publics, comme le ministère des Affaires étrangères.

L’établissement en question appartient à l’entrepreneur mozambicain Mohamed Bachir Suleman (MBS) [5], mis en examen pour trafic de drogues en 2011 par le Département de la Sécurité des États-Unis.

Le nom Hitler figurait en lettres majuscules sur la vitrine principale de l’une des boutiques de MBS, tandis que le svastika nazi était collé sur la vitre de l’une des portes.

L’activiste sociale Fernanda Lobato, qui a qualifié cette situation de scandaleuse, a publié sur son mur Facebook [6] :

Loja com o nome HITLER e com a suástica estampada no vidro da loja. Maputo Shopping. Como permitem este ultraje?

Boutique nommée HITLER et avec un svastika collé sur la vitrine. Maputo Shopping. Comment peut-on autoriser un tel outrage ?

[7]

La boutique Hitler au moment du dépôt de la plainte. Photographie utilisée avec autorisation de l’auteur.

La publication n’a pas tardé à recevoir de nombreux commentaires et partages, en majeure partie indignés. Sara Lopes, internaute et habitante de la ville de Maputo, par exemple, a écrit [8] :

Eu nem entrava nessa [censurado] de loja! Mas quem é o imbecil que abre uma loja dessas com uma conotação tão racista e de um homem que defende a supremacia da raça ariana quando nem ele mesmo o era?

Moi, je n’entrerais même pas dans cette [censuré] de boutique ! Mais qui est l’imbécile qui peut ouvrir une boutique avec une telle connotation raciste et une référence à un homme qui défendait la suprématie de la race aryenne alors qu'il n'en faisait même pas partie ?

Pour sa part, Louisa Sousa, estime que c’est inacceptable et elle se demande [9] comment cela est possible :

My God… my god… onde isto vai parar?? inaceitável… será que [os proprietarios] nao tem noçao do que esse tipo de ser “humano” fez a humanidade???… Quando o dinheiro fala mais que a dignidade humana… Quando o dinheiro vale tudo… Quando chega se a esse ponto daí ao abismo será o passo… infelizmente

Mon Dieu… mon dieu… où cela va-t-il s’arrêter ?? inacceptable… Se peut-il que les propriétaires n’aient aucune notion de ce que ce type d’être « humain » a fait à l’humanité ???… Quand l’argent parle plus que la dignité humaine… Quand l’argent est supérieur à tout… Quand on en arrive à ce stade-là, on est au bord de l’abîme… malheureusement.

La rappeuse, activiste sociale et avocate mozambicaine Iveth Marlene, estime [10] que le gérant de la boutique a insulté l’humanité et que l’État du Mozambique, à travers le ministère des Affaires publiques, devrait engager des poursuites :

Um Estado com uma Constituição como a nossa não deveria nunca permitir isto! O que o fascismo fez com os negros? Quais eram os ideais do Hitler para Africa? Acima de tudo, o que Hitler fez a raça humana? As respostas a estas perguntas deveriam ser fundamento bastante para repudiar essa ideia comercial… Na verdade, essa loja é um insulto a nossa liberdade, moçambicanidade e nossa história por representar discriminação e genocídio a todas as raças em benefício e supremacia da raça ariana… A PGR [Procuradoria Geral da República] tem espaço para actuar aqui…não podemos aderir a Declaração Universal de Direitos Humanos por via da constituição e permitir isto de glorificar o maior genocida do mundo…

Un État doté d’une Constitution comme la nôtre ne devrait jamais permettre cela ! Qu’a fait le fascisme aux noirs ? Quels étaient les projets d’Hitler pour l’Afrique ? Et par-dessus tout, qu’a fait Hitler à la race humaine ? Les réponses à ces questions devraient suffire à rejeter cette idée commerciale… En vérité, cette boutique est une insulte à notre liberté, à la mozambicanité et à notre histoire parce qu’elle représente la discrimination et le génocide de toutes les races au bénéfice de la suprématie de la race aryenne. La PGR [Procureure générale de la République] dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour agir… nous ne pouvons pas adhérer à la Déclaration universelle des Droits de l’homme à travers la constitution et permettre la glorification du plus grand génocide du monde…

Certains ont bien tenté d'intervenir en faveur des propriétaires de la boutique arguant qu’il n’y avait probablement aucun lien avec le personnage d’Adolf Hitler, une hypothèse écartée par de nombreux internautes, comme l’activiste Benilde Mourana [11] :

Algumas pessoas dizem que não vê problema em a loja assim se apresentar, até porque a suástica é um símbolo antigo, usado mesmo antes da entrada do regime fascista do Hitler . Pode até ser, mas, o nome associado ao símbolo para quem percebe um pouco da história há-de saber o que de facto representam, há coisas que não devem ser expostas pois põem em causa os alicerces de um Estado de direito democrático e de justiça social

Certaines personnes disent qu’elles ne voient pas où est le problème avec la boutique, notamment parce que le svastika est un symbole antique[fr] [12], utilisé bien avant son introduction par le régime fasciste d’Hitler. Admettons, mais, toute personne qui connait un minimum l’histoire sait ce que représente ce nom associé à ce symbole. Certaines choses ne devraient pas être exposées parce qu’elles remettent directement en question les fondements d’un État de droit démocratique et de justice sociale.

Regina Carvalheira s’est montrée [13] indignée par le fait qu’au cours du processus même de production du nom et du symbole, tout comme dans leur apposition sur la vitrine, personne apparemment n’a interpellé le propriétaire :

Realmente, neste País pode-se tudo! A quantidade de pessoas envolvidas no processo, desde a ideia do nome, o registo, quem aprovou; quem permitiu dentro do shopping, montes de pessoas e será que ninguém foi capaz de chamar à razão ao dono “disto”? And guess what? Nada vai mudar! O dono provavelmente ainda agradece esta exposição mediática

Vraiment, dans ce Pays, on peut faire n’importe quoi ! Le nombre de personnes impliquées dans ce processus, depuis l’idée du nom, son enregistrement, qui l’a approuvé, qui l’a autorisé à l’intérieur du centre commercial… un tas de gens, et personne n’a été capable d’attirer l’attention du propriétaire sur « ce truc » ? Et devinez quoi ? Rien ne va changer ! Le propriétaire doit même profiter du battage médiatique.

Pourtant, ce battage s'est avéré efficace, puisque deux jours après la publication sur Facebook, les propriétaires ont retiré le nom et le svastika de la devanture, comme en témoigne une autre publication [14] de Fernanda Lobato :

Amigos, estou sem palavras (….) O nome da loja com o nome Hitler foi apagado. O símbolo da suástica foi apagado. Viva o Estado de Direito Democrático. Viva os Direitos Humanos. Parabéns a todos nós que nos indignamos com esta situação. Fico feliz por o meu país não admitir que símbolos que dignifiquem atrocidades efectuadas à Humanidade se perpectuem aqui. E viva as Redes Sociais, que usadas para o bem, conseguem chamar a atenção contra atos contra os Direitos Humanos

Amis, je reste sans voix (…) Le nom de la boutique Hitler a été effacé. Le symbole du svastika aussi. Vive l’État de droit démocratique. Vive les Droits de l’homme. Félicitations à nous tous pour nous être indignés de cette situation. Je suis heureux de voir que mon pays n’admet pas que les symboles qui glorifient des atrocités commises contre l’humanité se perpétuent ici. Et vive les réseaux sociaux qui, utilisés à des fins utiles, parviennent à attirer l’attention sur des actes qui desservent la cause des Droits de l’homme.

Le sociologue Edgar Cubaliwa, propose [15] que même après le retrait du nom et du symbole, personne n'aille faire d'achats dans la boutique, pour témoigner leur réprobation sans appel :

O nome e os símbolos foram apagados. Celebremos. Contudo, podemos continuar a mandar o recado para os donos: näo esquecemos…. O Nazismo saiu dos vidros mas não saiu da mente, do coração, da alma dos proprietários. E pessoas, não alimentem os discursos de desconhecimento de história por parte destes neonazistas. Esses fascistas conhecem muito bem a história, sabem o que fazem. Esse é o lado que escolheram. Agora cabe a nós sermos ou não aliados deles. Boicote.

Le nom et le symbole ont été effacés. Nous crions victoire. Cependant, nous pouvons continuer à envoyer le message aux propriétaires que nous n’oublions pas… Le nazisme a peut-être été effacé de la vitrine, mais il n’a pas quitté l’esprit, le cœur, l’âme des propriétaires. Et les gens n’alimentent pas les discours négationnistes de l’histoire provenant de ces néonazis. Ces fascistes connaissent très bien l’histoire, ils savent ce qu’ils font. C’est le camp qu’ils ont choisi. Maintenant, il nous appartient d’être leurs alliés ou non. Boycott.

L’internaute Dinho Lima a tenté, sans succès, [16] d’entrer en contact avec les gérants de la boutique pour comprendre les raisons de ce choix de nom et de symbole. Il n’est pas clair non plus si le retrait a été influencé par les autorités mozambicaines après l’indignation des internautes.