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#AvortementLegal : l'Argentine revient à la charge avec un nouveau projet de loi

Catégories: Amérique latine, Argentine, Droits humains, Femmes et genre, Médias citoyens, Santé

Photographie de Majo Malvares [1] (@malvaresz) prise lors de la marche du 28 mai. Publiée avec son autorisation.

C'est mardi 28 mai, Journée mondiale d'action pour la santé des femmes [2] et quatorzième anniversaire de la Campagne nationale pour le droit à un avortement légal, sûr et gratuit [3], que le nouveau Projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) [4] a été présenté au Congrès. Pour l'occasion, plusieurs campagnes et mouvements, dans la rue et sur les réseaux sociaux, se sont déroulés pour soutenir le combat pour la dépénalisation de l'avortement en Argentine et des diverses causes associées.

La présentation du projet a donné lieu à un pañuelazo [5] (manifestation du foulard) national et international, et à des marches et des activités publiques organisées dans les principales villes du pays et du monde, où l'on affichait massivement le foulard vert [6], symbole de la lutte pour le droit à l'avortement depuis 2003.

D'autres mouvements ont suivi en Argentine et à l'étranger. Grâce aux réseaux sociaux, des manifestations de soutien ont eu lieu dans des villes comme Leeds en Angleterre et Berlin en Allemagne :

Berlín est solidaire de la campagne pour le droit à l'avortement en Argentine.

Hier nous avons rejoint l'Assemblée des femmes grévistes de Leeds pour manifester notre solidarité à nos camarades Argentines en faveur de la dépénalisation de l'avortement.

Un échec fructueux

Pour les membres du mouvement, le rejet [29] par le Sénat du projet présenté en 2018 n'a pas été ressenti comme un échec total mais plutôt comme le début de la lutte : c'est à partir de là que le débat s'est définitivement inscrit [30] à l'ordre du jour public national et dans la rue, rencontrant un écho important au niveau international.

D'après le collectif “Alerta Feminista” [31] (Alerte féministe) :

El año 2018 resultó ser un año clave a nivel mundial en la movilización de las mujeres hacia la conquista de este derecho: la lucha de las mujeres polacas contra las restricciones al acceso al aborto y el triunfo del “sí” en Irlanda fueron seguidos por una lucha ejemplar de las mujeres argentinas…

2018 s'est révélée une année charnière au niveau mondial concernant la mobilisation des femmes pour la conquête de leurs droits : la lutte des femmes polonaises contre les restrictions de l'accès à l'avortement et le triomphe du “oui” en Irlande ont été suivis par le combat exemplaire des femmes argentines…

Et d'ajouter :

Aunque el proyecto de ley para legalizar el aborto en Argentina, que ha dejado en suspenso a toda América Latina, fue rechazado por el Senado el 9 de agosto [de 2018], la lucha por el derecho a decidir ha adquirido una fuerza internacional e intergeneracional incomparable, llamando no sólo al aborto legal, sino a la separación de la Iglesia y el Estado.

Bien que le projet de loi pour la légalisation de l'avortement en Argentine, qui a tenu en haleine toute l'Amérique latine, ait été rejeté par le Sénat le 9 août [2018], le combat pour le droit de décider a acquis une force exceptionnelle sur le plan international et intergénérationnel, appelant non seulement à l'avortement légal mais aussi à la séparation de l'Église et de l'État.

Pour beaucoup, le bilan [32] pour la lutte “pour les droits reproductifs des femmes et des personnes enceintes” est positif. Ce mouvement s'est distingué par ce tweet partagé pendant une marche qui a eu lieu à Córdoba et qui fait la part belle aux hashtags qui ont lancé les débats en ligne :

Nous sommes des milliers à Córdoba dans cette 5° marche #pasunedemoins dans ce nouveau #3 juin✊?? #AssezDuMachisme #AssezDesViolences #AvortementLegalToutdesuite #CeSontDesEnfantsPasDesMères

Grâce notamment à la “marée verte” de 2018, de nombreuses organisations de soutien et des réseaux d'entraide [39] dédiés aux femmes ont obtenu une meilleure visibilité et ont ainsi pu collecter plus de renseignements et d'adhésions. En outre, le problème trop souvent passé sous silence des avortements clandestins a été mis en évidence. Et enfin, les dépôts de plaintes se sont multipliés contre les établissements, les professionnels de santé [40] et les fonctionnaires [41] qui faisaient obstacle [42] à l'exercice du droit à l'avortement non punissable (IVG) [43], prévu dans le code pénal de 1921 mais applicable seulement depuis 2012, et à l'accès universel à la contraception [44], garanti depuis 2003.

De plus, la campagne Niñas, no madres (Ce sont des enfants, pas des mères) [45], qui vise à protéger les droits des fillettes victimes de sévices sexuels et obligées de mener à terme des grossesses consécutives de viols, a été relancée. Sur Twitter, on pouvait suivre la campagne au niveau régional sous le hashtag du même nom [46] :

#AméricaLatina [47] : chaque année, des milliers de fillettes de moins de 14 ans subissent des violences sexuelles et sont contraintes par l'État de poursuivre leur grossesse. CE N'EST PAS UNE FAKE NEWS. Il faut que des millions de voix se joignent au cri : #NiñasNoMadres [25]!!! (Merci  @crisyepez4 [48] pour cette illustration)

[51]

Photo prise pendant la marche de #NiUnaMenos le 3 juin à Buenos Aires. Photographie de Xime Talento [52] pour le collectif Emergentes, publiée avec autorisation.

Quant aux autres combats, comme #MeToo [53], #YoTeCreo (Je te crois) [54] et #NiUnaMenos (Pas une de moins) [55] ils ont pris de l'importance grâce aux plaintes engagées contre toutes sortes d'abus. Les cas de féminicides, de viols, de harcèlements et de violences domestiques ont eux aussi été révélés et dénoncés plus fréquemment. Et ces dénonciations ont suscité des mouvements de solidarité [56] bien plus nombreux.

Un autre aspect important, c'est le nouvel essor pris par le programme d'éducation sexuelle intégral (ESI) [57] dans les écoles (une loi promulguée en 2006), visant à mettre l'accent sur la prévention des grossesses non désirées, et par conséquent, des possibles interruptions de grossesses.

Grâce à toute cette dynamique, le huitième projet pour l'IVG [58] a été présenté cette année à la Chambre des députés, proposé par plus de 70 députés. Il faut cependant tenir compte du fait qu'en 2019 l'Argentine se trouve une situation plutôt complexe : la composition des Chambres est la même que l'année dernière, ce qui signifie que les chances d'obtenir plus de voix sont minces, et le pays se trouve actuellement dans la plus complète incertitude politique et économique.

Malgré tout, pour les responsables de la campagne [59], il est fondamental “que la légalisation de l'avortement s'invite dans le débat public et que les candidat(e)s s'engagent à prendre position sur la reconnaissance et l'exercice des droits sexuels et reproductifs et sur l'application de la Loi de santé sexuelle intégrale”.