En Hongrie, les manifestations se poursuivent devant la Télévision publique après l'expulsion des députés d'opposition

Manifestation à Budapest, le 18 décembre 2018. Photo Atlatszo.hu/Márk Tremmel, CC BY-NC-SA 2.5.

Ce texte est basé sur l'article “Manifestation et confrontation continuent devant le média de service public HQ – Les députés d'opposition expulsés du bâtiment” écrit par Anita Kőműves et Babett Oroszi, photos de Márk Tremmel, Áron Halász et Szebáld Szakál pour Atlatszo.hu, la première association de journalisme d’investigation de Hongrie. Il est repris ici en format adapté dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices.

Les manifestations contre le gouvernement de droite de Viktor Orbán se sont poursuivies dimanche et lundi [16 et 17 décembre 2018] devant le siège du média de service public. Les manifestations ont démarré mercredi dernier en réaction à la “loi esclavagiste” qui augmenterait à 400 heures le plafond annuel d'heures supplémentaires que les employeurs peuvent exiger de leurs salariés, et à une autre loi facilitant la mise en place dans des tribunaux administratifs de juges favorables au gouvernement Orbán.

5.000 à 10.000 personnes ont manifesté dimanche contre le gouvernement Orbán, ce qui s'est terminé par un cortège de quelques milliers de participants marchant sur le siège de MTVA (la télévision hongroise de service public). Plusieurs députés d'opposition ont pénétré dans le bâtiment pour tenter d'obtenir un temps d'antenne en vue de lire leurs revendications. Leur demande s'est heurtée à une fin de non-recevoir, et ils sont restés jusqu'au petit matin quand les députés Ákos Hadházy et Bernadett Szél ont été expulsés de force du bâtiment par des gardes de sécurité armés.

Plus tôt dans la journée, les protestataires s'étaient assemblés sur la Place des Héros et avaient défilé vers le bâtiment du Parlement. Le cortège avait à sa tête les syndicats suivis de près par les partis d'opposition portant leurs drapeaux :

A la manifestation de l'opposition devant la Télévision publique hongroise, le drapeau du Jobbik flotte à côté du drapeau rom et de ceux des autres partis. Plusieurs personnes dans la foule tenaient aussi des drapeaux de l'U.E. à côté de ceux de la Hongrie.

Les manifestations se portent vers le service public de l'Audiovisuel

Les manifestants ont ensuite décidé de porter leurs pas vers le siège de MTVA dans le nord-ouest de Budapest. Les manifestants ont atteint le bâtiment peu avant 21 h, et y ont trouvé six rangs de policiers anti-émeutes entourant l'entrée et empêchant les manifestants d'y pénétrer.

Départ de la manifestation du 16 décembre à Budapest. Photo extraite de l'album du premier soir de manifestations, par Atlatszo.hu/Áronl Halász, CC BY-NC-SA 2.5. Cliquer sur l'image pour accéder à l'album.

Les député.e.s d'opposition Ákos Hadházy, Bernadett Szél, Ágnes Kunhalmi et Ágnes Vadai sont entrés dans le bâtiment. Contrairement aux citoyens ordinaires, les parlementaires sont habilités à inspecter n'importe quel bâtiment public.

Ils étaient porteurs d'une liste de cinq revendications qu'ils avaient l'intention de lire sur les ondes :

  1. Retrait de la ’loi esclavagiste’
  2. Fin des heures supplémentaires des policiers au-delà du nombre autorisé par les règlements de l'U.E.
  3. Indépendance de la justice
  4. Adhésion de la Hongrie au Parquet européen
  5. Média de service public indépendant et non partisan.

Les députés ont fini par échouer dans leur tentative. Pendant ce temps, à l'extérieur du bâtiment de MTVA, les manifestants tentaient de forcer le passage à travers le cordon de policiers, qui ont commencé à disperser la foule avec des lacrymogènes.

Les députés à l'intérieur du bâtiment transmettaient en direct les événements au fur et à mesure de leur déroulement. Le direct de Bernadett Szél a été diffusé tôt le matin, pendant que Ákos Hadházy se faisait tacler par des gardes de sécurité alors qu'il essayait d'entrer dans un studio pour lire leurs demandes. Par la suite, Hadházy et Szél ont été tous deux expulsés par la force du bâtiment tandis que des milliers de gens suivaient les événements en direct sur Facebook.

La confrontation se poursuit entre les députés d'un côté, la direction et les gardes de sécurité de MTVA de l'autre. Les députés veulent que les policiers les aident à exercer leur droit d'inspecter les bâtiments publics. Et en même temps, MTVA veut que la police l'aide à appliquer un arrêté du responsable local ordonnant aux députés de quitter les lieux.

Le député Hadházy : une expérience ‘humiliante et dérangeante’

Le député Akos Hadházy devant le siège de MTVA à Budapest le 16 décembre 2018. Photo: Átlátszó.hu/Mark Tremmel, CC BY-NC-SA 2.5.

“Je me sens mieux maintenant, bien que très fatigué et choqué par les événements”, a déclaré le député Ákos Hadházy à Átlátszó quelques heures après son expulsion du bâtiment :

“It is very hard to describe my feelings, such an event is very humiliating and disturbing.

I did not expect this, I was expecting some degree of restraint from those in power but that did not happen,” he said.

“J'ai beaucoup de mal à décrire ce que je ressens, un tel événement est très dérangeant et humiliant.
Je ne m'y attendais pas, je m'attendais à une certaine réserve de ceux qui sont au pouvoir, mais ce n'est pas comme ça que ça s'est passé”, a-t-il dit.

Hadházy dit que les événements prouvent deux choses pour lui. Tout d'abord, que manifester devant la télévision publique est un bon choix, car elle est “un des plus importants bastions” du pouvoir. Hadházy pense d'autre part que ce qui lui est arrivé prouve que le gouvernement a peur.

Hadházy s'est dit très reconnaissant aux manifestants qui ont effectué la longue marche vers le siège de MTVA dimanche soir. Il a ajouté qu'il était déterminé à assister à la manifestation de lundi soir, prévue pour commencer à 18h.

Quatre députés agressés par les gardes de sécurité de MTVA

Les manifestations se sont poursuivies lundi et se sont à nouveau terminées devant le bâtiment de MTVA. Les députés de l'opposition ont tenté d'y pénétrer, mais se sont heurtés à la riposte violente du dispositif de sécurité.

Après dix heures de face-à-face pendant lesquelles la rédaction a refusé de donner un temps d'antenne aux législateurs, les gardes de sécurité ont éjecté par la force quatre députés hors de MTVA. L'assaut des gardes de sécurité et l'échauffourée qui a suivi a blessé plusieurs députés. L'un d'eux était Laszlo Varju, qui a été transporté en ambulance à l'hôpital.

Au moins quatre députés molestés aujourd'hui en Hongrie, dont l'un a été hospitalisé. C'est ce qui est à retenir d'aujourd'hui. Le régime Orban a franchi un seuil qu'il n'avait encore jamais osé passer. Comment réagiront ses principaux complices internationaux, Manfred Weber, l'ambassade des USA à Budapest ?

Le gouvernement hongrois dirigé par Victor Orban fait jusqu'à présent peu de cas des manifestations et ne montre aucun signe de vouloir renoncer à son programme de droite radicale, qui remodèle la société hongroise et retentit sur l'Union européenne et les pays voisins.

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