Au Mozambique, le plus long pont d'Afrique est un investissement chinois qui coûtera cher aux usagers

Le pont Maputo-Catembe. Photographie d'Alexandre Nhampossa, reproduite avec autorisation.

Le Mozambique a inauguré le 10 novembre le pont Maputo-Catembe, un pont de quatre kilomètres permettant de joindre le centre de la capitale Maputo au quartier sud de la baie, Catembe.

Il devient ainsi le plus long pont suspendu d'Afrique, l'un des soixante plus longs au monde et un symbole de l'investissement chinois au Mozambique.

Construit par la China Road and Bridge Corporation pour 785 millions de dollars américains (environ 690 millions d'euros), ce projet d'infrastructure est le plus coûteux jamais réalisé au Mozambique depuis son indépendance en 1975. La banque chinoise EXIM a financé 95 % des emprunts à un taux de 4 % que le Mozambique devra rembourser sur une durée de 20 ans, les 5 % restants sortant directement des caisses de l'État.

Plus de neuf cent familles ont dû être relogées suite aux travaux. Selon les autorités, leur relocalisation a contribué à repousser l'inauguration du pont initialement prévue au 25 juin, anniversaire de l'indépendance.

Le gouvernement espère que le pont servira aux centaines de résidents du quartier de Catembe, qui se rendent dans le centre de Maputo en navettes et ferrys pour leurs études et leur travail.

Catembe fait officiellement partie de l'agglomération de Maputo, mais les deux zones sont très différentes : la moitié nord de Maputo est un centre urbain de deux millions d'habitants, tandis que Catembe manque d'infrastructures et possède encore de nombreux terrains inutilisés.

Les autorités espèrent également stimuler les échanges économiques et le tourisme avec l'Afrique du Sud : le trajet depuis la côte est de ce dernier jusqu'à Maputo se fera dorénavant en une heure et demi en voiture, contre six heures auparavant.

Le pont, qui par ailleurs n'a pas de voie piétonne, facture sa traversée entre 160 et 1 200 meticals (entre 2,30 et 17,20 euros), avec une réduction allant jusqu'à 75 % pour les utilisateurs réguliers. Actuellement, la traversée en bateau coûte entre 10 et 1 050 meticals (entre 0,15 et 15 euros).

Cérémonie d'inauguration du pont. Photographie d'Alexandre Nhampossa, reproduite avec autorisation.

Toutefois, des Mozambicains ont critiqué le pont pour le coût élevé des emprunts qui en ont financé la construction, ainsi que le prix élevé du péage.

Sérgio Wiliamo, étudiant à l'université, s'exprime sur Facebook :

Há aqui uma grande falha do governo na determinação das tarifas a serem aplicadas. Neste tipo de empreendimentos as tarifas aplicadas não visam recuperação do investimento, mas a sua manutenção para conferir-se-lhes longevidade. Ao que me parece, e tendo em conta os valores altos que vi, há ganhos que se pretendem obter acima da simples operacionalização e manutenção da infraestrutura.

C'est un échec du gouvernement que de décider de telles charges. Dans des projets comme celui-ci, les frais n'ont pas pour but de rembourser l'investissement initial, mais d'entretenir l'infrastructure. Il me semble, et prenant en compte les valeurs élevées que j'ai vues, que des profits sont attendus au-delà de la simple opération et maintenance de l'infrastucture.

Également sur les péages, le philosophe et professeur à l'université Eduardo Mondlane, Ergimino Muscale, écrit sur Facebook :

A essência de uma ponte é ligar, unir, (r)estabelecer contacto. Moçambique apresenta-se, desde já, como o primeiro país, na história, a falsear o sentido tradicional do conceito ponte. É que a bela e das maiores pontes suspensas de África, Maputo-KaTembe, nasceu para estabelecer ou desvelar, dolorosamente, fosso entre os endinheirados e os miseráveis de uma mesma nação. Já não são as poucas milhas que separam os munícipes de Maputo entre os de cá e os de lá, são os muitos meticais de tarifa das futuras portagens.

L'essence même d'un pont est de connecter, d'unifier, de (r)établir le contact. Le Mozambique est maintenant le premier pays de l'Histoire à fausser la définition traditionnelle du concept d'un pont. Un des plus grands ponts suspendus d'Afrique, le beau Maputo-Catembe, est né pour douloureusement installer, ou dévoiler, l'écart entre riches et pauvres d'une même nation. Ce ne sont plus quelques kilomètres qui séparent les résidents de Maputo d'ici et de là-bas, mais les meticals des péages annoncés.

Cérémonie d'inauguration du pont. Photographie d'Alexandre Nhampossa, reproduite avec autorisation.

Elvino Dias, collaborateur de l'organisation non-gouvernementale de développement World Vision, espère que le pont aidera les habitants de Catembe, mais exprime ses réserves quant aux charges :

Quando todos aplaudíamos que a ponte Maputo KaTembe marcava o fim do sofrimento dos munícipes daquela parcela de Maputo, bem assim seria de todos, nunca imaginei que seria o início de mais uma escravatura, e desta vez, sem um fim à vista.

Não me importa saber de onde veio o dinheiro para a construção da ponte ou estrada, porque sei que pago impostos que supostamente deviam construir tais infraestruturas. Por isso mesmo, por vezes me questiono para onde vai o dinheiro dos nossos impostos. Caros Irmãos, se eles persistirem em tais preços, temos que dizer não à elitização de um bem público.

Lorsque nous applaudissions le fait que le Maputo-Catembe marquait la fin d'une ère de souffrance pour les habitants de cette partie de Maputo, je n'imaginais pas que ça serait le début d'une nouvelle forme d'esclavagisme, et cette fois-ci sans fin en vue.

Je me moque d'où vient l'argent pour la construction du pont ou de la route, car je sais que j'ai payé des impôts pour soi-disant construire de tels ouvrages. C'est pourquoi je me demande parfois où l'argent du contribuable va. Mes chers frères, s'ils persistent avec de tels prix, nous devons dire non à l'élitisation [sic] d'un bien public.

Les autorités mozambicaines prévoient que le pont accueillera une moyenne quotidienne de quatre mille véhicules, soit une augmentation significative sur les deux cent véhicules qui traversent la baie en bateau aujourd'hui.

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