Les résidents étrangers des Pays-Bas jugent Zwarte Piet, le serviteur noir de Saint Nicolas

Pierre le Noir ou Zwarte Piet, le bras droit de Saint Nicolas, est une institution dans les célébrations du 6 décembre aux Pays-Bas. Photographie de Hans Pama (CC BY 2.0).

La première fois que j'ai célébré la Saint Nicolas (Sinterklaas) avec des amis néerlandais, j'étais étudiante à New York. Il y avait des poèmes ingénieux, des charades, des cadeaux marrants et des coutumes un peu dépassées. J'étais sous le charme, quelle merveilleuse fête c'était !

Ce qui manquait, c'était Zwarte Piet (Pierre le Noir), le domestique au visage noir de Saint Nicolas. Il ne serait pas très bien passé dans Brooklyn, et il n'avait eu l'air de manquer à personne. Quand j'ai vu Zwarte Piet pour la première fois aux Pays-Bas en 2002, j'ai exprimé mon indignation face à ce personnage au visage noirci lancant des bonbons à la foule en liesse. On m'a immédiatement dit que j'étais “trop sensible”, “trop politiquement correcte” et “trop américaine”.

“… des plaisanteries que certains ne trouveront pas drôles…”

En fait, je n'étais ni la première ni la dernière Américaine à être choquée par l'apparence de cet histrion. En 1944, des soldats noirs-américains stationnés au Limbourg ont protesté contre Zwarte Piet, et les habitants ont dû leur expliquer que tout ça n'était qu'une plaisanterie. Les soldats ne l'ont pas trouvée drôle, d'après le récit de l'incident dans Geschiedenis van de Zwarte Piet-kritiek [Histoire de la critique de Zwarte Piet, NdT] de Jon Euwijk et Frank Rensen :

Men moest den protesteerenden [de zwarte Amerikaanse soldaten] duidelijk maken, dat Pietermanknecht een hoogst onschuldige grap is. Men moest Nederlanders uitleggen, dat er grapjes zijn, die anderen met den besten wil van de wereld niet onschuldig kunnen opvatten, hoe goed ook bedoeld.

Ils expliquèrent aux protestataires [les soldats noirs-américains] que les domestiques Piet à la peau grimée en noir n'était qu'une plaisanterie innocente. Ils se sont vus répondre qu'il existe des plaisanteries que d'autres, avec la meilleure volonté du monde, ne trouveront pas innocentes, quelle qu'en soit la bonne intention.

“Si vous voulez comprendre les Pays-Bas, regardez qui a le droit de manifester.”

"If you want to understand the Netherlands, look at who has the right to demonstrate. Nazis, Pegida [right wing political group from Germany]…Instead of blocking Nazis, you block people struggling for inclusive societies. We receive threats of violence from the right and the police shut down our march and let the Nazis march. They give them the whole stage.”

Ces dernières années, les manifestations contre Zwarte Piet ont repris avec insistance. Les gens sont descendus dans les rues. En 2016, quelques 200 personnes, la plupart noires, ont été arrêtées. Des militants ont été les cibles de harcèlement et de menaces de mort. L'artiste et militante Naomi Pieter décrit ce jour comme l'un des plus traumatisants de sa vie :

“The police surrounded us, they caged us. And then they pulled black people into our circle, even those who were not part of our group. That’s what happened to Jerry [Jerry King Luther Afriyie]. He wasn’t part of our group…First they [the police] singled him out. He was standing across the street. Then they loaded him onto the arrest bus. Then they pulled him out. Then they beat him…It was the most traumatic experience of my life.

If you want to understand the Netherlands, look at who has the right to demonstrate. Nazis, Pegida [right wing political group from Germany]…Instead of blocking Nazis, you block people struggling for inclusive societies. We receive threats of violence from the right and the police shut down our march and let the Nazis march. They give them the whole stage.”

La police nous a encerclés, nous a embarqués. Et ensuite, ils ont attiré des Noirs dans notre cercle, même ceux qui ne faisaient pas partie de notre groupe. C'est ce qui est arrivé à Jerry [Jerry King Luther Afriyie]. Il ne faisait pas partie de notre groupe […] D'abord, ils [la police] l'ont repéré. Il se tenait de l'autre coté de la rue. Puis ils l'ont embarqué dans le bus. Puis ils l'en ont sorti. Ils l'ont battu… Ça a été l'expérience la plus traumatisante de ma vie…

Si vous voulez comprendre les Pays-Bas, regardez qui a le droit de manifester. Les nazis, Pegida [groupe politique allemand d'extrême-droite]… Au lieu de bloquer les nazis, vous bloquez les gens qui luttent pour une société plus inclusive. Nous recevons des menaces de violence de la part de la droite, la police arrête notre manifestation et laisse les nazis continuer [la leur]. Ils leur donnent toute la scène.

Cette illustration compare une image de Jim Crow avec celle de Zwarte Piet. Le commentaire dans la marge provient d'un article de 1945 d'un quotidien néerlandais : “Tant qu'il y aura des soldats nègres aux Pays-Bas, aucun homme ou femme grimé en noir ne se promenera dans les rues.”

“Ces Néerlandais bébêtes avec leurs coutumes vieillottes”

Pour écrire cet article, j'ai parlé à plus de trente résidents des Pays-Bas d'origine étrangère de leur première impression de Zwarte Piet, et de la façon dont ces impressions ont changé. Comme la plupart des personnes interrogées, Karl Webster s'est senti “paniqué et confus”. Beaucoup ne pouvaient en croire leurs yeux et l'ont décrit comme un rêve, un mirage, stupide et raciste. D'autres se sont sentis horrifiés et en colère.

La plupart des personnes interrogées viennent de pays anglophones.

Voici une sélection de leurs réponses :

Shawna Snow :

“Our first experience was coming outside seeing the parade of when Saint Nicholas coming to Spain. I was with my five kids and my mother-in-law and we had no idea what was going on. We’re walking around going, what is going on. And then we see these white people in black faces throwing cookies with this really pious and sad looking Santa Claus on this white horse. And they’re screaming and the cookies are flying, and I’m thinking: this would never fly in the States…

“My mom was an antique collector, so I recognized the blackface, the mammy faces, from turn of the century [early 1900s] Vaudeville, and I knew this was a really racist presentation.”

Notre première expérience a été quand nous sommes sortis pour voir le défilé de l'arrivée de Saint Nicolas d'Espagne. J'étais avec mes cinq enfants et ma belle-mère et nous n'avions aucune idée de ce qui se passait. Nous marchions et nous demandions, Mais qu'est-ce que c'est que tout ça. Et puis nous avons vu ces personnes blanches aux visages grimés en noirs lancer des biscuits avec ce Père Noël à l'air vraiment pieux et triste sur son cheval blanc. Tout le monde crie, les biscuits volent partout, et je me dis: Ça ne passerait jamais aux États-Unis…

Ma mère était une collectionneuse d'antiquités, alors j'ai reconnu le “blackface”, les visages noirs caricaturaux du vaudeville du début du XXe siècle, et j'ai réalisé que c'était une représentation vraiment raciste.

Anne-Marie Roche, à Amsterdam, a été perplexe :

“I was taking my baby daughter to creche on one of the coldest mornings I have ever experienced in Amsterdam and I spotted some people who appeared to have painted their faces black running around with sacks. It felt more like a strange dream. A few years later I attended my first Sinterklaas intocht [welcoming ceremony] and realised it was not a dream. This really happened in Holland.”

J'emmenais ma fille à la crèche, c'était l'un des matins les plus froids que j'ai jamais vécus à Amsterdam, et j'ai vu quelques personnes qui avaient l'air d'avoir peint leur visage en noir courir dans tous les sens avec des sacs. Ça m'a plutôt semblé un rêve étrange. Quelques années plus tard, j'ai assisté à mon premier Sinterklaas intocht [cérémonie d'arrivée de Sinterklaas aux Pays-Bas, NdT] et j'ai réalisé que ce n'était pas un rêve. Ça se passait vraiment en Hollande.

Une femme de vingt-cinq ans explique son inconfort envers une tradition qu'elle a d'abord connue enfant :

“I couldn't understand why white people, especially adults, would purposefully paint themselves fully black with exaggerated red lips, wear big afros, and then pretend that this happened to the piets going down the chimney (while sinterklaas was white as can be), who prior to that were fully white people with blond hair. I recall white kids (and through their silence, white parents) wickedly “joking around” that Black and Brown classmates were piets who should stick to helping (read serving) and picking up after Sint (read white people).”

Je ne pouvais pas comprendre pourquoi des Blancs, surtout des adultes, se grimaient volontairement et entièrement en noir, avec des lèvres rouges exagérées, des énormes afros, et prétendaient ensuite que c'était ce qui arrivait aux Piet qui descendaient dans les cheminées (alors que Sinterklaas restait blanc comme neige), et qui, avant ça, étaient de vrais blancs aux cheveux blonds. Je me rappelle que les enfants blancs (et à travers leur silence, leurs parents blancs) “plaisantaient” méchamment que leurs camarades de classe à la peau noire ou brune étaient des Piet qui devraient se contenter d'aider (comprendre : servir) et nettoyer après Sinterklass (comprendre : les Blancs).

Zwarte Piet Est souvent décrit comme un serviteur. Le terme néerlandais “knecht” se traduit aussi par “journalier” et porte une connotation négative de soumission.

“Débarrassez-vous d'une nostalgie raciste qui ne correspond pas à notre époque moderne.”

Comme de nombreuses personnes interrogées, le compagnon de Faten Busheri est néerlandais. La première fois qu'elle a vu des biscuits à l'effigie de Zwarte Piet en vente, elle a annoncé son intention de boycotter la boulangerie.

“I had a good conversation with my Dutch boyfriend about it, and he also heard many other perspectives of some of my friends. I heard the Dutch arguments about preserving culture and traditions, and my response was, if your tradition is to be racist you should change your tradition. Children don't care whether Piet is black or green or white, they are not going to miss it. Get rid of racist nostalgia that does not fit our modern time.”

J'ai eu un bonne conversation sur le sujet avec mon petit ami néerlandais, et il a aussi écouté beaucoup d'autres points de vue de certains de mes amis. J'ai entendu les arguments néerlandais sur la préservation de la culture et des traditions, et ma réaction est que si votre tradition est raciste, vous devriez changez de tradition. Les enfants se fichent que Piet soit noir, vert ou blanc, il ne va pas leur manquer. Débarrassez-vous d'une nostalgie raciste qui ne correspond pas à notre époque moderne.

Pour Lara, tout ca n'est “rien de plus que de voir les elfes du Père Noel. Un phénomène culturel. Je dois dire que j'ai entendu parler de tout ce débat avant la Saint Nicolas.”

Un homme de soixante-six ans, lui, a rencontré cette tradition en 1985 :

“I first saw Zwarte Piet thru the eyes of 3-year-old twins, so a naive sense of wonder and joy overrode my own thoughts. However, I’d heard a story about how he beat bad children with sticks and whisked them off to Spain in a sack. This created an unsettling ambivalence. Foreshadowing?”

J'ai vu Zwarte Piet pour la première fois à travers les yeux de jumeaux de trois ans, et un sentiment naïf d'émerveillement et de joie l'a emporté sur mes propres pensées. Cependant, j'avais aussi entendu une histoire comme quoi il battait les méchants enfants avec un bâton et les enlevait dans un sac pour les emmener en Espagne. Ça avait créé une ambivalence troublante. Un présage ?

Aujourd'hui, il se demande comment ces jumeaux présentent la tradition de Sinterklaas à leurs propres enfants.

Un Américain de trente-sept ans se souvient :

“I thought it was a racist stereotype. I'm from the US (Texas) and the first time I saw a Piet was in Utrecht, in the centrum [center]. There were a few Pieten hanging in the window of a shop and because I had never heard of this I actually stood outside the show for ten minutes waiting for someone to react to what I thought was a reference to lynching and blackface.”

J'ai pensé que c'était un stéréotype raciste. Je viens des États-Unis (du Texas) et la première fois que j'ai vu un Piet, c'était à Utrecht, dans le centre ville. Il y avait quelques Piet accrochés à la fenêtre d'un magasin, et comme je n'avais jamais entendu parler de ca, je suis resté planté un peu en dehors du spectacle pendant dix minutes, à attendre que quelqu'un réagisse à ce que je croyais être une référence au lynchage et au blackface.

“Je ne veux pas que mes enfants acceptent quelque chose d'aussi toxique comme si c'était normal”

Plusieurs personnes ont réfléchi à l'impact sur leurs propres enfants ou futurs enfants. Ceux de Chris Saxe grandissent entre deux cultures : celle des États-Unis et des Pays-Bas :

“Maybe because I have children now, but I’m even more aware of its continued – and more muscular – prevalence. I don't want my kids to accept something so toxic as normal – and not just because my children have their feet in two cultures (USA & NL). That there are lots of white Dutch willing to defend Zwarte Piet with the arguments (“Heritage! Tradition!”), vitriol, and suppression of dissent that the American South uses to defend the Confederate flag and statuary comes as no surprise at all.

Peut-être que c'est parce que j'ai des enfants maintenant, mais je suis davantage conscient de sa prévalence pérenne, et aussi musclée. Je ne veux pas que mes enfants acceptent quelque chose d'aussi toxique comme si c'était normal, et pas seulement parce qu'ils ont un pied dans chaque culture (États-Unis et Pays-Bas). Que beaucoup de Néerlandais blancs défendent Zwarte Piet avec des arguments (“Le patrimoine ! La tradition !”), des attaques au vitriol et l'étouffement de la constestation que les États sudistes utilisent pour défendre le drapeau et les statues confédérés, n'est pas étonnant du tout.

Holly se fait l'écho de cet argument :

“My child went to a Dutch school when we first arrived in the country and he came home confused and we had to undo that damage – seeing blackface being normalised… I am so disappointed that there is any one arguing to retain this ritualistic humiliation of people of colour. I'm angry enough that my kids have been exposed to stereotypical images and black caricatures but then I speak to black friends whose children are hurt by this every year, and my having to undo damage to my (white) children is nothing to what they put up with. I'm also appalled at the police brutality wrought on protesters last year, that's not the country to which I thought I was moving. And then after all this, seeing the willful denial and ignorance of those defending Zwarte Piet is a horror show of white privilege in action. It's a huge scar on the character of my adopted country.”

Mon fils est allé dans une école néerlandaise quand nous sommes arrivés dans le pays, il est rentré à la maison désorienté et nous avons dû réparer les dégâts : voir le grimage normalisé… Je suis tellement déçue qu'il existe des gens qui veulent conserver cette humiliation rituelle des gens de couleur. Je suis déja énervée que mes enfants aient été exposé à des stéréotypes et des caricatures raciales, mais quand je parle avec des amis noirs dont les enfants souffrent chaque année à cause de ça, [je réalise que] mes efforts pour réparer les dégâts causés à mes enfants (blancs) ne sont rien à côté de ce qu'ils doivent endurer. Je suis aussi horrifiée de la brutalité de la police envers les manifestants l'an dernier. Ce n'est pas le pays dans lequel je pensais m'installer. Et après tout ça, voir le déni et l'ignorance volontaires de ceux qui défendent Zwarte Piet est un véritable film d'horreur du privilège blanc en action. C'est une énorme balafre sur le caractère de mon pays d'adoption.

Pour Faten, “Si cette fête porte sur la glorification du colonialisme et de l'esclavage, alors nous devrions repenser le tout.” Elle se demande pourquoi ne pas utiliser un personnage complètement différent, comme un lapin.

“My partner is Dutch, I’m going to make sure my kids don’t participate in this phenomena, I’m not going to send them black man cookies. I’m not going to dress them up as Zwarte Piet.

“Isn’t this a time of joy and inclusiveness? For some kids this is the most stressful time of the year. That’s not fun.”

Mon compagnon est néerlandais, et je vais m'assurer que mes enfants ne participent pas à ce phénomène. Je ne vais pas les envoyer vendre des biscuits à l'effigie d'un homme noir. Je ne vais pas les déguiser en Zwarte Piet.

N'est-ce pas une période de joie et d'inclusion ? Pour certains enfants, c'est la période la plus stressante de l'année. Ce n'est pas drôle.

“La vitalité et le dynamisme de n'importe quelle culture sont reflétés dans sa capacité à inclure”

Beaucoup défendent Zwarte Piet en commentant “Pensez aux enfant”. Tammy Sheldon nous rappelle que les enfants ne remarqueront pas un changement dans la tradition :

“Kids have a supple imagination; the fun will not be lost. I mean, K3 (the very popular children’s pop group) has changed its lineup several times over the years, with no harm done to its fans. I mention this as the constant refrain of objection is “think of the kids!” Obviously, different folks have different rationales for not changing. At the end of the day however, what is being asked is on every level reasonable, and does not take away from a kid’s party, nor from the foundational culture of a society. The vibrancy and dynamism of any culture are reflected in its capacity for inclusivity.”

Les enfants ont une imagination flexible, ca ne sera pas moins amusant. Je veux dire, la composition [du groupe pop pour pré-adolescents] K3 [fr] a changé plusieurs fois au fil des ans sans pour autant heurter ses fans. J'en parle parce que le refrain constant à l'objection [de supprimer Zwarte Piet] est “pensez aux enfants !”. Bien sûr, tout le monde a des raisons différentes pour ne pas changer. Mais en fin de compte, ce qui est demandé est raisonnable à tous les niveaux et n'ôte rien à une fête d'enfants ni aux fondations culturelles d'une société. La vitalité et le dynamisme de n'importe quelle culture sont reflétés dans sa capacité à inclure.

"You cannot put this in the face of people who have been oppressed, who've been slaves, and say 'this is what we think of you.'"

Arrêt sur image du documentaire Zwarte is Roet (Le noir est de la suie) par Sunny Bergman. Commentaire dans la marge : “Vous ne pouvez pas mettre ça sous le nez de gens qui ont été opprimés, qui ont été des esclaves, et leur dire ‘voilà ce qu'on pense de vous’.”

“C'est une énorme balafre sur le caractère de mon pays d'adoption.”

Pour cet Australien :

“After the Dutch were told repeatedly that this was a racist caricature some rethought the story. I loved the multi colored piets that came into being — but many Dutch complained at the loss of their heritage and persisted with Blackface Piet and sooty Piet. That means I can no longer think they are casual racists who don’t know better. Now I know that they put their racist childhood fantasy traditions ahead of respect and empathy. And I am ashamed of myself if I go into a shop with a Piet doll. It’s awful.”

Après qu'on leur ait maintes et maintes fois que c'était une caricature raciste, quelques Néerlandais ont repensé l'histoire. J'ai beaucoup aimé les Piet multicolores, mais certains se sont plaints de la perte de leur patrimoine et ont persisté avec le Piet grimé et le Piet couvert de suie. Cela veut dire que je ne peux plus me dire que ce sont des racistes involontaires qui ne se rendent pas compte. Maintenant je sais qu'ils accordent plus d'importance à leurs traditions d'enfance racistes qu'au respect et à l'empathie. Et j'ai honte de moi si je vais dans un magasin qui a une poupée de Piet. C'est horrible.

Elena a étudié le nationalisme et les traditions inventées. Elle considère les arguments en faveur de Zwarte Piet comme “un cas d'école de construction identitaire, si bien qu'au début je ne pouvais simplement pas justifier la position à courte vue de ceux pour qui Zwarte Piet est un caractère non négociable de leur être.”

Elle ajoute :

Then I explained my parents, who are politically engaged and highly educated people, and they said: ‘aren’t you exaggerating? It's just a tradition’. That made me think of when I had first come to the Netherlands and not given attention at first to its real meaning. Compassion for me and them and everyone else, you can say. And I got the idea we need to talk more with each other, listening to each other’s stories, in order to go beyond a pointless polarisation.”

Puis j'ai expliqué à mes parents, qui sont éduqués et engagés politiquement, et ils m'ont répondu “Est-ce que tu n'exagères pas un peu ? C'est juste une tradition.” Ca m'a fait repenser à l'époque où je suis venue m'installer aux Pays-Bas et où je n'avais pas d'abord vraiment fait attention à sa véritable signification. La compassion pour moi, eux et tous les autres, en quelque sorte. Et j'ai eu l'idée que nous devions nous parler davantage les uns aux autres, écouter l'histoire de chacun pour pouvoir dépasser une polarisation vaine.

Une Britannique de cinquante-six ans décrit la coutume comme “inoffensive, une très jolie tradition qui est transformée en une question raciale par certaines personnes avec un agenda politique.”

Mais pour cette personne originaire de San Francisco :

“As an American, I find the blackface tradition tone deaf to the horrors of Dutch colonialism (slavery). Yet everyone around me, both native Dutch and Dutch people with immigrant backgrounds, all love Black Pete.”

En tant qu'Américain, je trouve la tradition du grimage en noir sourde aux horreurs du colonialisme néerlandais (l'esclavage). Pourtant tout le monde autour de moi, à la fois les Néerlandais de naissance et ceux d'origine étrangère, tous adorent Piet le Noir.

“… à travers son apparence et ses devoirs envers St Nicolas, le traitement historique injuste et l'exploitation des gens de couleur est implicite”

Comme beaucoup d'autres, la première réaction d'Eric Asp fut le choc. Avec le temps, il a nuancé sa compréhension :

“I think I developed a deeper understanding for how most Dutch people experience the various festivities surrounding Sinterklaas and all the warm memories they attach to their traditions (including Zwarte Piet) — but the American side of me always recognized an element of racism with Zwarte Piet, and I learned to more gently push back against that particular tradition.”

Je pense que j'ai développé une meilleure compréhension de la façon dont la plupart des Néerlandais vivent les différentes festivités autour de Sinterklaas et de tous les bons souvenirs qu'ils attachent à leurs traditions (dont Zwarte Piet). Mais l'Américain en moi reconnaît toujours un élément de racisme avec Zwarte Piet, et j'ai appris à lutter plus modérément contre cette tradition particulière.

Ben Falkenmire est d'accord :

“I understand Dutch affection for Zwarte Piet is born out of a warm, and well-meaning Christmas tradition. But I cannot excuse it. The very sight of Zwarte Piet I still find offensive because implicit in his appearance and his duties to Saint Nik is the historical unjust treatment and exploitation of people of colour.”

Je comprends que l'affection des Néerlandais pour Zwarte Piet vient d'une tradition de Noël chaleureuse et bienveillante. Mais je ne peux pas l'excuser. Je trouve la vue même de Zwarte Piet offensante, car à travers son apparence et ses devoirs envers St Nicolas, le traitement historique injuste et l'exploitation des gens de couleur est implicite.

Le dernier mot revient au militant Jerry King Luther Afriyie, dans une interview donnée au quotidien néerlandais Het Parool :

“De intocht. Wat is daarmee? Als je nu nog aankomt met Zwarte Piet, ben je zelf de demonstrant. Dan wil je ons kennelijk duidelijk maken dat zwarte mensen hier niet thuishoren.”

L'arrivée [de St Nicolas aux Pays-Bas] ? Et alors ? Si vous arrivez encore en Zwarte Piet, c'est vous le manifestant. Vous nous faites simplement savoir que les Noirs ne sont pas chez eux ici.

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