Netizen Report : Le Bangladesh et la Corée du Sud lancent une « guerre contre la pornographie »  et ouvrent la voie à la censure

Photo par Cory Doctorow. (CC BY-SA 2.0)

Le Netizen Report d’Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de technologie et de droits de l’homme dans le monde. Cette édition couvre des informations et événements qui concernent la période du 15 au 21 février 2019.

Au cours de la semaine dernière, les autorités du Bangladesh et de la Corée du Sud ont annoncé leur intention de renforcer la lutte contre la pornographie et d’autres contenus que ces pays considèrent comme répréhensibles.

Les autorités bangladaises de régulation des télécommunications ont interdit plus de 18 000 sites web au contenu supposément pornographique ou obscène. Sur une liste de sites ciblés, envoyée aux fournisseurs d’accès Internet, puis rendue publique, figuraient Somewherein.net, la plus grande plateforme de blogging en langue bengali, et Google Books. Le ministre des postes et des télécommunications, Mustafa Jabbar, a qualifié cette initiative de « guerre » contre la pornographie.

Alors que des utilisateurs indiquaient ne pas être en mesure d’accéder à leurs blogs, Somewherein.net a publié une information le 18 février qui indiquait que la plateforme fonctionnait correctement et qu’elle n’avait pas reçu de notification officielle au sujet d’une interruption de service. Bien qu’il figure sur une liste officielle de sites interdits, il était accessible dans le pays le 22 février.

Créé en 2005, Somewhere in Blog ou Badh Bhangar Awaaz (The Voice of Breaking Barriers) a été le premier site de blogging public conçu pour la langue bengalie. En moyenne, 60 000 blogueurs y publient des articles ou des commentaires chaque jour.

En plus de ces sites, et des sites qui contiennent du matériel pornographique explicite, un certain nombre d’utilisateurs de médias sociaux très en vue ont été invités par les autorités gouvernementales à supprimer leur compte ou des publications précises.

Entre-temps, en Corée du Sud, la Commission nationale en charge des normes de communication a publié le 12 février un communiqué de presse qui confirme les soupçons d’experts en technologie sur l’utilisation de nouvelles méthodes sophistiquées pour identifier et bloquer la pornographie et les contenus piratés. Au moyen d’une technique de surveillance du protocole SNI, les autorités sont désormais en mesure de bloquer le contenu HTTPS avec une facilité croissante.

La production et la diffusion de contenus pornographiques sont illégales en Corée du Sud, et ce pays réglemente fortement les droits de propriété intellectuelle, notamment grâce à l’accord commercial avec les États-Unis. Cependant, les experts et les défenseurs de la liberté d’expression avertissent que cette nouvelle approche pourrait conduire à la censure de sites qui ne contiennent pas de pornographie et ainsi commencer à restreindre l’accès à l’information et la liberté d’expression.

Une pétition a été lancée sur le site web du président sud-coréen Moon Jae-in. Les signataires condamnent cette stratégie de filtrage du contenu, qu’ils considèrent agressive et coûteuse. Ils l’associent à un gaspillage d’argent des contribuables, car les internautes se tourneront probablement vers les VPN et d’autres types d’outils de contournement pour accéder aux sites qui les intéressent. La pétition compte plus de 250 000 signatures.

YouTube bloqué une fois de plus au Venezuela

Le Venezuela se trouve dans une impasse politique depuis la mi-janvier, lorsque Juan Guaidó, membre de l’opposition, s’est autoproclamé président, dans un acte de contestation du président Nicolas Maduro. Plusieurs vagues de protestations et d’affrontements entre les manifestants de l’opposition et l’armée dirigée par Maduro ont coïncidé avec une série de coupures d’accès internet.

Les 19 et 20 février, le groupe de recherche technique local VE Sin Filtro a annoncé que YouTube était bloqué pour tous les abonnés du plus grand fournisseur d’accès Internet du pays, l’entreprise publique CANTV. Il indiquait que, dans le cas présent, contrairement aux coupures précédentes de la plateforme vidéo, d’autres services Google tels que Gmail et Google Drive ne semblaient pas affectés.

Facebook et VK rétablis en Ouzbékistan, à temps pour une conférence sur l’accès à Internet

Facebook, YouTube et le site russe de médias sociaux VKontakte fonctionnaient à nouveau en Ouzbékistan le 19 février, juste à temps pour une conférence de deux jours sur la connectivité Internet en Asie centrale. Les trois sites faisaient l’objet d’un blocage depuis septembre 2017 et les utilisateurs se demandent si le blocage a été levé pour de bon ou s’il s’agit d’une mesure temporaire au bénéfice d’importants délégués de pays voisins venus pour la conférence.

Le régime autoritaire de l’Ouzbékistan s’est quelque peu relâché sous le président Shavkat Mirziyoyev et Facebook est devenu l’un des endroits où les citoyens peuvent discuter des changements qui se produisent dans la société, pour autant qu’ils sachent se servir d’un VPN.

Les autorités pakistanaises ciblent l’activisme anti-saudien et les discours haineux

Le 21 février, le ministre pakistanais de l’Information et de la Radiodiffusion, Fawad Chaudhry, a annoncé son intention de sévir contre les discours haineux en ligne, notamment sur les réseaux sociaux, et suggéré que la surveillance des médias sociaux contribuerait à enrayer ce problème. Ce type de discours constitue une infraction pénale en vertu de la loi pakistanaise sur les crimes électroniques, mais cette loi de 2016 n’offre pas de définition concrète du « discours haineux ». Aussi, des experts craignent que cette omission puisse conduire à une interprétation trop large.

Suite à la visite au Pakistan du prince héritier saoudien Mohammad Ben Salmane, le ministère de l’Intérieur a ordonné aux autorités compétentes de bloquer les pages des médias sociaux de cinq groupes associés aux musulmans chiites, dont deux groupes étudiants. L’ordonnance alléguait que les pages des groupes publiaient de la « propagande » contre une délégation « VVIP » en visite au Pakistan. Les personnes visées présument que la délégation en question était celle du prince héritier.

Opposition au système national d’identification numérique kenyan

La Commission non gouvernementale des droits de l’homme du Kenya a déposé un recours judiciaire contre le projet de construction d’un système national d’identification numérique, approuvé le 31 décembre 2018. En vertu de la nouvelle loi modifiée, pour bénéficier des services publics, les citoyens seraient tenus de s’enregistrer dans le « Système national intégré de gestion de l’identité » et de fournir plusieurs données personnelles à des fins d’authentification, notamment leur nom, photo, sexe, date de naissance, citoyenneté, numéro de téléphone, adresse électronique, résidence physique et permanente, ainsi qu’état civil.

Jackson Awele, conseiller auprès de la Commission kenyane des droits de l'homme a fait valoir devant la Cour que le système viole le droit constitutionnel des citoyens à la vie privée, car il « permet à l’État d’exiger des citoyens toutes sortes de renseignements privés, y compris des informations génétiques, sans leur consentement » et ne donne aucune assurance en matière de protection de ces données contre une utilisation abusive ou le vol.

Base de données de vidéosurveillance ouïghoure disponible sur Internet

Le chercheur néerlandais Victor Gevers, spécialiste de la sécurité sur Internet, a découvert une immense base de données de vidéos de surveillance de Chine occidentale, accessible à tous. M. Gevers a alerté les autorités chinoises, après en avoir examiné le contenu, qui comprenait les données personnelles de plus de 2,5 millions de personnes ainsi que leur localisation estimée au moyen des images de caméras de surveillance et des données de localisation de téléphones mobiles.

Toutes les coordonnées géographiques qui figurent dans le système correspondent à la région du Xinjiang en Chine occidentale, dont le gouvernement central est connu pour ses programmes agressifs de surveillance et de détention visant les musulmans ouïghours et d’autres groupes ethniques minoritaires.

Internet menacé par la directive européenne sur le droit d’auteur

Une réforme historique du droit d’auteur, qui bouleverserait radicalement la dynamique des grandes plateformes de contenu, progresse dans le processus législatif de l’UE et pourrait être soumis à un vote dès la mi-mars.

Bien que le texte final doive encore être débattu, les projets de la directive exigeraient que les plateformes telles que YouTube évaluent la propriété d’un contenu, qu’il s’agisse d’une vidéo, d’audio, de texte ou d’image – avant que l’utilisateur puisse mettre un fichier en ligne. Une autre disposition obligerait les éditeurs à but lucratif à payer les sources en ligne pour les citer. Bien que les éditeurs à but non lucratif seraient exemptés de cette exigence, une telle clause découragerait probablement de nombreux sites d’inclure des liens vers des ressources en ligne utiles.

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Ellery Roberts Biddle, Marianne Diaz, Mohamed ElGohary, Rohith Jyothish, Oiwan Lam, Talal Raza, Rezwan, Chris Rickleton, Taisa Sganzerla et Sam Woodhams ont contribué à l’élaboration de ce rapport.

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