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Une pièce de théâtre pour adolescents interdite par les autorités russes pour incitation à des «relations familiales non traditionnelles»

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Russie, Arts et Culture, Censure, Femmes et genre, LGBTQI+, Liberté d'expression, Médias citoyens, RuNet Echo, Advox

Devant l'ambassade de Russie à Helsinki, en Finlande. Le 7 septembre 2013, un groupe de militants a peint les bandes du passage piéton aux couleurs de l'arc-en-ciel pour protester contre la législation anti-LGBT russe, notamment les interdictions de “propagande homosexuelle”. Flickr, Murmur, sous licence CC3.0.

[article d'origine publié le 15 mars 2019]  “Les roses et les bleus”, une pièce de théâtre pour adolescents sur les stéréotypes sexistes, a été interdite par les autorités locales à Komsomolsk-sur-l'Amour, dans l'extrême-orient russe.

Les médias russes ont rapporté [1] que la directrice de la compagnie Yulia Tsvetkova avait été interrogée par une unité de police anti-extrémisme, de même que les acteurs de son collectif amateur, des adolescents âgés de 13 à 15 ans.

La pièce devait être jouée dans le cadre d'un festival de théâtre militant appelé Tsvet Shafrana (La couleur du safran), abordant divers sujets tels que le harcèlement à l'école, le Printemps de Prague [2] et l'e pacifisme. Le festival a été annulé, suite à l'interdiction et à la perte de lieu de représentation.

“Les roses et les bleus”, pièce montée par le groupe d'activiste Merak, a suscité un vif intérêt des autorités locales qui y voyaient une activité dangereuse et subversive promouvant “la haine contre les hommes et les relations familiales non traditionnelles”, a déclaré Tsvetkova à Takie Dela [3], un site d'information caritatif. Au même moment, le festival perdait le lieu censé les accueillir, puis un second deux semaines plus tard. Ces annulations ont envoyé un signal clair à Tsvetkova. Les autorités ne comptaient pas autoriser le festival.

Les “relations familiales non traditionnelles” font écho à la formulation d'une loi récente contre la “propagande de l'homosexualité auprès des mineurs”. Ces dernières années, cette loi a été utilisée presque exclusivement contre les groupes de défense des droits des homosexuels [4], de l'égalité des sexes et de l'éducation sexuelle. Les accusations de “propagande gay” peuvent attirer énormément l'attention et la pression des législateurs locaux, des autorités de protection de l'enfance et des autorités scolaires, ainsi que de l'unité anti-extrémisme de la police – comme ce fut le cas dans l'affaire Tsvetkova.

Yulia Tsvetkova, une enseignante et militante féministe, a déclaré qu'au cours de son interrogatoire, les policiers l'ont confrontée à des extraits imprimés de ses publications sur les réseaux sociaux concernant l'éducation sexuelle dans les écoles, le féminisme et l'homosexualité.

Elle a réfuté avoir exposé les jeunes acteurs de la troupe à un quelconque contenu LGBT, en expliquant [3] :

«Розовый и голубой — типичные “женский” и “мужской” цвета, вот и все, — объяснила Юлия.​ — Постановка именно об этом, и название для нее придумал один из актеров, ребенок 11 лет».

Le rose et le bleu sont considérées comme des couleurs typiquement “masculines” et “féminines”, c'est tout. C'est de ça qu'il s'agit dans la pièce, et son titre a été suggéré par l'un des acteurs, un enfant de 11 ans.

Tsvetkova a également déclaré que la police agissait suite à trois lettres anonymes de dénonciation contre elle, toutes écrites dans le même langage stéréotypé faisant écho aux termes de la loi interdisant “la propagande de relations familiales non traditionnelles”.

La Russie a récemment adopté une série de lois socialement conservatrices et les “valeurs traditionnelles” sont régulièrement mentionnées dans les discours et déclarations politiques. Ces lois ont été utilisées pour poursuivre en justice des activistes, des sites de sensibilisation à la santé [5] et des médias en ligne, entrainant des amendes et des blocages de sites web – sans parler des campagnes intensives de haine [6] menées sur les réseaux sociaux et des autres formes de représailles publiques.