En Tanzanie, des avocats font pression sur la police pour qu'elle enquête sur des viols et des cambriolages

À gauche: Getrude Dyabere, responsable du bureau des femmes et des enfants du Legal Human Rights Centre, parle des problèmes juridiques liés à «teleza», des hommes armés qui auraient violé et terrorisé des femmes à Kigoma, en Tanzanie. A droite: Ramla Issa, une habitante de Kigoma, appelle le gouvernement et la police à intervenir, 8 mai 2019, capture d'écran via StarTV Youtube .

Le 27 mai 2019, la police tanzanienne a annoncé le lancement d'une opération visant à enquêter et à poursuivre en justice “teleza”, des “hommes armés” qui depuis 2016 violeraient et terroriseraient des femmes dans le quartier Mwanga Kusini de Kigoma, dans l'ouest de la Tanzanie.

Des hommes se seraient enduit le visage et le corps de graisse avant de pénétrer par effraction dans des foyers à majorité féminine afin de violer des femmes et de cambrioler dans la zone de Mwanga Kusini. Teleza signifie “glissant” en swahili et le terme a été utilisé pour décrire ces types d'attaques.

Le commissaire de district de Kigoma, Samson Anga, a annoncé une enquête sur ces allégations à la suite de plusieurs articles des médias et d'un communiqué de presse du 7 mai publié par une coalition d'organisations de la société civile (OSC), notamment le Legal and Human Rights Center, Tamasha, Twaweza, Jamii Forums, le Centre for Strategic Litigation and Change Tanzania, exhortant la police à enquêter sur les témoignages de femmes victimes de viol et de torture.

Le commissaire du district de Kigoma, Samson Anga, a lancé une opération contre les violeurs connus sous le nom de “Teleza” à Kigoma. Il a déclaré qu'une fois que les coupables seraient capturés, ils seraient fouettés et allaient pourrir en prison.

Des témoignages de “teleza” à Kigoma

J'ai parlé via WhatsApp à Annagrace Rwehumbiza, coordinatrice de programmes de Tamasha, une orgnaisation de la société civile centrée sur les jeunes, à propos des incidents Teleza à Kigoma.
Début mars 2019, une équipe de Tamasha était à Kigoma pour mener un travail de terrain sur l'engagement communautaire participatif axé sur les femmes, les jeunes et les filles. Selon Rwehumbiza, au cours de ses interactions avec les membres de la communauté de Kigoma, plusieurs femmes ont fait part de leurs préoccupations concernant teleza.

Rwehumbiza dit qu'elle s'est rendue au bureau municipal de Kigoma-Ujiji pour s'enquérir. Selon elle, un responsable a reconnu être au courant que 20 femmes au moins avaient subi des violences, mais qu’aucune accusation formelle n’avait été déposée.

Rwehumbiza a déclaré que ce responsable lui avait demandé de faire comparaître les femmes pour qu'elles discutent des allégations, mais que deux seulement étaient disposées à se présenter. Elle a déclaré que Teleza avait commencé à terroriser la communauté en 2016. C'est à ce moment-là qu'elle a décidé de se rendre de maison en maison pour enquêter à propos de teleza.

I just wanted to hear from [the women], what kind of counseling were they receiving? The way the stories were being told, the way we were seeing the pictures, it's like those women were being tormented, and we wanted to know what kind of services did they get in terms of … security, counseling, and things like this.

Je voulais juste entendre [les femmes], quel type de conseils elles recevaient. Comment les histoires étaient racontées, comment nous voyions les images, c'est comme on tourmentait ces femmes, et nous voulions savoir quels types de services elles obtenaient en termes de… sécurité, aide et autres choses du même genre.

Au cours d'une période de trois jours en mars, Rwehumbiza et ses collègues ont interrogé au moins 43 filles et femmes partageant des témoignages similaires à propos de teleza. Rwehumbiza a enregistré des témoignages vidéo et photographié les blessures que les survivantes auraient subies lors des attaques de teleza. Tout au long du mois d'avril, elle a partagé les récits avec ses collègues et a élaboré une stratégie avec d'autres organisations de la société civile. Elle a finalement publié un communiqué de presse conjoint avec d'autres CSO, le 7 mai.

It snowballed. The more you go to one house, they'll show you another one, another person, another house. … So we went from house to house to hear these women's stories and we got close to 45. These are their stories. … Each described what happened to them. … One says she was broken into more than five times. … Some were raped in front of their children…

Ça a fait boule de neige. On va dans une maison, on vous en indique une autre, une autre personne, une autre maison. … Alors nous sommes allées de maison en maison pour entendre les histoires de ces femmes et nous en avons approché 45. Ce sont leurs histoires. … Chacune a décrit ce qui lui est arrivé. … Une nous a dit avoir eu plus de cinq effractions … Certaines ont été violées devant leurs enfants…

Rwehumbiza dit qu'il est difficile de savoir combien d'hommes sont impliqués dans ces attaques et dans quelle mesure ils opèrent en tant que réseau du crime organisé. Sur Twitter, elle a insisté sur le fait qu'une enquête urgente était nécessaire pour en savoir plus.

#Teleza Ce que nous demandons au gouvernement, c’est une enquête approfondie pour cerner l’ampleur du problème afin que des mesures concrètes et rapides puissent être prises pour aider ces femmes.

Jamii Forums, un forum de discussion en ligne populaire en Tanzanie, a accepté de publier et de diffuser les témoignages des femmes sur le forum, ainsi qu’une série de tweets de sensibilisation. Des témoins et les survivants ont partagé leurs témoignages de manière anonyme, craignant des représailles.

Un témoin a décrit comment un homme qualifié de teleza est entré chez elle alors qu'elle dormait avec ses frères et sœurs :

TÉMOIGNAGE D'UNE COLLÉGIENNE : L'année dernière #Teleza est venu chez nous la nuit et [a vu] mon jeune frère qui dormait dans le salon. Il s'est déshabillé pour le violer, mais lorsqu'il a découvert que c'était un garçon, il l'a laissé et est entré dans les pièces où nous dormions.

“Ces femmes ont besoin de nous”, a déclaré Rwehumbiza. “Leurs histoires n'ont pas suscité le tollé communautaire qu'elles méritaient.”

Nous continuons à amplifier les voix concernant ce problème de #Teleza pour que le gouvernement entende ces voix et veille à ce que cette question reçoive des mesures rapides et appropriées.

Pourquoi ça a pris autant de temps ?

Rwehumbiza dit que le processus judiciaire est un défi majeur pour le signalement effectif des cas de teleza. Selon un témoin, une survivante a reconnu son agresseur dans la communauté, mais la police n'a pas réussi à le maintenir en prison après sa première arrestation :

Témoin 1: Il y a une jeune femme qui a été victime de #teleza trois jours de suite. Elle connaissait le jeune homme et avait porté plainte contre lui à la police, mais celui-ci n'a pas encore été arrêté.

Cet individu a été reconnu dans un autre quartier et inculpée. La police l’a arrêté, mais le lendemain il a été libéré.

Rwehumbiza dit que les femmes qui sont allées à la police pour signaler ces cas étaient cibles de moqueries et d'incrédulité.

Le communiqué de presse de la coalition des organisations de la société civile réitère que les survivantes ont été la cible de désapprobation et d'humiliation de la part des policiers hommesi et que la collectivité dans son ensemble les a stigmatisées et ridiculisées – lorsqu'elles demandaient de l'aide, elles étaient blâmées en tant que victimes. Une survivante a déclaré que, lorsqu'elle a demandé des soins, le médecin l'a blâmée et a déclaré que c'était de sa faute d'avoir joué à la “difficile à obtenir”, selon un tweet publié sur Jamii Forums.

Le 20 mai, le député Zitto Kabwe, qui représente la municipalité de Kigoma-Ujiji, a tweeté son inquiétude à propos de teleza :

C'est extrêmement triste que des femmes continuent de souffrir de viols et de violences physiques, appelés #Teleza dans ma circonscription, @KigomaUjijiMC. La police @tanpol est informée, mais elle ne fait rien pour mettre fin à ce scandale public, malgré l'indignation des organisations de société civile. Ce soir, une autre femme gravement blessée

Le lendemain, il a saisi le Parlement de la question, évoquant l'indignation générale et le besoin de responsabilisation de la police. En réponse, le ministre de l'Intérieur, Kangi Lugola, a déclaré que les dossiers de la police de Kigoma ne font état d'aucune information relative à des incidents tels que teleza et que le problème n'est pas aussi grave que le prétend le député Kabwe :

#Teleza Réponse du ministre Kangi Kugola

#EffacerTeleza

Les hashtags #Teleza et #TokomezaTelezaKigoma (#EffacerTelezaKigoma) ont été diffusés sur Twitter. Des internautes d'Afrique de l'Est appellent à une action contre les violences infligées aux femmes de Mwanga Kusini.

Anna Henga, avocate et militante tanzanienne, a écrit que l'image de Kigoma était ternie par teleza et l'inaction à ce sujet :

Kigoma est belle, la seule chose qui ternit sa bonne image est la vogue des incidents de violence contre les femmes connue sous le nom de #Teleza.
J'appelle les habitants de Kigoma et tout le monde en Tanzanie à respecter et à protéger les droits des femmes

Rebecca Gyumi a appelé les internautes à “repolitiser” la violence à l'égard des filles et des femmes :

Nous devons repolitiser la violence subie par les femmes et les filles. Si les approches actuelles ont progressé, elles se situent toujours dans un contexte d’impunité permanente.

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