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Rapport Netizen : les coupures régionales d'internet cesseront-elles un jour en Inde?

Catégories: Asie du Sud, Bangladesh, Inde, Ouganda, Philippines, Venezuela, Viêt-Nam, Médias citoyens, Advox

Carte des coupures d'internet en Inde, Janvier 2010 – Mars 2017. Crée par la National Law University Delhi et le Centre for Communication Governance (CC BY)

Le Rapport Advox Netizen offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues, et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde. Le présent numéro traite d'informations et d'événements relevés entre le 8 et le 14 Février, 2019.

Depuis le début du mois de février , les autorités d'au moins trois régions de l'Inde — le Rajasthan, le Jammu,le Cachemire, et le Manipur — ont imposé des blocages temporaires d'internet [1] et de tous les services mobiles, apparemment en réaction aux tensions politiques.

Les manifestations à Manipur contre un projet de loi controversé d'amendement de la citoyenneté ont occasionné l'interruption d'internet le 11 février, lorsqu'elles ont atteint un pic d'intensité [2], les autorités imposant un couvre-feu suite au blocage par quarts de 24 heures des routes par les protestataires.

Proposé et défendu par le gouvernement Modi, à l'approche imminente des élections nationales, le projet de loi a suscité des critiques dans les Etats frontaliers comme le Manipur (partageant sa frontière avec le Myanmar) et comptant des populations de migrants d'autres parties de l'Asie. Le projet de loi modifiant la loi sur la citoyenneté [3] créerait une nouvelle voie d'accès à celle-ci pour les gens de certains groupes religieux persécutés ayant émigré vers l'Inde.

Certains à Manipur s'opposent au projet de loi de peur qu'il ne provoque un afflux de migrants dans l'Etat déjà en manque de ressources. D'autres avancent des motifs de discrimination religieuse pour s'y opposer — le projet comprend une liste de minorités religieuses protégées bénéficiaires de la réforme, à savoir les bouddhistes, les chrétiens, les hindous et les sikhs, mais non les musulmans.

Pendant ce temps au Rajasthan, l'ethnie Gujjar a organisé des manifestations de grande envergure  [4]pour mieux assurer la sécurité des emplois de ses ouvriers en vertu du statut de l'État. Entre autres tactiques, les manifestants ont fait des sit-in de 5 jours sur une voie ferrée principale, bloquant la voie pour les trains circulant entre Delhi et Mumbai. Cela entraîna l'arrêt des services mobiles d'internet durant toute une journée, comme pour le 11 février.

Et au Jammu-et-Cachemire, les réseaux se sont éteints dans la Vallée du Cachemire lorsque le Premier Ministre indien Narendra Modi visita la zone en conflit le 3 février. Ce n'est pas une nouveauté pour les habitants, qui ont été le plus affectés par les coupures intensives d'internet en Inde durant les deux dernières années. Rien qu'en 2018, le Centre Software Freedom Law de New Delhi [1] a enregistré 65 coupures d'internet mobile Cachemire.

Une figure de proue de la presse philippine libérée sous caution, toujours accusée de ‘diffamation cybernétique’

Maria Ressa, rédactrice en chef et fondatrice du site indépendant Rappler [5] et ancienne chef du bureau de CNN à Manille et Jakarta, a été arrétée le 13 février suite à une plainte pour “diffamation cybernétique” du ministère de la Justice des Philippines  [6]contre Rappler, Ressa et son ancien employé Reynaldo Santos. Les accusations provenaient de l'homme d'affaires Wilfredo D. Keng sur un article de Rappler en 2012 liant Keng au trafic illégal de drogues et d'êtres humains.

Ressa a été libérée [7] après avoir payé sa caution le 14 février. Dans sa déclaration aux journalistes, elle dit: “c'est la sixième fois que je verse une caution et j'en paye plus que les criminels condamnés. J'en verserai plus qu’ Imelda Marcos.”

Rappler a agressivement couvert les meurtres extrajudiciaires liés à la drogue aux Philippines et a régulièrement subi les attaques du Président Rodrigo Duterte, qui, à plusieurs occasions, l'a publiquement accusé d'être “un journal de fausses informations” [8].

Sabotages de sites de l'opposition au Venezuela

Les 12 et 13 février, des experts d'internet au Venezuela ont rapporté plusieurs incidents inhabituels sur des sites essentiels d'individus et d'opposants au gouvernement de Maduro. Le site officiel de l'Assemblée Nationale du Venezuela était en ligne et hors ligne [9] en intermittence, sur les réseaux nationaux et internationaux.

L'incident le plus insolite s'est produit sur VoluntariosxVenezuela, une plateforme organisée par l'opposition pour les Vénézuéliens souhaitant apporter de la nourriture et des fournitures médicales aux personnes dans le besoin. Le 12 février, des personnes essayant d'accéder au site par le fournisseur d'accès internet public, CANTV, ont constaté que lorsqu'ils entraient l'URL appropriée du site [voluntariosxvenezuela.com], ils étaient automatiquement rédirigés sur voluntariovenezuela.com, un clone du vrai site. Les preuves techniques recueillies et rapportées par Andres Azpurua d'VESinFiltro [10] indiquent que la redirection résultait d'une manoeuvre d'usurpation de DNS , avec la probable intention d'“hameçonnage” ou de collectes d'informations personnelles des gens intéressées aux activités d'opposition. Le clone du site, qui était hébergé par Digital Ocean, n'est plus accessible.

VESinFiltro [11] et NetBlocks ont tous deux signalé que [12] les services de Google, incluant YouTube, n'étaient disponibles aussi que par intermittence sur CANTV .

Facebook ferme des centaines de comptes usurpant l'identité de la Première Ministre bangladaise

Le 8 février, Facebook a fermé 732 comptes [13] portant le nom de la Première Ministre bangladaise Sheikh Hasina et diffusant des rumeurs et des fausses nouvelles. Selon des sources gouvernementales, les retraits ont été effectués à la demande de la Cellule nationale de surveillance des télécommunications. Contrairement à d'autres suppressions massives et récentes de comptes aux motifs de “desinformations” en Iran [14], en Indonésie [15] et au Myanmar [16],cela n'a pas été signalé sur le blog de l'entreprise Facebook.

En janvier 2019, cinq personnes ont été arrêtées [17] au Bangladesh pour avoir créé des comptes Facebook au nom de la Première Ministre et des membres de sa famille, utilisé ces comptes pour diffuser de fausses informations et s'adonner à des extorsions financières.

Un blogueur vietnamien fuit vers la Thaïlande et disparaît

Le blogueur vietnamien Truong Duy Nhat [18], qui tient une chronique de commentaires politiques pour Radio Free Asia, n'a pas donné de nouvelles depuis le 26 janvier. Nhat s'était rendu à Bangkok le 25 janvier pour demander l'asile au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés.

Ancien journaliste et militant, Nhat a été emprisonné au Vietnam entre 2014 et 2015 pour “propagande contre l'Etat” et “atteinte aux libertés démocratiques.”

La taxe sur les réseaux sociaux fait sérieusement baisser l'utilisation d'internet en Ouganda

Le nombres d'internautes en Ouganda a baissé de plus de 12% [19] — de 47% à 35% — depuis juillet 2018, lorsque le pays a brutalement instauré la soi-disant “taxe sur les réseaux sociaux” [20]. Le système exige de payer une taxe journalière d'utilisation des médias sociaux et des services de tchat sur IP comme WhatsApp.

Pour beaucoup, la taxe viole la liberté d'expression [20] et crée un fardeau de double imposition, car les citoyens paient déjà une taxe sur les paquets de données pour accéder à internet. Avant sa mise en application, des députés de l'opposition, des journalistes, des militants et le grand public soutenaient que la taxe empêcherait des milliers de gens d'accéder [21] aux services en ligne — surtout les jeunes, qui représentent près de 70% de la population. Les données sur l'utilisation d'Internet du troisième et quatrième trimestre de 2018 semblent leur donner raison.

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Ellery Roberts Biddle [26], Marianne Diaz [27], Rohith Jyothish [28], Rezwan Islam [29], Mong Palatino [30], Georgia Popplewell [31] et Laura Vidal [32] ont rédigé ce rapport.