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Le caricaturiste politique Badiucao annule son exposition à Hong Kong avant de disparaître

Catégories: Asie de l'Est, Chine, Hong Kong (Chine), Arts et Culture, Censure, Liberté d'expression, Médias citoyens, Politique, Advox

“Gongle”, le titre de l'exposition de Badiucao, est le fruit d'un jeu de mots commentant les efforts déployés par Google pour revenir en Chine avec un moteur de recherche censuré. Image utilisée avec autorisation.

Le dessinateur satirique Badiucao a été forcé d'annuler sa première exposition personnelle à Hong Kong, suite à des menaces provenant du gouvernement central chinois.

L'exposition, événement phare de la semaine de la liberté d'expression de Hong Kong, devait ouvrir ses portes [1] le 3 novembre. La veille, les organisateurs ont annoncé [2] qu'ils annulaient l'événement :

We are sorry to announce that the exhibition “Gongle,” by Chinese artist Badiucao, has been cancelled due to safety concerns.

The decision follows threats made by the Chinese authorities relating to the artist. Whilst the organisers value freedom of expression, the safety of our partners remains a major concern.

Nous sommes désolés d'annoncer que l'exposition “Gongle” de l'artiste chinois Badiucao a été annulée pour des raisons de sécurité.

Cette décision fait suite aux menaces proférées par les autorités chinoises à l'encontre de l'artiste. Bien que les organisateurs aient de l'estime pour la liberté d'expression, la sécurité de nos partenaires demeurent une préoccupation majeure.

Badiucao a construit sa réputation sur Twitter [3], en dessinant des caricatures politiques qui défient la censure et la dictature en Chine. Le travail de l'artiste sino-australien a été présenté par The New York Times [4] and The Guardian [5].

L'événement était vu par beaucoup comme une mise à l'épreuve des limites à la liberté d'expression à Hong Kong, qui jouit de plus de libertés que la Chine continentale selon le principe “Un pays, deux systèmes.” [6] Ces dernières années, Pékin a affirmé son influence [7] sur Hong Kong avec plus d'insistance. Celles et ceux qui supportent davantage de droits démocratiques, tels qu'un véritable suffrage universel ou l'indépendance, ont été confrontés à une féroce répression.

Les organisateurs n'ont pas précisé la nature des menaces reçues par l'artiste. Généralement assez transparent sur le net, il n'a cependant pas actualisé son compte Twitter depuis le 1er novembre.

Si Badiucao n'avait pas l'intention de se rendre à Hong Kong, il était toutefois censé participer à une table ronde par visioconférence avec l'activiste pro-démocratie Joshua Wong [8], les artistes hongkongais Sampson Wong [9] et Oscar Ho et les manifestantes punk-rock russes Olga Kuracheva et Veronika Nikulshina, toutes deux membres du groupe Pussy Riot [10].

Bien que l'exposition ait été annulée, les intervenants ont décidé de poursuivre et d'organiser une discussion sur l'art et la liberté d'expression dans un petit studio. Ils ont retransmis l'événement en direct sur Facebook.

Cedric Alviani, Olga Kuracheva, Veronika Nikulshina et Joshua Wong. Image de Hong Kong Free Press. Photographie utilisée avec autorisation.

Le journal à but non-lucratif chinois The Stand News a effectué un reportage sur cette table ronde durant laquelle Sampson Wong a exprimé ses inquiétudes [11] quant à la sécurité de Badiucao. Il a expliqué qu'il essaye d'entrer en contact avec l'artiste depuis le 2 novembre, mais que celui-ci n'a communiqué avec personne. Sampson Wong voyait l'exposition comme un test pour la liberté d'expression à Hong Kong. Il était déçu que davantage de personnes ne se soient pas manifestées contre les menaces de Pékin.

Oscar Ho, un professeur et critique artistique local, a été choqué par l'annulation. Il a souligné que les pratiques de censures de Pékin à Hong Kong étaient nébuleuses. On pense généralement que les Hongkongais “doivent savoir” où se situe la ligne rouge, seulement il existe relativement peu d'indications sur ce qui est permis ou non. Il a exprimé la volonté que les gens fassent preuve de plus de créativité dans la lutte contre la censure.

Joshua Wong a déclaré vouloir davantage d'échanges avec la société civile internationale, dans l'espoir que les réseaux internationaux puissent soutenir les groupes locaux à défendre la démocratie et la liberté.

Olga Kuracheva, la membre des Pussy Riot, a souligné l'importance du soutien public et de la solidarité populaire pour des personnes comme Badiucao :

We are very sorry to know that things are getting worse here. I think it is very important to be here now just to express our solidarity… I would advise people not to be afraid, because one voice is not so much…but voices of solidarity should sound loud. (Quote from Hong Kong Free Press’ report) [12]

Nous sommes vraiment navrés de savoir que les choses empirent ici. Je pense qu'il est très important d'être ici aujourd'hui pour exprimer notre solidarité… Je conseillerais aux gens de ne pas avoir peur, car une voix isolée n'est certes pas grand-chose… mais les voix de solidarité devraient retentir puissamment (Citation issue du rapport [12] de Hong Kong Free Press).

Olga Kuracheva et Veronika Nikulshina font partie des quatre membres des Pussy Riot qui ont purgé une peine de 15 jours de prison pour avoir manifesté contre le dirigeant russe Vladimir Poutine lors de la finale de la Coupe du monde de football, en juillet 2018 à Moscou. Elles ont déclaré que les menaces à l'encontre d'expositions ou d'événements artistiques politiques étaient “courantes” en Russie.

Cedric Alviani, de Reporters Sans Frontières, a souligné [11] que Hong Kong était passé de la 18ème place en 2002 à la 70ème en 2018 dans le classement RSF sur l'index de liberté de la presse [13]. Il estime que le meilleur moyen de soutenir un artiste sous la menace est de diffuser son travail dans les espaces où il est possible de le faire.