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Netizen Report : Trois blogueurs arrêtés et 37 prisonniers, dont des opposants, exécutés en Arabie saoudite

Catégories: Afrique du Nord et Moyen-Orient, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, France, Ouganda, Pakistan, Sri Lanka, Tanzanie, Censure, Cyber-activisme, Droit, Droits humains, Liberté d'expression, Manifestations, Médias citoyens, Technologie, Advox

Image libre de droits.

Le Netizen Report d’Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de technologie et de droits de l’homme dans le monde. Cette édition couvre des informations et événements qui concernent la période du 20 au 26 avril 2019.

En Arabie saoudite, 37 prisonniers ont été exécutés par décapitation [1] [tous les liens sont en anglais ou en français] le mardi 23 avril. La plupart d’entre eux appartenaient à la minorité chiite. Tous étaient des hommes.

D'après les ONG Human Rights Watch [1] et Amnesty International [2], 14 des condamnés avaient été arrêtés après avoir participé à des manifestations anti-gouvernementales, organisées en 2011 et 2012. Selon les deux sources, ces hommes ont été forcés d’avouer des « crimes liés aux manifestations » après avoir été torturés et ont tenté de se rétracter par la suite durant leur procès, arguant du fait que ces aveux avaient été obtenus sous la contrainte. Ils ont malgré tout été condamnés à mort.

Pour Lynn Maalouf [2], directrice des recherches sur le Moyen-Orient à Amnesty International, cette exécution collective « indique de manière choquante que la peine de mort sert d’outil politique pour écraser la dissidence au sein de la minorité chiite du pays ».

Début avril, trois blogueurs saoudiens ont été arrêtés [3] dans le cadre de la répression [4] continue menée à l'encontre des journalistes et activistes, et qui avait fait la une des journaux, à l’automne dernier, après l'assassinat du journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018, à l'ambassade d'Arabie saoudite à Istanbul.

Les autorités n’ont pas justifié publiquement les arrestations de Naif al-Hindas, Ali al-Saffar et Redha al-Boori, qui n’avaient rien publié depuis un moment. En 2015, Al-Saffar et al-Boori avaient écrit sur les questions de sécurité régionale et, jusqu’à mi-2018, Al-Hindas abordait des sujets philosophiques, féministes et, plus largement, d’ordre culturel et politique.

Au 1er décembre 2018, on dénombrait au moins 16 journalistes emprisonnés [4] en Arabie saoudite. L’ensemble de ces affaires judiciaires et les récentes exécutions témoignent des mesures extrêmes que le gouvernement saoudien est prêt à prendre pour empêcher les critiques et entraver le travail légitime des médias dans le royaume.

Blocage des réseaux sociaux après les attaques meurtrières au Sri Lanka

Quelques heures après les attentats qui ont fait plus de 250 morts et des centaines de blessés dans des églises et des hôtels au Sri Lanka le dimanche de Pâques, les autorités ont décidé de bloquer [5] plusieurs services Internet et réseaux sociaux d’envergure, dont Facebook, Instagram, WhatsApp, YouTube, Viber, Snapchat et Facebook Messenger. Cela a suscité des réactions mitigées [6], beaucoup exprimant leur frustration tant vis-à-vis du gouvernement et que des plateformes de médias sociaux, ces dernières ayant été incapables de contrôler la propagation en ligne de discours violents et de désinformation alors que l’heure était à l’urgence publique.

Un défenseur des droits humains ougandais arrêté en Tanzanie avant d’être renvoyé chez lui

Chef de file de la défense des droits numériques en Ouganda, Wairagala Wakabi a été arrêté [7], le 25 avril, à son arrivée à l'aéroport international Julius Nyerere de Dar es Salaam, en Tanzanie, où il venait participer à l’animation d’un atelier sur les droits de l'homme et la technologie. Wairagala Wakabi est le directeur exécutif du Centre CIPESA [8] (pour Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa), basé à Kampala en Ouganda, l’un des principaux acteurs en termes de droits numériques en Afrique.

Wakabi a été renvoyé en Ouganda après plusieurs heures d'interrogatoire, au cours desquelles il s’est vu refuser d’avoir recours à un avocat. Les avocats de la Coalition des défenseurs des droits de l'homme de Tanzanie ont tenté d’intervenir en sa faveur, mais il leur a simplement été dit que Wakabi était en passe d'être expulsé pour des raisons d’« intérêt national ».

Dans une déclaration relayée par le CIPESA [9], ils ont appelé les membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) « à condamner cette tendance à importuner les citoyens de la CAE lorsqu’ils se déplacent dans la sous-région ».

Un journaliste français arrêté alors qu’il couvrait une manifestation des gilets jaunes

Le journaliste indépendant Gaspard Glanz a été arrêté [10] par la police, le samedi 20 avril, alors qu’il couvrait la manifestation parisienne des gilets jaunes. Gaspard Glanz est le fondateur de l’agence de presse en ligne Taranis News [11], spécialisée dans la couverture des mouvements sociaux et des manifestations. Libéré après avoir passé 48 heures en garde à vue, il devra répondre d’« outrage à personne dépositaire de l’autorité publique » pour avoir fait un doigt d’honneur à un officier de police. Il lui est interdit de couvrir toute manifestation d’ici à son procès qui doit se tenir le 18 octobre prochain. [Mise à jour du 30/4/2019 17h15 : cette interdiction vient d'être levée par un tribunal, pour défaut de motivation, NdT]

Client de l’appli Careem ? Méfiez-vous, votre chauffeur pourrait vous rappeler plus tard

L’appli de VTC Careem, implantée aux Emirats Arabes Unis et récemment acquise par Uber [12], partage les noms et numéros de téléphone de ses clients avec les chauffeurs. Le groupe de défense des droits numériques SMEX [13], basé à Beyrouth, au Liban, a signalé que cela avait poussé des chauffeurs à tenter de contacter des passagers, via Facebook ou autre, et que la sécurité comme le respect de la vie privée de ces derniers étaient menacés. Abed Kataya écrit ainsi sur le blog de SMEX :

Careem….appears oblivious to the implications and risks of sharing users’ personal data, even going as far as to deny that a phone number constitutes personally identifiable information.

Careem… ne semble pas avoir conscience des conséquences et risques qu’induit le partage des données personnelles des utilisateurs, et va même jusqu'à nier qu'un numéro de téléphone constitue une information personnelle identifiable.

Au Pakistan, des trafiquants de cartes SIM profitent du système d’identification biométrique

Les autorités policières pakistanaises ont arrêté sept individus [14] soupçonnés d’avoir mis au point un système permettant de subtiliser des données d’identité – dont des empreintes digitales – auprès de diverses personnes peu méfiantes, afin de se procurer des cartes SIM revendues ensuite à des criminels.

Au Pakistan, il est obligatoire depuis 2008 de fournir des informations d'identité biométriques (en général, il s’agit des empreintes digitales) pour pouvoir acheter des cartes SIM. Une décision qui, selon les autorités, a entraîné une baisse des cas d’extorsion, d’enlèvement et de fraude due à la fin de l’anonymat des cartes SIM.

Mesures anti-terroristes : l’Union Européenne lâche du lest, mais les problèmes sont loin d’être réglés

Le 16 avril 2019, le Parlement européen a approuvé [15] une directive exigeant des plateformes Internet qu'elles suppriment les publications en ligne considérées comme abritant du « contenu terroriste » dans l’heure qui suit la réception d’un ordre en ce sens donné par les autorités compétentes. Les législateurs ont voté [16] en faveur de la suppression d’une disposition de la directive qui devait imposer [17] aux plateformes d'utiliser des filtres automatisés de « censure préalable » et de contrôler les informations qu'elles transmettent et stockent afin de détecter et de supprimer les contenus terroristes. Si les organisations de défense des droits de l'homme se sont félicitées de la suppression de cette disposition, elles restent préoccupées par le délai d'une heure.

Dans un communiqué commun, European Digital Rights (EDRi) et Access Now ont « salué » cette amélioration, mais ont ensuite souligné qu’ils continuaient de douter [18] que les objectifs de la proposition puissent être atteints. Ils déclarent :

Across Europe, the inflation of counter-terror policies has had disproportionate impact [19] on journalists, artists, human rights defenders, and innocent groups at risk of racism.

A travers toute l’Europe, le développement croissant des politiques antiterroristes a eu un impact négatif disproportionné [20] sur les journalistes, les artistes, les défenseurs des droits de l'homme et des groupes d’innocents menacés de racisme.

L’accès à Internet fermé depuis un an au Tchad

Cela fait un an, en ce mois d’avril 2019, que les habitants du Tchad, pays d'Afrique centrale, n’ont plus accès à Internet [21]. Les fournisseurs de services prétendent [21] que cela est dû à des problèmes techniques, mais des organisations telles qu’Internet sans frontières [22] affirment que le gouvernement a ordonné aux opérateurs de téléphonie mobile de couper l'accès à Internet, probablement en raison du mécontentement de la population vis-à-vis du règne du président tchadien Idriss Deby, au pouvoir depuis 1990. En 2018, Deby a fait modifier la constitution du Tchad afin qu'il puisse rester au pouvoir jusqu'en 2033.

Nouvelles recherches

 

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Afef Abrougui [27], Ellery Roberts Biddle [28], Nwachukwu Egbunike [29], L. Finch [30], Talal Raza [31] et Taisa Sganzerla [32] ont contribué à cette édition du Netizen Report.