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En Birmanie, les Bouddhistes offrent des roses blanches aux Musulmans pendant le Ramadan

Catégories: Asie de l'Est, Myanmar (Birmanie), Médias citoyens, Religion
[1]

Photo : Page Facebook de la campagne Rose blanche. Utilisée avec autorisation.

Le 16 mai 2019, un groupe de bouddhistes de Yangon, la capitale du Myanmar (Birmanie), a lancé [2] une campagne ‘Rose blanche’ consistant à offrir des roses aux musulmans qui jeûnent durant le Ramadan. Cette campagne a été organisée pour témoigner la solidarité [3] avec les musulmans après que des émeutiers bouddhistes se sont rassemblés [4] autour de plusieurs maisons de prières musulmanes temporaires pour exiger que les offices de prières soient suspendus.

Dans les soirées du 14 et 15 mai, des bandes d'une centaine d'extrémistes bouddhistes ont tenté [5] d'empêcher les prières musulmanes, en exigeant la fermeture de trois lieux de prière temporaires ouverts pour l'observance du Ramadan dans la municipalité de South Dagon à Yangon.

En réponse, le moine bouddhiste Bandatta Seidatta, plus célèbre sous le nom de Asia Light [Lumière de l'Asie] Sayardaw, a créé la campagne Rose blanche.  [6]Bandatta Seidatta a rendu visite à la communauté musulmane de South Dagon dans la soirée du 16 mai pour offrir à ses membres des roses blanches, manière d'apporter encouragement et soutien. La campagne a été rejointe par des militants interreligieux, et en à peine une semaine, elle s'est étendue à d’autres villes [7] à travers le Myanmar, dont Mandalay [8], Sagaing [9] et Mawlamyine — [10]et a même atteint des communautés birmanes en Malaisie [11]. La campagne continue à inviter [12] les citoyens du Myanmar à offrir une rose blanche à leurs amis quelle que soient leur ethnicité ou leur religion.

La campagne a aussi invité les internautes à publier sur les réseaux sociaux en offrant des roses blanches aux musulmans sous le hashtag #WhiteRose4Peace [Rose blanche pour la paix].

Voici la déclaration [13] de la page officielle de la campagne :

[…] ငြိမ်းချမ်းရေးအတွက် နှင်းဆီဖြူလှုပ်ရှားမှုသည် မြန်မာနိုင်ငံအတွင်း ဖြစ်ပွားနေသည့် ဘာသာရေး ၊ လူမျိုးရေး မတည်ငြိမ်စေရန် ၊ အမုန်းပွားစေရန် တမင်ကြံစည်လုပ်ဆောင်မှုများကို ပြည်သူလူထုက ကြံကြံ့ခံ၍ ငြိမ်းချမ်းရေး၊ လူမှု သဟဇာတ ဖြစ်ရေးနှင့် တန်းတူညီမျှရေးကို တန်ဖိုးထားသော ငြိမ်းချမ်းရေးကို ချစ်မြတ်နိုးသူ မြန်မာပြည်သူ၊ ပြည်သားများ၏ လှုပ်ရှားမှု ဖြစ်ပါသည်။ […]

Le mouvement Rose blanche pour la paix est le mouvement des citoyens du Myanmar qui aiment la paix et attachent une grande valeur à l'égalité et à l'harmonie sociale, en résistant à ceux qui propagent intentionnellement la haine et provoquent l'instabilité ethnique et religieuse au Myanmar en ce moment même.

[14]

La Campagne Rose blanche à Yangon., le 27 mai 2019. Source photo : page Facebook de la Campagne Rose blanche, utilisée avec autorisation.

En même temps, des internautes ont riposté au harcèlement des musulmans en remplaçant leur photo sur leur profil par cette image approuvée par le Réseau de la Jeunesse de Yangon :

ဘာသာရေးအစွန်းရောက်များအတွက် ငါတို့နိုင်ငံမှာ နေရာမရှိ

Il n'y a pas de place pour les extrémistes religieux dans notre pays.

[15]

Image de profil concue par le Réseau de la Jeunesse de Yangon.

La population du Myanmar est majoritairement bouddhiste. Les actuels mouvements extrémistes bouddhistes au Myanmar ont été initiés en 2014 par un groupe radical appelé MaBaTha [16] (en français Association patriotique du Myanmar, ou Association pour la protection de la race ou de la religion). Bien que les institutions de l'Etat aient déclaré MaBaTha illégal [17], le mouvement 969 lancé [18] par le groupe et son chef Wirathu inspire des mouvements discriminatoires étendus et des discours de haine omniprésents sur l'internet contre les minorités musulmanes du pays. Depuis 2012, le Myanmar a connu plusieurs exemples de conflits religieux à travers le pays, parmi lesquels les violences communales à grande échelle entre musulmans Rohingya et bouddhistes Rakhine.

Pour rebâtir la cohésion sociale entre bouddhistes et musulmans au Myanmar, le leader de la société civile Thet Swe Win est convaincu que les chefs de gouvernement doivent renforcer leur discours sur l”harmonie sociale. Dans un récent entretien avec l'agence d'information Irrawaddy [19], il plaide :

I attach greater importance to the moral leadership of political leaders. […] Frankly speaking, our leaders fail to provide moral leadership. Millions of Rohingya fled and many people died. […] They should at least acknowledge on humanitarian grounds that they had been living in the country, and are now in trouble after they left the country. Muslims have suffered, and Arakanese people are suffering now, and so are Kachin and Shan people. Only when a leader defines the norms and values of [a] society will people be able to follow. […] One day when we have leaders who dare to say the country has no place for people with such amoral attitudes, and define clear moral standards for the society, then, hopefully there will be some changes to our society.

J'attache une grande importance à l'ascendant moral des dirigeants politiques. […] En toute franchise, nos dirigeants n'arrivent pas à fournir un ascendant moral. Des millions de Rohingyas ont fui et beaucoup sont morts. […] Ils devraient au moins reconnaître pour des raisons humanitaires qu'ils vivaient dans le pays, et sont maintenant en difficulté après avoir quitté le pays. Les Musulmans ont souffert, et les Arakanais souffrent à présent, de même que les peuples Kachin et Shan. C'est seulement quand un dirigeant définit les normes et valeurs d'une société que les gens suivent. […] Un jour, lorsque nous aurons des dirigeants qui oseront dire que le pays n'a pas de place pour des gens aux attitudes aussi amorales, et [oseront] définir pour la société des normes morales sans ambiguïté, alors seulement on pourra espérer quelques changements dans notre société.