
#BlueForSudan, une création de Roiya Khaled Abu Zied, utilisation autorisée.
Depuis le renversement militaire du Président Omar Al-Bachir après 30 ans de pouvoir, les tentatives des manifestants pro-démocratie de négocier une transition vers un régime civil avec le Conseil militaire de transition (TMC) soudanais ont cafouillé, calé et finalement sont tombées en panne.
Le 3 juin, les Forces de soutien rapide (RSF) soudanaises ont lancé un assaut impitoyable contre les manifestants pacifiques à Khartoum, la capitale. Les RSF sont composées de miliciens vétérans des célèbres “janjawid,” un groupe paramilitaire opéré par le régime Al-Bachir pour mener le génocide au Darfour.
Les deux journées de répression devant le quartier général de l'armée à Khartoum a laissé 112 morts et plus de 700 blessés, dont 12 enfants. Les médecins indiquent que plus de 70 personnes ont été violées pendant l'assaut. Les morts étaient jetés dans le Nil depuis le pont du Nil bleu pendant la nuit, disent de nombreux récits. Les nombres exacts sont difficiles à vérifier du fait de l'absence de coopération cohérente avec les autorités.
Mohammad Mattar, 26, ans, est l'un des nombreux protestataires tués par balles par les RSF pendant le sit-in. Il était rentré à Khartoum en provenance de Londres, où il avait passé son diplôme d'ingénieur. Il a été abattu alors qu'il protégeait deux femmes pendant les manifestations, selon divers récits circulant sur les médias sociaux.
Pour affronter leur deuil, les amis de Mattar ont débuté une campagne de médias sociaux demandant aux gens de changer leurs photos de profil en nuances de bleu en signe de solidarité avec la lutte des manifestants pro-démocratie. Ils disent que la couleur préférée de Mattar était le bleu et que c'était la couleur qu'il portait sur ses photos de profil le jour de sa mort.
Une “vague bleue” a alors déferlé sur les plateformes de médias sociaux. La couleur bleue en est venue à symboliser tous ceux qui ont perdu leur vie pendant le soulèvement.
“Mattar était bon, attentionné … il avait un cœur pur”, a dit un ami dans une vidéo de la BBC sur Mattar et la campagne de médias sociaux. Abdullah Al Fazh a dit que Mattar était “le genre de personne qu'on ne rencontre qu'une fois dans sa vie”.
Les amis de Mattar ont changé leurs photos de profil en bleu juste en mémoire de lui, mais ces derniers jours, #BlueforSudan (#BleuPourLeSoudan) est devenu un hashtag en tendance mondiale. Des vedettes comme Trevor Jackson et Rihanna ont contribué à faire monter le hashtag en tendance mondiale.
#BlueforSudan à travers le monde
Des milliers d'internautes ont remplacé leur photo de profil par une surface bleue sur les médias sociaux en l'honneur de Mattar et de la lutte pro-démocratie du Soudan :
Those who are taking part in spreading #BlueForSudan. The color blue came from a warm hearted, martyrs known as, Mohammed Hashim Mattar, my cousin who has passed away on the 3rd of June, as he was standing proud. Blue was his fav color, which now presents unity.??
Mattar’s Blue pic.twitter.com/MdZ7f2sLwS
— OmerYousiff (@OmerYousifff) June 12, 2019
A ceux qui participent à diffuser #BleuPourLeSoudan. La couleur bleue est venue d'un homme chaleureux, d'un martyr appelé Mohammed Hashim Mattar, mon cousin qui est décédé le 3 juin, fièrement. Le bleu était sa couleur préférée, qui représente désormais l'unité. ??
Why #BlueForSudan? The movement was started by grieving friends of Mohamed Mattar, who had travelled from London to Khartoum, reportedly shot by military forces while protecting two women in the crackdown. Blue was his favourite colour.
(You should be paying attention to Sudan)
— aiza ?? (@curious_aiza) June 16, 2019
Pourquoi #BleuPourLeSoudan ? Le mouvement a été lancé par les amis en deuil de Mohamed Mattar, venu de Londres à Khartoum, qui aurait été abattu par les militaires alors qu'il protégeait deux femmes dans la répression. Le bleu était sa couleur préférée.
(Il faut prêter attention au Soudan)
L'envoyé des Nations Unies pour la jeunesse a tweeté :
In solidarity with my sisters & brothers of #Sudan.
Accounting for more than 2/3 of the population, young ppl are Sudan’s biggest hope.
I join activists from all over the word to call for the end of violence & demand the protection of the rights of Sudanese youth! #BlueForSudan pic.twitter.com/9xSG6biSYN— UN Youth Envoy (@UNYouthEnvoy) June 16, 2019
En solidarité avec mes frères et sœurs du Soudan.
Représentant les 2/3 de la population, la jeunesse est le plus grand espoir du Soudan.
Je me joins aux militants du monde entier pour appeler à la fin des violences et exiger la protection des droits de la jeunesse soudanaise !
Le compte Twitter de Bob Marley a diffusé un message de paix pour le Soudan :
#BlueForSudan ?? “Until bigotry and prejudice and malicious and inhuman self-interest have been replaced by understanding and tolerance and good-will… the African continent will not know peace.”
– HIM Haile Selassie I addresses @UN, 1963.#Sudan#AfricaUnite#GetUpStandUp pic.twitter.com/QTkrqUzdVM
— Bob Marley (@bobmarley) June 15, 2019
#BleuPourLeSoudan ?? “Tant que le fanatisme, les préjugés, et l'égoïsme méchant et inhumain ne seront pas supplantés par la compréhension, la tolérance et la bonne volonté… le continent africain ne connaîtra pas la paix.” Discours de Sa Majesté Impériale Haïlé Sélassié devant l'ONU, 1963
Un utilisateur de Twitter reconnaît que les campagnes comme celle-là “ne sauveront pas le monde” mais mais elle elle suscitera la prise de conscience et fera savoir aux protestataires au Soudan qu'ils ne sont pas seuls :
Maybe #BlueForSudan won't save the world, but it will raise awareness about a terrible issue that would otherwise go unspoken and *hopefully* let the people of Sudan know they are not alone.
Be their voice when they don't have one. pic.twitter.com/hRBKworUpQ
— ?????? #BlueForSudan ?????? (@BalqisSidiqia) June 16, 2019
Ma nouvelle photo de profil
#BleuPourLeSoudan ne sauvera peut-être pas le monde, mais suscitera une prise de conscience sur un terrible problème qui sinon serait passé sous silence et , “espérons-le”, fera savoir aux Soudanais qu'ils ne sont pas seuls.
Soyez leur voix quand ils n'en ont pas.
Cette internaute a invité les gens à ne pas se contenter d'une photo de profil et à agir davantage :
#BlueForSudan
This time we must all act. There are so many ways to do something. Engage on social media, ask the official you know in your country what they are doing. Write to media folk. Whatever you do, don’t do nothing else you will one day ask yourself ‘what was I doing? 2/3 pic.twitter.com/YVVN6zplux— Lucy Quist (@LucyQuist) June 15, 2019
#BleuPourLeSoudan
Cette fois nous devons tous agir. Il y a tellement de façons de faire quelque chose. Converser en ligne, demander aux responsables dans votre pays ce qu'ils comptent faire. Écrire aux médias. Quoi que vous fassiez, ne faites rien d'autre qui vous amène à vous demander un jour “Qu'est-ce que j'ai fait ?”
Pendant ce temps, la famille de Mattar a créé son propre compte Twitter appelé “MattarBlueMovement” pour garder vivant l'héritage de son esprit :
This page is created by the family and friends of Mohamed Hashim Mattar to keep the martyrs alive and honor their memory. This is only the beginning. This is the movement. #MattarBlue #BlueForSudan
— MattarBlueMovement (@MattarBlue) June 15, 2019
Cette page est créée par la famille et les amis de Mohamed Hashim Mattar pour garder les martyrs vivants et honorer leur mémoire. Ce n'est qu'un début. C'est le mouvement.
Lire aussi : Au Soudan, les femmes mènent la contestation
Après le trauma, la protestation reprend
Au lendemain de l'attaque des RSF, plusieurs officiers de l'armée ont été arrêtés et le TMC a lancé une enquête, admettant des fautes, selon le Guardian :
Sudan’s military rulers admitted that security forces had committed abuses during the attack on the camp. They appear to have been spontaneous as frustration grows after opposition leaders called off a general strike intended to force the generals to agree a transition to civilian rule.
Les chefs militaires soudanais ont reconnu que les forces de sécurité avaient commis des abus pendant l'attaque du campement. Ils paraissent avoir été spontanés alors que la frustration monte après que les chefs de l'opposition ont appelé à une grève destinée à contraindre les généraux à accepter une transition vers un régime civil.
Mais les contestataires accueillent avec circonspection les gestes de réconciliation du TMC pour reprendre les discussions, disant que la confiance est brisée avec le TMC après que celui-ci a abusé de son pouvoir lors de la dispersion du 3 juin. Les protestataires demandent à la place une enquête indépendante sur le massacre.
Le réalisateur soudanais primé Hajooj Kuka (de la série “Beats of the Antonov”), a participé au sit-in et a aussi été blessé. Il a déclaré à City Press : “les récits de viols collectifs sont véridiques et cohérents avec ce que nous avons vu sur le terrain”.
Le TMC continue à s'accrocher au pouvoir, avec l'aide financière de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis s'élevant à 3 milliards de dollars.
Une coupure d'internet de 12 jours a rendu difficile pour l’Association soudanaise des professionnels (SPA) et d'autres parties prenantes de la coalition contestataire de continuer à organiser les manifestations sur les médias sociaux, mais vendredi 14 juin, les manifestations se poursuivaient à Khartoum et Port-Soudan, grâce au bouche-à-oreille et aux SMS. Manifestations qui elles aussi ont été réprimées avec munitions et force brute.
Lire aussi : Netizen Report: Amid demonstrations for democracy, Sudanese civilians face military violence — and internet shutdowns
Le hashtag #IAmTheSudanRevolution (Je suis la révolution soudanaise), approuvé par le SPA — une voix fer de lance des manifestations dont les chefs ont été en première ligne des négociations — est aussi tendance :
#IAmTheSudanRevolution because my people cannot die in vain, cannot die in silence under an internet blackout. because peaceful protest was met with a massacre. because my people deserve dignity, deserve freedom, deserve for the world to know us and our fight
— Safia Elhillo (@mafiasafia) June 6, 2019
#JeSuisLaRévolutionSoudanaise parce que mon peuple ne peut pas mourir en vain, ne peut pas mourir en silence sous un blackout de l”internet, parce que la protestation pacifique a été accueillie par un massacre, parce que mon peuple mérite la dignité, mérite la liberté, mérite que le monde nous connaisse, nous et notre combat.
Le rédacteur en chef de la BBC Afrique Fergal Keane a interviewé des témoins oculaires qui décrivent comment le massacre avait un seul but : “briser la révolution en traumatisant”.
Les violences des RSF ont épuisé et failli briser l'esprit des protestataires ; l'impact de campagnes de médias sociaux comme #BlueForSudan n'en a que plus d'importance pour construire des ponts entre les protestataires et le reste du monde.