Au Kerala, le très touristique État méridional de l'Inde, une récente décision de la Cour Suprême indienne autorisant les femmes à entrer et prier [2] dans un temple emblématique crée la controverse. Le temple de Sabarimala [3], où est vénérée une déité hindoue du célibat, [4] le Seigneur Ayappa, est situé au sommet d'une colline du Kerala, et les femmes en âge de menstruations ont interdiction depuis des décennies [5] de pénétrer le sanctuaire pour cause d’ ‘impureté [6]‘, une croyance répandue dans le sous-continent indien.
Le verdict de la Cour Suprême, considéré comme historique [7] par les féministes, qui autorise les femmes en âge de menstruations (de 10 jusqu'à 50 ans) de pénétrer dans les locaux du temple de Sabarimala, a soulevé une tempête politique qui a fait s'affronter autour de la décision les partisans du Bharatiya Janata Party [8] (BJP), le parti de droite au pouvoir en Inde, au gouvernement de l’État du Kerala.
Dans un jugement révolutionnaire [9], la Cour Suprême de l'Inde a annulé l'interdiction légale et allumé des polémiques en série. Divers groupes appuyés par des mouvances politiques et des fanatiques religieux ont manifesté contre l'entrée des femmes dans les lieux de culte. Des centaines de Brahmanes, hommes et femmes, [10] ont aussi rejoint les manifestations.
Kanaka Durga and Bindu Ammini, two women who made history by becoming the first in centuries to enter a hill temple in southern India, are in hiding after threats by hardline Hindu groups. Read more: https://t.co/oyCZ9ou1Yv [11] ? Sivaram V pic.twitter.com/uiO0Xkie3m [12]
— Reuters Pictures (@reuterspictures) January 11, 2019 [13]
Kanaka Durga et Bindu Ammini, deux femmes entrées dans l'histoire en étant les premières depuis des siècles à pénétrer dans un temple de colline en Inde du Sud, se cachent après les menaces des groupes d'Hindous radicaux.
Kanaka Durga et Bindu Ammini ont pénétré dans le temple [14] début janvier. Les deux femmes se sont rencontrées sur Facebook [15]peu après que la décision de la cour a été rendue publique. Toutes deux avaient essayé précédemment d'entrer dans le temple, mais en avaient été empêchées [16] à plusieurs reprises.
Quand les vidéos montrant Durga et Ammini entrer dans le temple [17] sont devenues virales, d'autres femmes ont suivi l'exemple [18]. Et des manifestations et heurts [19] ont été signalés lorsque des mouvements religieux de droite, des familles et des partis politiques ont dénoncé leur initiative.
One of the women, Kanaka Durga, who entered #Sabarimala [20], is hospitalised after she was allegedly attacked by her mother-in-law on her head. Incident happened early today morning, as she returned home, say sources close to her. Stable, referred for tests. @ndtv [21]
— Sneha Koshy (@SnehaMKoshy) January 15, 2019 [22]
Une des femmes, Kanaka Durga, qui est entrée à Sabarimala, est à l'hôpital après avoir été apparemment frappée à la tête par sa belle-mère. L'incident s'est produit ce matin de bonne heure, comme elle rentrait à la maison, disent des sources proches d'elle. Etat stable, doit subir des examens.
Le Premier Ministre indien Narendra Modi [23], s'en est pris au gouvernement de l’État du Kerala en termes idéologiques, s'attirant les critiques des militantes.
PM in Kerala: The conduct of Kerala LDF govt on Sabarimala issue will go down in history as one of the most shameful behaviour by any party & govt. We knew that communists do not respect Indian history, culture and spirituality but nobody imagined that they will have such hatred. pic.twitter.com/rlQtRbVyMI [24]
— ANI (@ANI) 15 janvier 2019 [25]
Le Premier ministre au Kerala :”La conduite du gouvernement LDF [Front démocratique de gauche] sur l'affaire de Sabarimala passera dans l'histoire comme l'un des comportements les plus éhontés d'un parti ou d'un gouvernement. Nous savions que les communistes ne respectaient pas l'histoire, la culture et la spiritualité indiennes, mais nul n'aurait imaginé qu'ils auraient autant de haine.”
Au même moment, les partisans de l'extrême-droite, dont des célébrités du cinéma, se sont mis à commenter l'affaire :
#Sabrimala [26] is going to take many down. Specially, #FakeFeminists [27]. #StupidMedia [28] and #UrbanNaxals [29]. Do not underestimate Lord Ayappa or his devotees. https://t.co/zjPGjjrsS0 [30]
— Vivek Agnihotri (@vivekagnihotri) January 4, 2019 [31]
#Sabrimala sera la chute pour beaucoup. Surtout les fakeféministes, les stupides médias et les Naxalistes urbains. Ne sous-estimez pas le Seigneur Ayappa ni ses adeptes.
L'historien Hindol Sengupta a écrit :
As a writer of history, I have been wondering whether it is possible at all to make an objective, non-partisan assessment of what has (and is) taking place at #Sabarimala [20], one of Hinduism's most sacred shrines? Let us try. To begin with, let us accept that in a world where, after
— HindolSengupta (@HindolSengupta) January 3, 2019 [32]
En tant qu'historien, je me demandais s'il était possible de faire un compte-rendu objectif, non partisan de ce qui s'est passé (et se passe) à Sabarimala, un des sanctuaires les plus sacrés de l'Inde? Essayons. Pour commencer, acceptons que dans un monde où… [NdT : le fil explicatif compte près de trente tweets de l'auteur]
Combat pour le droit
Au milieu des manifestations politiques soutenues par le parti politique au pouvoir contre les droits des femmes dans le débat sur la ‘sacralité du temple’, de nombreuses organisations défendant les droits des femmes ainsi que des militantes ont essayé de pénétrer dans le temple. Les manifestations des mouvements d'opposition ont eu pour effet des violences, des incendies volontaires, et la police est intervenue pour renvoyer [33] les pratiquantes femmes ou les protéger quand elles entraient dans les lieux.
Women entering Sabarimala are the “most sinful”? What are we prime minister?
— Charmy Harikrishnan (@charmyh) 15 janvier 2019 [34]
Les femmes pénétrant dans Sabarilala sont les “plus immorales” ? Et le premier ministre, qu'est-ce qu'il est ?
Le politicien indien Shashi Tharoor [35] a écrit :
It is all very well to say that religions must adhere to the normal rules of liberal democracy, but the truth is they don’t. Gender equality is a vital principle in civic society and in political democracy, but it is by no means universally observed in the religious world. Muslim mosques don’t allow men and women to pray together in the same space. The Catholic Church does not permit female priests. Some Shinto monasteries are off-limits to women altogether. Eight Hindu [36] temples in India do not allow men to enter during specified periods, and the Kumari Amman temple situated in Kanyakumari does not permit them at all. The law does not interfere in such matters. But in Sabarimala, it has chosen to.
C'est bien beau de dire que les religions doivent adhérer aux règles ordinaires de la démocratie libérale, mais la vérité est qu'elles ne le font pas. L'égalité de genre est un principe vital dans la société civile et la démocratie politique, mais n'est en rien respectée unanimement dans le monde religieux. Les mosquées musulmanes ne permettent pas aux hommes et aux femmes de prier ensemble dans le même espace. L’Église catholique n’autorise pas les femmes prêtres. Certains monastères shintoïstes sont carrément inaccessibles aux femmes. Huit temples hindous en Inde ne permettent pas aux hommes d'entrer pendant des périodes spécifiées, et le temple Kumari Amman situé à Kanyakumari ne le leur permet pas du tout. La loi n'intervient pas dans ces affaires? Mais à Sabarimala, elle a décidé de le faire.
La querelle de Sabarimala s'est traduite par une bataille conflictuelle d'opinions, et le BJP au pouvoir au niveau fédéral, affilié à l'organisation de volontaires hindous Rashtriya Swayamsevak Sangh [37] (RSS) a pris fermement position contre le gouvernement d'État [du Kerala] et ses politiques de gauche, que le gouvernement central de droite veut démanteler pour gagner une bataille de territoire avant les élections générales.
Le Bureau du Premier Ministre de l'Inde a tweeté :
Every Temple has their own beliefs.
There are temples where men are not allowed.
We should read minutely what the Respected Lady Judge said on the Sabarimala case: PM @narendramodi [38]
— PMO India (@PMOIndia) January 1, 2019 [39]
Chaque Temple a ses propres croyances.
Il y a des temples où les hommes ne sont pas admis.
Il faut lire dans les moindres détails ce que la Respectée Madame la Juge a dit dans l'affaire Sabarimala : déclaration du Premier Ministre @narendramodi
L'analogie avec le Cachemire n'est pas oubliée :
Terror Apologia has reached a sickening height at The Telegraph. What Indian military does in Kashmir is counter-offensive against the terrorists but don't let your anti-national agenda stop you from equating them with #Sabrimala [26] devotees pic.twitter.com/oez30ZWxxW [40]
— Monica (@TrulyMonica) January 4, 2019 [41]
L'apologie de la terreur atteint un niveau écœurant dans The Telegraph. Ce que mène l'armée indienne au Cachemire est une contre-offensive contre les terroristes, mais que vos arrières-pensées antinationales ne vous empêche pas de les assimiler aux fidèles de Sabrimala
Police arrest 3 women enroute to Vavar Mosque in Kerala. Same state police that smuggled women anarchists inside #Sabrimala [26] on orders of CM @vijayanpinarayi [42] are now alleging that communal tension was being created. Different communities, different rules?
https://t.co/DHLb4r9wW7 [43]— Priti Gandhi (@MrsGandhi) January 8, 2019 [44]
La police arrête 3 femmes en route pour la mosquée de Vavaraswamy au Kerala. La même police d’État qui a introduit en douce des femmes anarchistes dans Sabrimala sur les ordres du Ministre en chef [du Kerala] prétend à présent qu'une tension communautaire était créée. Autres communautés, autres règles ?
La question féministe combinée à la contestation politique s'est retrouvée en plein milieu de la lutte en Inde pour l'équité entre les genres, avec l'utilisation de l'argument de la femme “impie” dans les mosquées, temples et autres liturgies religieuses dans le sous-continent sud-asiatique. Mais les femmes ont osé se battre devant les tribunaux et en sont sorties triomphantes.
Scandalisées, de nombreuses militantes féministes ont publié des articles [45] et décodé ce thème labyrinthique : [46]
#Sabarimala [20] stains India's image on women's rights. No point celebrating Indira Gandhi or the cool quotient of a woman Defence minister if female blood is still a blot. My take in @washingtonpost [47]. Read, share and tell me how much you disagree :-) https://t.co/uix8NjYVqG [48]
— barkha dutt (@BDUTT) January 4, 2019 [49]
Sabrimala est une tache sur les droits des femmes. Inutile de célébrer Indira Gandhi ou le super quota d'une femme ministre de la Défense si le sang féminin reste une souillure. Mon opinion dans le Washington Post. Lisez, partagez et dites-moi combien vous désapprouvez :-)
When is the SC taking note of this alleged “purification” of the #SabarimalaTemple [50] & sacking the priest? Women are untouchables? Absolutely disgusting
— Swati Chaturvedi (@bainjal) January 2, 2019 [51]
Quand la Cour Suprême va-t-elle prendre en considération cette soi-disant “purification” du Temple de Sabrimala et virer le prêtre ? Les femmes sont des intouchables ? Absolument dégoûtant
God has created men and women to compliment each other. God doesn't discriminate but men do. Traditions should be respected but such concepts such as ‘impure women’ should be discouraged. Is there any parameter to judge men who visit the holy shrine? #Sabrimala [26]
— Pallavi Kaushal Dani (@dani_pallavi) January 6, 2019 [52]
Dieu a créé les hommes et les femmes pour se complimenter [sic]. Dieu ne discrimine pas, les hommes si. Les traditions doivent être respectées mais des concepts comme les ‘femmes impures’ doivent être dissuadés. Y a-t-il le moindre critère pour juger les hommes qui visitent le sanctuaire sacré ?
Tout cet enchaînement de manifestations et d'événements a créé un exemple pour que les femmes aient désormais des droits égaux à ceux des hommes. Après Sabarimala, un récent jugement de la Haute Cour accorde aux femmes le droit d'accès au pic Agasthyakoodam [53], une montagne de 1868 mètres d'altitude situé dans le district de Thiruvananthapuram dans l’État du Kerala.