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Les professionnels libanais de santé condamnent les “thérapies de conversion” anti-LGBTQ+

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Liban, Droits humains, LGBTQI+, Médias citoyens, Santé

‘L'homosexualité est un état naturel’ La campagne lancée par LebMASH. Source: site web de LebMASH [1].

Le 8 novembre 2018, l'Association libanaise pour la santé sexuelle (acronyme en anglais LebMASH), une organisation de professionnels de santé, a tenu un événement de lancement d'une campagne contre la thérapie de conversion [2], “cette pratique pseudo-scientifique [consistant à] essayer de changer l'orientation sexuelle d'un individu. . .  au moyen d'interventions psychologiques ou spirituelles.” Les pratiques qui en découlent font partie des procédures appelées en anglais Sexual Orientation Conversion Efforts (SOCE).

La campagne, sous le titre de HINAD, abréviation en anglais de “L'homosexualité n'est pas une maladie [1]“, fait suite à de multiples signalements d'individus homosexuels qui ont été soumis à diverses formes de SOCE, ainsi qu'à un symposium de 2017 pendant lequel un urologue a prôné un traitement par électrochocs [3].

Se targuant de pratiquer ces thérapies, l'urologue a mentionné le vice-président des USA Mike Pence comme étant un partisan de sa méthode, et affirmé qu'en Chine “80 % des gens subissant cette thérapie étaient guéris.” Il faut noter qu'aucune étude n'a été avancée à l'appui de cette deuxième affirmation.

Après cet incident, LebMASH a fait équipe avec HELEM, un groupe libanais de défense des LGBTQ+, et s'est lancé dans une enquête sur les pratiques de SOCE au Liban en interrogeant des victimes ayant subi ce genre de ‘thérapie’. Les demandeurs de SOCE sont des parents qui envoient leurs enfants ‘se faire soigner’, ou des individus qui se sentent socialement humiliés.

Les individus LGBT+ au Liban se heurtent à l'hostilité pour des raisons culturelles, religieuses et juridiques. Une étude de 2015 a établi que 72 % des Libanais pensent que l'homosexualité est une maladie mentale, et 79 % approuvent que les homosexuels soient soumis à une thérapie de conversion. [4] Les descentes de police dans les lieux fréquentés par les homosexuels sont monnaie courante.

Ceci ne veut pas dire que les groupes de défense des LGBT n'ont pas gagné du terrain ces dernières années. En 2013, la Société des psychologues libanais et la Société des psychiatres libanais ont déclaré que l'homosexualité [5] n'est pas une maladie, et ne requiert aucun traitement. Toutes deux ont condamné l'usage de ‘thérapie de conversion’.

En janvier 2016, LebMASH a publié une vidéo titrée “Shou El Sabab”(Quelle est la cause ?) clarifiant les idées fausses au sujet de l'homosexualité [6].

Sur le front juridique, un des principaux obstacles aux droits des LGBTQ+ est l'article 534 [7]. Cette disposition, existante depuis le mandat français au Liban de 1920 et insérée dans le code pénal quand le Liban a déclaré l'indépendance en 1943, punit “tout rapport sexuel contraire à l'ordre naturel” d'un an de prison.

Si le texte ne mentionne pas explicitement les actes homosexuels, l'appréciation est habituellement laissée à la discrétion des tribunaux de savoir si l'homosexualité est contre-nature ou non, ce qui conduit à la fréquente incarcération d'individus LGBT.

Il existe cependant des affaires [8]dans lesquelles les interprétations ont été plus progressistes.

En 2016, un juge a interprété la loi différemment, arguant que l'homosexualité n'est pas contre-nature, et a conclu sans condamner.

En juillet 2018, il y a même eu une avancée supplémentaire vers la décriminalisation de l'homosexualité. Une cour d'appel a confirmé un verdict contesté [9] de non-condamnation de plusieurs gays et transgenres.

Mais en l'état, la loi est toujours laissée à l'interprétation et à la discrétion des tribunaux, et l'article 534 n'est pas abrogé, une revendication primordiale de tous les groupes de défense des LGBTQ+ au Liban.

En 2018, les groupes LGBTQ+ ont été attaqués à de multiples occasions. Si la Beyrouth Pride 2017 [10] a connu des obstacles, elle a tout de même pu avoir lieu. En 2018, un des organisateurs a été convoqué par les forces de sécurité pour enquête, et par conséquent a été contraint [11] d'annuler les événements.

Un événement de ‘speed dating’ organisé par le club Genre et Sexualité de l'Université Américaine de Beyrouth a aussi été annulé récemment [12] à la suite des menaces adressées au club après la condamnation par un ancien religieux, Mohamad Rashid Qabani.