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“¡Vivas nos queremos!” Les femmes mexicaines manifestent contre l'insécurité dans les lieux publics

Catégories: Mexique, Cyber-activisme, Femmes et genre, Manifestations, Médias citoyens

Rassemblement sur la place du Zócalo pendant la marche du 2 février à Mexico. Photographie de Jer Clark. Avec son autorisation.

Les slogans #VivasNosQueremos ((Vivantes nous nous voulons !), #NiUnaMás (Pas une de plus), #NoEstamosSolas (Nous ne sommes pas seules) ont une fois de plus investi la rue et les réseaux sociaux au Mexique pour dénoncer les chiffres alarmants des violences faites aux femmes dans le pays [1] où, d'après la Commission nationale des droits de l'homme, près de neuf femmes ont été assassinées chaque jour [2] en 2018.

Samedi 2 février 2019, à Mexico, près de quatre mille personnes [3] se sont rassemblées au Monument a la Madre (Monument en hommage à la mère) et ont marché jusqu'au Zócalo en réclamant la fin des féminicides et que des mesures soient mises en place pour assurer la sécurité des femmes dans les transports en commun.

Cette manifestation a eu lieu après qu'une enquête du journal El País ait révélé [4] que 153 personnes, en majorité des femmes, avaient été enlevées dans le métro de Mexico au cours des quatre dernières années.

Jer Clarke, membre du réseau Global Voices, était présent et a partagé cette vidéo [5]:

La nuit précédente, une grande “balade à vélo pour la vie et la liberté des femmes [6]” avait été organisée à Mexico et dans 13 autres villes du pays. De nombreuses femmes ont participé au rassemblement et l'ont suivi sur #LaNocheEsNuestra (la nuit nous appartient) et #LaCalleEsNuestra (la rue nous appartient).

L'objectif était de lutter contre les violences qui chassent les femmes de l'espace public et d'exiger que celui-ci leur soit rendu. Sur l'affiche du rassemblement [6] on pouvait lire :

¡Nos sumamos a la demanda nacional! Retomamos las calles, los espacios, las noches; para recordarnos y recordarles que podemos.

Nous nous joignons à la demande nationale ! Reprenons les rues, les espaces, les nuits. Pour nous rappeler et leur rappeler que nous le pouvons.

Dans un tweet de Ruido en la Red on peut voir quelques images du rassemblement :

Balade cycliste à la Diane Chasseresse pour protester contre les actes de violence qui ont eu lieu ces derniers jours contre des femmes.

Une nouvelle marche du “Mouvement contre l'insécurité” est prévue le 8 mars prochain, pour la journée internationale des femmes.

“Aujourd'hui, c'est à moi que c'est arrivé”

Une forte augmentation des actes de violence contre les femmes dans les transports en commun a été observée depuis janvier 2019, quand de nombreux témoignages [9] de tentatives d'enlèvements de jeunes filles dans le métro de la capitale ont été recueillis sur les réseaux sociaux.

Les témoignages rendent compte des différentes façons dont les femmes sont agressées et enlevées, en grande partie à cause de l'indifférence des passants. Dans l'un de ces témoignages publics [10], Eunice Alonso décrit son expérience :

Pues ahora me tocó a mi.

Hace un rato me encontraba en la estación del metro Boulevard puerto aéreo, estaba esperando a que llegara el metro y un joven de entre 20 y 25 años se me acercó muchísimo y sentí que recargó algo en mi costilla […] al principio creí que me iba a asaltar, pero me dijo: “vas a salir conmigo y verás una camioneta blanca, te as a subir y si alguien te dice algo dices que es tu uber”…me quedé paralizada y comenzó a darme un ataque de ansiedad por lo que empecé a llorar, y una señora (a la que no tuve oportunidad de preguntarle su nombre) me dijo: ¿estás bien?, no pude contestarle y se dio cuenta de lo que estaba pasando que empezó a gritar: “fuego, fuego”. Y la gente empezó a vernos y un policía se acercó; fue así como el joven me soltó y se dio a la fuga.

Aujourd'hui, c'est à moi que c'est arrivé. Je me trouvais à la station de métro Boulevard puerto aéreo, j'attendais mon train, et un jeune entre 20 et 25 ans s'est approché de moi et m'a collé quelque chose dans le dos  […] Au début, j'ai cru qu'il voulait me voler, mais il a dit : “Tu vas sortir avec moi et tu verras une camionnette blanche. Tu montes dedans et si quelqu'un te pose une question, tu dis que c'est ton uber” … J'étais paralysée et j'ai commencé à faire une crise d'angoisse et je me suis mise à pleurer. Alors une dame (dont je ne sais même pas le nom) m'a dit : Tu vas bien ? Je n'ai même pas pu lui répondre et elle s'est rendu compte de ce qui se passait et elle a commencé à crier : “Au feu, au feu !” Et les gens ont commencé à nous regarder et un policier s'est approché. Alors le jeune m'a lâchée et s'est enfui.

C'est précisément pour éviter que ce genre d'incidents passent inaperçus que plusieurs militants et collectifs ont lancé des opérations pour identifier la problématique, donner des conseils d'autodéfense et de sécurité. Une des stratégies recommandée est d'utiliser des mots clé comme “feu” ou “tremblement de terre” pour demander de l'aide, comme l'a fait la personne qui a aidé Alonso en criant ” Au feu !” plutôt que de s'opposer directement à l'agresseur, ce qui pourrait déclencher une réaction violente.

Un groupe de militants féministes, membres du projet de journalisme de données Serendipia DATA, [11] a créé une base de données collaborative [12] pour cartographier les lieux et les circonstances de chacun des cas enregistrés.

Des militants ont répertorié 210 témoignages de tentatives d'enlèvement de femmes sur #CdMx [13] et #EdoMex [14]. Tu peux les retrouver sur cette carte

Les témoignages ont été recueillis à l'aide d'un formulaire [19] où figurent la date, l'heure et les détails de l'incident.

Une opération similaire [20] a été lancée par la chaîne de télévision en ligne RompeViento [21], sur la base des données collectées individuellement par une utilisatrice de Facebook.  [22]

MISE A JOUR !!! Un formulaire est en ligne pour que les victimes nous aident à cartographier ces événements de façon efficace.

Propositions

Le gouvernement de la ville de Mexico a réagi face à la vague de dénonciations [23] sur les réseaux sociaux et s'est entretenu avec des victimes, leurs familles et des organisations de la société civile (dont Serendipia DATA) afin d'élaborer un plan pour combattre la violence et l'insécurité.

Les autorités ont proposé des mesures [24] telle que l'implantation d'unités mobiles destinées à recueillir les témoignages des victimes des agressions, l'amélioration de l'éclairage public aux abords des stations de métro et le renforcement de la surveillance.

Cependant, ces mesures sont jugées insuffisantes.

Dans un pays où plus de 90% des délits [25] ne font l'objet d'aucune dénonciation par manque de confiance dans les autorités, faciliter les moyens de signaler ces délits est important, mais pas suffisant. De nombreuses victimes ont peur des représailles ou alors refusent de déposer parce qu'ils savent que leurs déclarations n'aboutiront pas.

Rassemblement du 2 février à Mexico. Les manifestants sur la photo évoquent les victimes de violences faites aux femmes. Photographie de Jer Clarke. Avec son autorisation.

Il faut signaler que la pression exercée par les citoyens a produit des résultats. Les plaintes officielles ont explosé [26] et ont permis la création d'un profil type des victimes d'agressions dans les transports en commun.