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Hong Kong se mobilise contre l'amendement autorisant l'extradition de “fugitifs” vers la Chine

Catégories: Asie de l'Est, Chine, Hong Kong (Chine), Droit, Manifestations, Médias citoyens, Politique
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Rassemblement contre la modification de la loi sur l'extradition. Photo : Holmes Chan/HKFP.

Cet article est écrit par Holmes Chan a été initialement publié [1] par Hong Kong Free Press le 31 mars 2019. Cette version révisée est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Des milliers de manifestants hongkongais ont marché le 31 mars 2019 contre la modification imminente des lois sur l'extradition, permettant à la Chine de rapatrier des “fugitifs” de Hong Kong. Les protestataires s'inquiètent que la loi soit utilisée abusivement et rende possible l'extradition de dissidents politiques vers le territoire chinois.

Les organisateurs provenant des groupes pro-démocratiques et le Front des droits humains civils ont annoncé une participation de 12.000 manifestants à la marche partie du complexe sportif Southorn Playground dans le quartier de Wan Chai pour rallier le siège du gouvernement à Admiralty. La police admet quant à elle un maximum de 5.200 manifestants. Ce rassemblement aura été l'une des plus grandes manifestations de l'année.

Les organisateurs réclament une suspension de l'amendement à l'examen et font le serment de recommencer la manifestation la semaine prochaine dans le cas où le gouvernement passerait la loi de force.

Hong Kong a par le passé signé des accords bilatéraux d'extraditions avec des juridictions spécifiques. Or le mois dernier, le gouvernement a proposé un système au cas par cas qui autorisera la ville à traiter des demandes d'extraditions provenant de juridictions sans accord préexistant – notamment avec la Chine et Taïwan.

“Avec l'extradition vers le continent, Hong Kong devient une sombre prison” scandaient les manifestants sous la pluie fine. “Arrêtez cette loi maléfique”.

Les ressortissants étrangers travaillant ou se rendent dans la ville seront touchés

La députée Claudia Mo, qui représente le camp pro-démocratie, assure que la modification de la loi aura des conséquences désastreuses non seulement pour les habitants de Hong Kong, mais aussi pour les ressortissants étrangers qui travaillent et se rendent dans la ville.

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Les manifestants s'inquiètent des usages abusifs de la loi et qu'elle rende possible l'extradition de dissidents politiques de Hong Kong. Photo: Tom Grundy/HKFP.

Don’t think that this is a minor law amendment… it is going to affect everyone. It will cast a dragnet over all of Hong Kong.

Ne pensez pas que ce soit une modification mineure… ça va affecter tout le monde. Et lancer un coup de filet dans tout Hong Kong.

Lam Wing-kee, le libraire qui aurait été kidnappé [2] avant d'être détenu par les autorités continentales en 2015, était à l'avant du cortège dimanche dernier.

Lam a lancé Causeway Bay Books, une librairie indépendante spécialisée dans les livres politiques de commérages interdits sur le continent. Il a disparu à Shenzhen en octobre 2015, pour réapparaître des mois plus tard sur une chaîne de télévision chinoise “confessant” [3] son crime : diriger une entreprise – aux côtés de quatre autres libraires portés disparus – qui a “illégalement” envoyé des livres sur le continent. Lam s'adresse aux manifestants :

“ used to think I would stay in Hong Kong for another eight or 10 years, but now I know I can’t. If this amendment passes, it’s not just me who has to get away. I think a lot of people [in Hong Kong] have no idea it will affect them too.

Je pensais rester à Hong Kong pour encore huit à dix bonnes années, mais maintenant je sais que je ne peux pas. Si cet amendement voit le jour, il n'y a pas que moi qui devrai partir. Je pense que beaucoup de gens [à Hong Kong] n'ont aucune idée que cela les affectera aussi.

L'ancien libraire disparu quitte Hong Kong avant la modification de la loi

Lam avait préalablement prévenu les médias locaux que la marche de dimanche serait la dernière fois qu'il descendrait dans la rue, puisqu'il va quitter Hong Kong avant que l'amendement ne soit adopté.

Le secrétaire à la Sécurité, John Lee, affirme que des mesures de protection des droits de l'homme sont en place pour que personne ne soit extradé en raison de crimes politiques.

La semaine dernière, Lee a annoncé une concession partielle dans l'amendement en excluant neuf types de délits économiques [4], sous la pression du milieu des affaires. Le projet de loi sera envoyé au Conseil législatif le mercredi 2 avril, et le gouvernement s'attend à ce qu'il soit adopté avant juillet.

Mo a déclaré que le camp pro-démocratique envisage de demander au public d'encercler l'assemblée législative en signe de protestation.

Pire que la promulgation de la loi sur la sécurité nationale

Le président du Front des droits humains civils, Jimmy Cham, déclare que l'amendement est pire que le très controversé article 23 de la Loi fondamentale – qui stipule que Hong Kong doit promulguer la législation en matière de sécurité nationale.

Article 23 at least requires the law to be passed in Hong Kong, and people will face trial and be sentenced here. But under the [extradition law] it only takes the chief executive’s signature for a person to be extradited to the mainland, or even North Korea. Removing the commercial crimes was just a move to put the business sector on the spot.

L'article 23 exige au moins que la loi soit adoptée à Hong Kong, et les gens seront jugés et condamnés ici. Mais en vertu de la [loi sur l'extradition], il suffit de la signature du chef de l'exécutif pour qu'une personne soit extradée vers le continent, ou même la Corée du Nord. Retirer la  délinquance économique n'est qu'une mesure visant à mettre le secteur des affaires dans le coup.

De nombreuses personnalités du camp pro-démocratique, dont le cardinal Joseph Zen, les avocats Martin Lee et Margaret Ng, ainsi que le propriétaire d'Apple Daily [quotidien hongkongais fondé en 1995] Jimmy Lai, ont participé à la marche.

Parmi les jeunes manifestants figuraient le groupe politique Demosisto, ainsi que des représentants des associations étudiantes de quatre universités locales. Un petit groupe de personnes a également tenu des drapeaux en faveur de l'indépendance.

Mr. Cheung, un père de 40 ans accompagné de sa fille, a dit à HKFP qu'il se méfiait fortement du système judiciaire du continent.

There is no reason to trust that they will give us a fair trial,” he said. “Why are we lowering our standards so easily?

Il n'y a aucune raison de croire qu'ils nous donneront un procès équitable “, déclare-t-il. “Pourquoi abaissons-nous si facilement nos normes ?

Une autre manifestante, qui a voulu rester anonyme, déclarait à HKFP qu'elle estime que le gouvernement favorisait injustement le milieu des affaires.

Why does the government only react when [businesses] are scared? It is not right for them to have the power to demand specific crimes to be excluded.

Pourquoi le gouvernement ne réagit-il que lorsque les [entreprises] ont peur ? Ce n'est pas juste qu'ils aient le pouvoir d'exiger l'exclusion d'une délinquance spécifique.

Le mois dernier, la directrice générale Carrie Lam déclarait que la nouvelle proposition sur l'extradition [5] vise à combler une lacune dans la loi existante et que le public ne devrait pas trop s’inquiéter. [6]