Choqués par l’arrestation du journaliste d'investigation de premier plan Ivan Golounov le 6 juin, la société civile et les médias indépendants de Russie ont réagi sans attendre en lançant des campagnes coordonnées et des actes individuels de solidarité sans précédent dans les 20 années depuis lesquelles Vladimir Poutine domine la vie politique russe. La démonstration d'indignation d'une telle ampleur, combinée à l'inquiétude du Kremlin sur la cote en baisse de Poutine a conduit à la remise en liberté de Golounov le 11 juin. D'autres actions publiques sont prévues cette semaine à Moscou pour réclamer des sanctions contre les parties prenantes à l'arrestation de Golounov, et prévenir d'autres cas de charges fabriquées contre les critiques du gouvernement russe.
Une des démonstrations les plus précoces et les plus longues de soutien public a été le ‘studio de selfies’ improvisé au n° 38 de la rue Petrovka dans le centre de Moscou, devant le siège de la police municipale moscovite. Pendant plusieurs jours, du 7 au 11 juin, les gens ont patienté des heures pour se faire prendre en photo à cet endroit en signe de solidarité avec Golounov.
Петровка, 38, прямо сейчас pic.twitter.com/9HNvQifX43
— Meduza (@meduzaproject) 10 июня 2019 г.
Petrovka, 38, en ce moment même
Cette utilisatrice de Twitter présente le 7 juin raconte dans cette courte vidéo qu'elle a compté plus de 110 personnes dans la file d'attente pour la prise de leur selfie à Petrovka 38. Elle utilise l'expression ‘manifestation individuelle’, l'unique forme de manifestation publique ne nécessitant pas une autorisation des autorités locales en Russie.
Ровно 100 человек я насчитала в очереди на одиночный пикет до того, как сняла это видео у #Петровка38. Когда закончила, было уже около 110. Люди протестуют против сомнительного ареста журналиста #ИванГолунов pic.twitter.com/otEX7K35cT
— Alexandra (@nickandpolly) 7 июня 2019 г.
J'ai compté exactement 100 personnes en rang pour la manifestation individuelle pendant que j'ai tourné cette vidéo à #Petrovka38. Quand j'avais fini, il y en avait environ 110, Les gens protestent contre l'arrestation douteuse du journaliste #IvanGolunov.
De semblables selfies ont été pris dans toute la Russie et mis en ligne en signe de solidarité. Des méthodes plus traditionnelles comme les pétitions en ligne ont recueilli plus de 180.000 signatures, comme pour celle postée sur www.change.org.
La campagne a cependant pris une tournure inattendue et humoristique, comme avec ce restaurant de Iekaterinbourg en Russie centrale qui offrait une bière gratuite à tout client arborant un T-shirt marqué du message désormais iconique “Je suis-nous sommes Ivan Golounov”.
Екатеринбургский ресторан «Огонек» пообещал бесплатное пиво каждому, кто придет в футболке с эмблемой «Я(Мы) Иван Голунов». pic.twitter.com/EQSLqzErnh
— Dmitry Kolezev (@kolezev) 10 июня 2019 г.
Le restaurant Ogoniok à Iekaterinbourg a promis une bière gratuite à tous ceux qui entrent en T-shirt marqué Je suis – nous sommes Golounov”.
Une telle solidarité a aussi éveillé des échos dans les médias et chez plusieurs célébrités. Le 6 juin, trois journaux importants et plus indépendants, Vedomosti, RBC et Kommersant, se sont mis d'accord pour paraître avec le même message ironique dans exactement la même mise en page, encore une fois du jamais-vu de solidarité médiatique dans la Russie de Poutine. Les numéros ont été épuisés en quelques heures, et sont à présent en vente sur Internet comme objets de collection.
Le chanteur populaire Andréï Makarevitch du légendaire groupe de rock Machina Vremeni a pris part à une campagne vidéo (il apparaît à 03'21), en compagnie d'autres célébrités demandant toutes la remise en liberté de Golounov et une enquête honnête. En conséquence, son concert prévu le 12 juin à l'occasion du Jour de la Russie, a été annulé en dernière minute.
Golounov relâché, beaucoup réclament plus de mesures pour sanctionner les membres des forces de l'ordre qui ont monté l'affaire de toutes pièces, mais évoquent aussi d'autres affaires similaires qui ont moins fait parler d'elles, et veulent empêcher que d'autres militants civiques et journalistes indépendants connaissent le même sort.
1 commentaire
En France, la censure de l’information existe aussi mais d’une manière plus insidieuse. Outre que les réalités sociétales de France et du reste du monde sont largement taboues et qu’y règne la sous-information la plus complète, la majeure partie des médias font la promotion du macronisme. Emmanuel Macron et LREM n’ont nul besoin d’organiser un ministère de la propagande : la plupart des chaînes de TV, des journaux et des chaînes de radio la font volontairement et en permance. Quant aux rares journaux faisant un travail honnête et serieux (Marianne, Causeur, Charlie Hebdo, Tribune juive, et un ou deux autres) ils ne risquent pas de poursuite pénale mais sont marginalisés et en quelque sorte tenus à l’écart. C’est en apparence moins brutal que chez Poutine, mais in fine la désinformation, la sous-information et la mise au pas de toute opposition démocratique fonctionnent quand même à plein régime.