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Le premier tour de l'élection présidentielle slovaque résumé en mèmes mordants

Catégories: Europe Centrale et de l'Est, Slovaquie, Élections, Humour, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique
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Collage des photos Facebook des deux candidats présidentiels slovaques qui se disputeront dimanche le second tour : Zuzana Čaputová et Maroš Šefčovič. Image : Zomri.online titrée “Second tour de l'élection.” [2]

Note de la rédaction : cet article continet des images que des lecteurs pourraient trouver offensantes.

L'avocate et femme politique pro-UE Zuzana Čaputová a remporté le 16 mars le premier tour [3]de l'élection présidentielle en Slovaquie, avec 40 pour cent des voix. Elle affrontera le deuxième arrivé, Maroš Šefčovič, un candidat indépendant soutenu par le parti populiste de gauche au pouvoir SMER, lors du second tour fixé au 30 mars.

Candidate sur un programme anti-corruption, Zuzana Čaputová milite ouvertement pour l'élucidation de l'assassinat du journaliste Jan Kuciak, dont la mort brutale en mars 2018 a profondément bouleversé la société slovaque.

Elle s'est fait connaître après avoir mené une campagne couronnée de succès [4] pour la fermeture d'une décharge dans sa ville de Pezinok. La direction du site d'enfouissement de déchets avait des liens avec le puissant homme d'affaires Marián Kočner, qui est actuellement le principal commanditaire suspecté du meurtre de Kuciak [5].

Mme Čaputová a battu des candidats nombreux dans une compétition mouvementée qui a été illustrée avec des mèmes pleins d'esprit sur l'Internet slovaque. En voici quelques-uns.

L'ex-leader aspirant-juge

Le chef du SMER Robert Fico a été deux fois premier ministre de la Slovaquie, en 2006-2010 et 2012-2018. Après que les manifestations liées au meurtre de Jan Kuciak l'ont forcé à démissionner [6], il a décidé de se lancer dans une carrière judiciaire, lorgnant un poste à la Cour constitutionnelle.

Lorsque le président slovaque actuel Andrej Kiska [7] a déclaré qu'il ne l'y nommerait pas, M. Fico a usé de sa position influente dans le parti pour bloquer la confirmation par le parlement de tous les candidats retenus [8] pour la Cour constitutionnelle, dans l'espoir que le prochain chef de l’État serait plus coopératif. Les satiristes l'ont critiqué pour sa propension à placer ses intérêts au-dessus de ceux du pays en le comparant à l'empereur romain Néron.

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“Et à la fin des fins je serai juge à la Cour constitutionnelle” Caricature de Róbert Fico en Néron par Zomri.Online, utilisée avec autorisation.

Devant tant d'opinions négatives dans le public, Fico a eu du mal à trouver un candidat à la présidence prêt à l'aider à concrétiser ses ambitions. Dans un retournement de dernière minute, le SMER a rappelé de Bruxelles le diplomate chevronné Maroš Šefčovič [10], commissaire européen à l'Énergie, pour représenter le parti à l'élection de cette année.

Officiellement, Šefčovič se présente en candidat indépendant, avec seulement le soutien du SMER. Il s'est donné un look de défenseur des valeurs chrétiennes [11], critiquant dans son adversaire Čaputová une “promotrice de l'agenda libéral” à cause de son approbation du mariage pour tous, de l'adoption par les couples de même sexe, et de l'immigration.

Les candidats xénophobes et ‘anti-système’

Autre homme dans le jeu : Štefan Harabin [12], Premier magistrat de la Cour Suprême, la juridiction la plus élevée de Slovaquie, et ancien ministre de la Justice dans le premier gouvernement Fico. Dans ces élections, il s'est peint en “anti-système” et a basé sa candidature sur un programme anti-immigrants et anti-islam.

La Slovaquie a le plus faible taux d'immigration de l'UE [13]. Elle a aussi l'un des plus bas pourcentages de résidents musulmans du continent : moins de 0,1 pour cent de sa population, selon [14] le Pew Research Center. Les tentatives de Harabin d'attiser la peur des migrants ont provoqué quelques moqueries des satiristes en ligne.

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“Une migrante ! Et armée, avec ça !”, un mème montrant Anastasiya Kuzmina [16], une bi-athlète slovaque née en Russie, championne olympique. Image : Zomri.Online, utilisée avec autorisation.

Connu pour sa passion des uniformes [17] dans le style de la Garde Hlinka [18], le candidat néo-nazi Marián Kotleba [19] a été éliminé au premier tour avec 10 pour cent du total des voix.

Si ses principales aspirations politiques sont le retrait de la Slovaquie à la fois de l'OTAN et de l'UE [20], Kotleba a aussi défendu une plate-forme anti-LGBT. Ainsi, à côté de son slogan “Enfin, un président slovaque”, ses panneaux publicitaires arboraient des messages tels que : “La famille, c'est un homme et une femme. STOP LGBT !”

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“La famille, c'est un homme, une femme et un chef” De la collection parodique d'affiches modifiées de Kotleba sur Zomri.Online, utilisée avec autorisation. Inscription originelle [22] sur le panneau : “La famille, c'est un homme et une femme. STOP LGBT!”

Quand une autre des affiches [23] de Kotleba proclama qu'il était le seul homme politique de Slovaquie à n'avoir pas “retourné sa veste”, des commentateurs en ligne louèrent sa constance, lui accordant qu'il est certes “le même nazi qu'il n'a cessé d'être”.

Le blog Cynical Monster ne s'est pas gêné pour rappeler la connexion entre les politiciens d'extrême-droite et leurs précurseurs idéologiques, avec une caricature titrée “Paradis cléricofasciste [24]“.

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“Alors s'il vous plaît, la Slovaquie qui était un tel trou à rats de partisans [26]… Et maintenant ils ont le choix entre Harabin, Kotleba et Krajniak!” Image par Cynical Monster, utilisée avec autorisation.

L'Église du côté du candidat du parti au pouvoir

L'archevêque catholique romain Jan Orosch a mis en garde pendant une homélie publique [27] (minute 35:20 de la vidéo) que voter pour Čaputová équivaudrait à un péché grave. Ce que n'ont pas avalé certains catholiques — son prédécesseur Róbert Bezák [28] ainsi que le prêtre et philosophe tchèque Tomáš Halík [29] ont pris le contrepied de la position de l'archevêque et exprimé un soutien public à Čaputova [30].

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L'archevêque Jan Orosch: “Soutenir les candidats libéraux à la présidence est un péché grave. Presque aussi grave que la gourmandise !” Image par Cynical Monster, utilisée avec autorisation.

Ce faisant, d'éminents homme d’Église ont soutenu Šefčovič, ignorant son passé de membre du parti communiste, ou sa récente période soi-disant “libérale” de commissaire européen à Bruxelles. Une contradiction qui a fourni de nombreux mèmes.

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“Pendant les temps du socialisme le plus rigoureux, j'étudiais directement à Moscou. Mais après ces cours, je courais toujours directement à l'église !”. Image par Cynical Monster, utilisée avec autorisation.

La confrontation du 16 mars

Après que les principaux candidats anti-système n'ont pas réussi à se qualifier pour le second tour, ils ont immédiatement commencé à se reprocher mutuellement [33] leur échec.

Les organisateurs des manifestations “Pour une Slovaquie honnête” [6] ont pris part à la campagne sans soutenir de candidature concrète. Ils ont parcouru le pays pour tenir des débats publics, et disent qu’ils ont appris [34] que beaucoup de gens envisageaient Čaputová ou Harabin parce que tous deux proposaient le changement.

Quant à eux, la plupart des supporteurs d'extrême-droite de Kotleba ont dit considérer tant Čaputová que Šefcovič comme d'inacceptables libéraux occidentaux.

Čaputová, elle, a eu le soutien du scientifique et entrepreneur Róbert Mistrík [35], un autre candidat indépendant qui initialement s'en tirait bien dans les sondages, mais s'est retiré en dernière minute quand les enquêtes ont indiqué que Čaputová avait de meilleurs chances de l'emporter. Son nom était cependant imprimé sur les bulletins de vote et il a terminé en obtenant 0,15 pour cent des suffrages, qui ont été invalidés.

La blogueuse Paula Kentošová a raconté son expérience [36] avec les gens disposés à voter pour Harabin ou Kotleba. Après avoir échoué à les faire changer d'avis, elle s'est mise à apprécier le style de Čaputová’ — qui a été félicitée pour avoir mené une campagne propre sans recourir aux attaques personnelles contre ses adversaires :

My neextrémisti by sme to mali robiť inak. Rozprávať sa, poukázať na fakty, ktoré presvedčili nás, poskytnúť možnosť na diskusiu. V momente, keď totiž začneme zaryto bojovať len za tú našu pravdu, v momente, kedy začneme urážať a znevažovať mienku tých, ktorí majú opačný postoj – v tom momente sme prehrali a meníme sa na tých, ktorých sa bojíme. Extrémistov.

Nous autres non-extrémistes devons nous y prendre différemment. Parler, montrer les faits qui nous ont convaincus, donner une possibilité à la discussion. Dans le moment où nous commençons à batailler seulement pour notre vérité, dans le moment où nous commençons à injurier et dénigrer l'opinion de ceux qui sont à l'opposé – dans ce moment nous avons perdu, et nous nous changeons en ceux dont nous avons peur. Les extrémistes.