
Arrêt sur image d'une vidéo YouTube à propos d'un bombardement allégué dans le district de Nduga en Papouasie occidentale.
Avertissement : Les images incorporées dans cet article risquent de perturber des lecteurs.
L'hebdomadaire indépendant australien The Saturday Paper a rapporté le 22 décembre 2018 que les frappes aériennes indonésiennes sur des cibles en Papouasie occidentale étaient “suspectées de comporter une arme chimique interdite, le phosphore blanc”.
L'Indonésie a intensifié ses opérations militaires en Papouasie occidentale après le massacre de 31 ouvriers routiers en décembre dans la région de Nduga. L'Armée de libération nationale de Papouasie occidentale (acronyme en anglais TPNPB) a reconnu sa responsabilité tout en affirmant que les ouvriers étaient en réalité des soldats. La TPNPB fait partie de l'organisation de résistance plus vaste Organisation pour une Papouasie libre ou Organisasi Papua Merdeka (OPM).
L'article de The Saturday Paper contient des photos montrant “les chairs paraissant avoir été déchirées ou creusées, les vêtements des victimes fondus ou découpés”.
Une source militaire anonyme qui a parlé à la publication a confirmé l'usage d'armes chimiques :
A military source confirms the weapons “appear to be incendiary or white phosphorus”. The source says “even the smallest specks burn through clothing, skin, down to the bone and keep on bubbling away. I have seen it up close and personal and it’s a horrible weapon.”
Une source militaire confirme que les armes ” paraissent être incendiaires ou du phosphore blanc”. La source indique “que même le moindre grain brûle à travers les habits, la peau, jusqu'à l'os et continue à bouillonner. Je l'ai vu de près et de mes yeux et c'est une arme affreuse.”
Un Australien aborigène a réagi à l'article sur les médias sociaux et a joint à son tweet une photo publiée par l'article du Saturday Paper :
#Indonesia uses banned chemical weapons on #WestPapua civilians. #Australia’s continued silence in the face of the ongoing rolling #Genocide in West Papua speaks of a government and nation without morality, compassion or a shred of human decency https://t.co/8uWkdUPLMw
— blakandblack (@BlakandBlack) December 22, 2018
L'Indonésie utilise des armes chimiques interdites sur les civils de Papouasie occidentale. Le silence constant de l'Australie face au génocide se déroulant en ce moment en Papouasie occidentale dit tout d'un gouvernement et d'un pays sans moralité ni compassion ni la moindre décence humaine.
La Papouasie occidentale est une province de l'Indonésie. C'est aussi le nom utilisé par les séparatistes pour la totalité du territoire de la Papouasie colonisée par les Pays-Bas jusqu'en 1962. La partie qui est devenue l'Irian Jaya a été cédée à l'Indonésie à la suite d'un référendum sur l'indépendance en 1969. Elle a été annexée après ce qu'on a appelé ‘l'Acte de Libre-choix’, rejeté par les mouvements indépendantistes locaux. A l'opposé de la TPNPB, la Campagne pour une Papouasie occidentale libre défend une auto-détermination pacifique.
Au début de 2018, la TPNPB a publié sur son site web une déclaration de guerre à l'Indonésie. En 2015, l'OPM avait déclaré une guerre ouverte contre l'Indonésie, y compris non seulement le gouvernement et l'armée, mais aussi tous les civils et intérêts privés non papous.
Après la mort des ouvriers de chantier, la Chambre des représentants indonésienne (DPR) a rallié le gouvernement pour demander à l'ONU de déclarer l'OPM organisation terroriste.

Arrêt sur image de la vidéo YouTube sur l'attaque dans le district de Nduga en Papouasie occidentale. Publiée le 26 juillet 2018.
Dénégations du gouvernement indonésien
Le ministère indonésien des Affaires étrangères a promptement nié la possession ou l'utilisation d'armes chimiques, tweetant que :
1. Indonesia gravely deplores irresponsible media reporting practice as demonstrated by a printed and online media based in Australia, known as the Saturday Paper, on 22 December 2018, accusing Indonesia of using chemical weapons in its operations in #Nduga, #Papua .
— MoFA Indonesia (@Kemlu_RI) 22 décembre 2018
1. L'Indonésie déplore gravement les pratiques de journalisme irresponsable telles que démontrées par un média papier et sur internet basé en Australie, dénommé The Saturday Paper, le 22 décembre 2018, accusant l'Australie d'utiliser des armes chimiques dans ses opérations à Nduga, Papouasie occidentale.
3. As a compliant member of the OPCW, Indonesia has no possession of any chemical agents as listed in Schedule 1 of Chemical Weapons Convention.
— MoFA Indonesia (@Kemlu_RI) 22 décembre 2018
2. L'allégation mise en lumière par ledit média est totalement sans fondement, non-factuelle, et gravement trompeuse. L'Indonésie ne possède pas d'armes chimiques.
3. En tant que membre conforme de l'OIAC, l'Indonésie ne possède aucun des agents chimiques énumérés dans le programme 1 de la Convention sur les armes chimiques.
5. The involvement of military component in the operation, most particularly air rotary wing assets, was strictly as assistance to law enforcement apparatus, and not a military deployment per se in an otherwise internal security operations.
— MoFA Indonesia (@Kemlu_RI) 22 décembre 2018
4. Conformément à cela, l'Indonésie importe, utilise et stocke aussi des agents chimiques des programmes 2 et 3 pour des usages strictement pacifiques à l'appui de son industrie nationale, ce que confirment pas moins de 19 inspections de l'OIAC depuis 2004.
5. L'implication de composante militaire dans l'opération, en l'espèce d'hélicoptères, était strictement en assistance à l'appareil de maintien de l'ordre, et non un déploiement militaire en soi dans des opérations par ailleurs de sécurité intérieure.
Certains utilisateurs de Twitter étaient d'un autre avis :
https://twitter.com/tomezine/status/1077370195516088320?s=21
C'est bien, ministère des Affaires étrangères, mais comprenez que votre bilan en Papouasie occidentale a détruit votre crédibilité. Les crimes et atrocités de vos forces sont déjà très bien documentés.
L'Indonésien B Arifrn a averti que la situation restait dangereuse :
https://twitter.com/barifin81/status/1078522867321516032?s=21
Selon l'équipe d'évacuation dans le district de Nduga : Les gens cherchent toujours refuge.
La journaliste de la BBC Rebecca Henschke rapportait :
A 14-year-old boy from Nduga area told BBC Indonesia his father had been killed.
“I saw two helicopters come down, everyone fled including my dad. Then police and military got out. And then the military shot my father.” https://t.co/72NzCdcffF— Rebecca Henschke (@rebeccahenschke) 22 décembre 2018
Un garçon de 14 ans de la région de Nduga a dit à BBC Indonésie que son père a été tué.
“J'ai vu deux hélicoptères se poser, tout le monde a fui y compris mon père. Puis des policiers et des militaires en sont sortis. Et les militaires ont tiré sur mon père.”
The Speaker of the Papua parliament, Yunus Wonda, told BBC Indonesia:
“Villagers are traumatised and very scared. They have fled into the jungle. Christmas should be a time of peace but not a time of fear.”— Rebecca Henschke (@rebeccahenschke) 22 décembre 2018
[tweet précédent: Le gouverneur de la Papouasie Lukas Enembe a dit que l'armée devait s'en allait à présent.
“Nous rendons hommage aux victimes passées et présentes, mais ça suffit”, a dit le gouverneur Lukas Enembe.
“Il ne doit plus y avoir d'autres victimes civiles, les civils n'ont pas été évacués.”]
Le président du Parlement de Papouasie Yunus Wonda, a déclaré à la BBC Indonésie :
“Les villageois sont traumatisés et très effrayés. Ils ont fui dans la jungle. Noël devrait être un temps de paix et non de peur.”
Local human rights activist Raga Kogeya said the community needed to be able to bury its dead in peace.
“We are not enemies of the state. We are citizens of Indonesia. The government has to take full responsibility for those that have been killed,” she said.— Rebecca Henschke (@rebeccahenschke) 22 décembre 2018
La militante locale des droits humains Raga Kogeya a dit que la collectivité devait pouvoir enterrer ses morts en paix.
“Nous ne sommes pas les ennemis de l’État. Nous sommes citoyens d'Indonésie. Il faut que le gouvernement assume la pleine responsabilité pour ceux qui ont été tués”, dit-elle.
Un militant basé à Java Central qui a requis l'anonymat a confirmé que de nombreux habitants de Nduga ont cherché refuge dans les montagnes. Cette personne a déclaré à Global Voices que l'attaque par la TPNPB a été suivie d'une répression des activistes dans de nombreuses villes indonésiennes où se trouvent beaucoup d'étudiants papous. La personne a été obligée d'entrer dans la clandestinité par crainte d'autres répercussions par les autorités.
Une autre source à Jakarta a d'autre part dit à Global Voices que les informations étaient plus rares que jamais, comme si le gouvernement indonésien s'efforçait de cacher quelque chose.
Les voisins réagissent
Si le retentissement a été considérable dans les médias sociaux des pays voisins, une grande partie des médias traditionnels australiens a soit tardé à s'emparer du sujet soit s'est abstenue de le traiter :
I might have missed it, but I can't find any of the Australian Government, Opposition, any News Corp, Fairfax, Channel 9, 7 or 10 reporting on it. They would all know about it, but keep quiet. Without such media reporting it, I'd suggest 95%+ of Australians are unaware of it.
— Psyberus (@Psyberus) December 23, 2018
Quelque chose a pu m'échapper, mais je ne trouve rien là-dessus du gouvernement australien, de l'opposition, rien de News Corp, Fairfax, Channel 9, 7 ou 10. Ils savaient sans doute tous, mais se taisent. Si aucun de ces médias n'en parlent, je dirais que 95% au moins des Australiens n'en savent rien.
L'Australie a été interpelée par certains pour son inaction perçue :
The Indonesian military is suspected to have used chemical weapon white phosphorous during an attack on a village in West Papua. Has the Australian government said anything yet? https://t.co/KlhXiuiDnR
— Jennine~Jesus was Middle Eastern Merry Xmas~Khalik (@jennineak) December 22, 2018
L'armée indonésienne est suspectée d'avoir utilisé l'arme chimique phosphore blanc lors d'une attaque contre un village en Papouasie occidentale. Le gouvernement australien a-t-il déjà fait une déclaration quelconque ?
Foreign Minister @MarisePayne should be pushing for independent observers & media access to #WestPapua. We also need safeguards to ensure our military & policing assistance isn’t supporting this brutality in anyway https://t.co/VlJCPMatBr
— Tom Clarke (@TomHRLC) December 22, 2018
La ministre des Affaires étrangères Marise Payne doit faire pression pour des observateurs indépendants et l'accès des médias en Papouasie occidentale. Il faut aussi des garanties pour assurer que notre assistance militaire et policière n'appuient en aucune façon cette brutalité
Maire Leadbeater a examiné les affirmations sur des armes chimiques et leurs répercussions, sur The Daily Blog de Nouvelle-Zélande :
Experts who have seen the images believe it is possible that these wounds resulted from the use of some kind of chemical agent, possibly white phosphorous. Independent verification is impossible in the absence of independent observers or journalists.
Les spécialistes qui ont vu les images croient possible que les blessures résultent de l'usage de quelque type d'agent chimique, possiblement du phosphore blanc. Une vérification indépendante est impossible en l'absence d'observateurs ou journalistes indépendants.
Leadbeater arguait que les liens économiques et militaires ont empêché de nombreux pays occidentaux, dont la Nouvelle-Zélande, d'endosser la cause de la Papouasie occidentale, mais terminait sur une note d'espoir :
Vanuatu is leading the way in promoting a peaceful diplomatic solution for West Papua and plans to take a resolution to the UN General Assembly next year calling for the West Papua to be restored to the UN list of nations still to be decolonised. New Zealand could be a game changer by ending military ties and instead opting to support Vanuatu’s principled diplomacy. There isn’t much time to waste.
Le Vanuatu montre le chemin en promouvant une solution diplomatique pacifique pour la Papouasie occidentale, et prévoit de soumettre une résolution à la prochaine Assemblée Générale de l'ONU, appelant à rétablir la Papouasie occidentale sur la liste de l'ONU des pays restant à décoloniser. La Nouvelle-Zélande pourrait changer la donne en mettant fin aux liens militaires et opter plutôt pour un soutien à la diplomatie des principes du Vanuatu. Il n'y a plus beaucoup de temps à perdre.
La résistance continue
Le 20 décembre, la campagne Papouasie occidentale libre (acronyme anglais FWP) a tweeté sur les arrestations de masse aux rassemblements du 57ème anniversaire de l'annexion par l'Indonésie, et son fondateur Benny Wenda a appelé à des négociations :
My new statement: For a peaceful conflict resolution in #WestPapua, #IndonesianPresident #Jokowi must immediately withdraw the #IndonesianMilitary and begin discussions around implementing a #referendum in accordance with our right to #selfdetermination. https://t.co/6lNWrlOoEP
— Benny Wenda (@BennyWenda) December 21, 2018
Ma nouvelle déclaration : Pour une résolution pacifique du conflit en Papouasie occidentale, le Président indonésien Jokowi doit immédiatement retirer l'armée indonésienne et commencer des discussions sur la mise en œuvre d'un référendum en accord avec notre droit à l'autodétermination.
L'article de The Saturday Paper a été mis sur Reddit, où il a obtenu plus de 800 commentaires en quatre jours. Celui-ci, de beanzamillion21 exprimait une préoccupation largement partagée en ligne sur l'absence d'informations sur la Papouasie occidentale : “Je n'en savais rien. Ça n'est guère traité en Amérique.”
Entre temps, le gouverneur de la Papouasie Occidentale, Lukas Enembe, a appelé à une cessation des hostilités et à demandé au président indonésien Joko Widodo de retirer les troupes de Nduga.