Une signalisation routière qui ravive les tensions entre l'Albanie et la Grèce

Des panneaux routiers dans le sud de l'Albanie, écrits en premier en langue grecque, puis en albanais. Photo : Protothema. Fair use.

Le 5 mai, les autorités albanaises ont retiré 35 panneaux routiers en langues grecque et albanaise dans le sud du pays, provoquant une controverse à propos de la souveraineté nationale et de la minorité grecque d'Albanie.

L’Autorité routière albanaise (ARA) [en] a affirmé que les panneaux routiers ne respectaient ni les normes de sécurité ni la législation régissant l'ordre, la taille et la police de caractères dans lesquels l'albanais et les langues minoritaires devraient être affichés. Les panneaux de signalisation en question sont en premier et en lettres jaunes pour le grec, suivies par l'albanais.

En Albanie la minorité grecque représente 0,9 pour cent [en] de ses 2,94 millions d'habitants. Ils vivent pour la plupart dans une zone de 5000 kilomètres carrés au sud, près de la frontière avec la Grèce.Le grec est une langue officielle dans les municipalités où cette ethnie dépasse 20 pour cent de la population. Et la signalisation routière dans les deux langues n'est pas rare dans ces régions.

Cette fois-ci, cependant, beaucoup ont contesté les panneaux bilingues. Un utilisateur de Twitter en Albanie a dit :

Alors que la politique albanaise divisée et corrompue déstabilise le pays, les chauvins grecs poursuivent leur projet d'assimilation du sud (de l'Albanie). Un vrai scandale avec la signalisation routière en grec.

Il y a eu aussi des réactions de l'autre côté de la frontière :

L'Albanie doit cesser les nombreux actes illégaux commis contre la minorité grecque. Avec de telles actions, ils n'entreront jamais dans l'Union européenne.

Le premier ministre d'Albanie Edi Rama a approuvé la déclaration de l'ARA sur les panneaux qui respectent pas les règles de la sécurité routière. Il a ajouté que l'opération ne visait pas la communauté grecque et a critiqué la rhétorique nationaliste sur cette question.

I would like to say to all of those who play the ultra-nationalist, raising the alarm about road signs written in Greek in an area where the Greek minority lives, that we’re a European country and, when we talk about Europe, we talk about this too.

J'aimerais dire à tous ceux qui jouent les ultra-nationalistes, en tirant le signal d'alarme au sujet des panneaux de signalisation écrits en grec dans une région où vit la minorité grecque, que nous sommes un pays européen et, lorsque nous parlons d'Europe, nous parlons de ceci aussi.

En Grèce, le ministre des affaires étrangères a également considéré que la question était plus technique que politique. Lors d'une interview à la radio le 6 mai (lien en grec), il a a expliqué :

Les nouveaux panneaux routiers avec la langue albanaise en haut et le grec en bas ont été mis en place le 7 mai.Photo: Vizion Plus TV (lien en albanais). Fair use

Είμαστε σε επικοινωνία, μέσω της εκεί Πρεσβείας μας, για να δούμε τι γίνεται. Έχουν προβάλλει ορισμένους ισχυρισμούς ότι οι δίγλωσσες πινακίδες στην Αλβανία πρέπει να έχουν πρώτα την αλβανική γλώσσα, μετά την ελληνική, ορισμένα θέματα αρμοδιότητας. Εμείς προφανώς έχουμε προειδοποιήσει ότι οποιαδήποτε κίνηση, η οποία θα φανεί ότι είναι εναντίον των συμφερόντων της μειονότητάς μας, θα αντιμετωπιστεί με τον τρόπο που προβλέπει το διεθνές Δίκαιο.

Pour voir ce qui se passe, nous sommes en contact grâce à notre ambassade. Ils soutiennent que les panneaux bilingues en Albanie doivent d'abord être en albanais, puis en grec. Nous avons évidemment averti que toute mesure qui semble aller à l'encontre des intérêts de notre minorité sera traitée conformément au droit international.

Dans une interview accordée à l’agence de presse indépendante des Balkans [en], l'ancien recteur de l'Université de Tirana et doyen de la faculté de langue albanaise Shezai Rrokaj a affirmé que la langue albanaise devrait passer en premier et le grec en second. Il déclare : « Les langues minoritaires doivent être utilisées localement et ne peuvent pas servir de langue principale. »

Le 7 mai, l'ARA a commencé à installer de nouveaux panneaux routiers dans la région avec la langue albanaise au-dessus.

Les nouvelles se sont vite propagées — le même jour, cet utilisateur Twitter l'a partagé avec des amis locuteurs de langue grecque :

L'Albanie réintègre les panneaux routiers bilingues gréco-albanais à Finiq

Les relations entre l'Albanie et la Grèce

L'Albanie et la Grèce ont conclu un accord d'amitié. Au cours de ces trois dernières décennies, 600 000 Albanais ont immigré en Grèce. Pourtant, les deux gouvernements ont lutté pour mettre un terme à quelques problèmes, tels que les droits des Albanais expulsés par les nationalistes grecs à la fin de la Seconde Guerre mondiale (dans ce que l'on appelle la question de la minorité Cham [en]), ou encore les droits de la minorité grecque vivant en Albanie.

En 2016, l'Albanie a autorisé la Grèce à construire des cimetières sur le territoire albanais pour ses soldats morts dans ce pays durant la seconde guerre mondiale. Ils ont également promulgué une loi qui fait du grec la seconde langue officielle dans plusieurs municipalités albanaises.

Pendant ce temps, la Grèce ignore le problème de la minorité cham. Les négociations sur les frontières maritimes entre les deux pays sont aussi bloquées [en].

Guerres linguistiques dans les Balkans

Panneau routier en macédonien, anglais et albanais dans le centre de Skopje, la capitale du nord de la Macédoine. Sur l'un d'entre eux, le texte albanais était dissimulé un bombage de peinture noire.Photo de Global Voices, CC-BY.

Les politiques linguistiques ne sont pas rares dans les Balkans, surtout lorsque les événements actuels font ressurgir des souvenirs douloureux du passé.

En Macédoine du Nord, une loi de 2008 fondée sur les Accords d'Ohrid, accords de paix qui ont mis fin à l’insurrection armée de 2001, a permis l'utilisation officielle de l'albanais et d'autres langues par plus de 20% de la population locale au niveau municipal. En janvier 2018, le parlement a étendu l'utilisation de la langue albanaise à l'ensemble du pays [en] sous les protestations virulentes de l'ancien parti de droite VMRO-DPMNE, qui a professé des slogans tels que « non au bilinguisme » et « ceci est notre ligne rouge ».

Des actes sporadiques de vandalisme d'inspiration nationaliste se produisent encore. Pour preuve, le panneau routier que l'on voit sur la photo au centre de la capitale Skopje, où les mots albanais ont été dissimulés par de la peinture en bombe.

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