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Sous la pression populaire, le gouvernement de Trinité-et-Tobago renonce à modifier la loi sur la Liberté d'information

Catégories: Caraïbe, Trinité-et-Tobago, Droit, Gouvernance, Liberté d'expression, Média et journalisme, Médias citoyens, Politique

Capture d'écran du PDF de la Loi sur la liberté d'information de Trinité-et-Tobago de 1999

Sous la pression populaire, le gouvernement de Trinité-et-Tobago a retirer [1] dans la nuit du 17 juin un amendement controversé qu'il avait proposé à la loi sur la Liberté d'information [2] (FOIA en anglais).

La loi, votée en 1999 et appliquée depuis 2001, permet aux citoyens de chercher à obtenir des informations détenues par les autorités publiques. Les demandeurs qui remplissent une requête dans le cadre de la FOIA sont supposés recevoir une réponse dans les 30 jours.

Pourtant, début juin, le gouvernement a proposé une modification de cette loi qui aurait allongé le délai pour obtenir une réponse à 90 jours, ce qui a déclenché un tollé [3] chez plus de 47 organisations dont l'Association juridique [4], la Chambre de commerce [5], et l'Association des médias de Trinité-et-Tobago [6] (MATT), qui ont tenu un forum sur le sujet le 15 juin. De nombreux participants et des organisations venant de la société civile pensaient [7] que cet amendement pouvait contrarier le travail de la presse libre, et également empêcher les citoyens d'accéder à l'information dans un délai raisonnable.

Sheila Rampersad, la présidente du MATT, interviewée [8] à la télévision le matin où le retrait a été annoncé a déclaré :

“It's a morning when people should be very proud of Trinidad and Tobago and very proud of a democracy that obviously is quite healthy—that civil society came together quickly and comprehensively as it did, and that government was sufficiently responsive.”

“C'est un matin où les gens doivent être très fiers de Trinité-et-Tobago et très fiers d'une démocratie qui est manifestement saine, que la société civile s'est unie rapidement et a fait corps comme elle l'a fait et que le gouvernement a été suffisamment réactif.”

Un amendement dénoncé comme étant “non démocratique” et “rétrograde”

L'amendement à cette loi, appelé Clause numéro 7, fait partie d'un projet de loi plus large appelé la loi sur les Diverses dispositions de 2019 qui concerne différents sujets (amnistie fiscale, pensions, liberté de l'information, assurance nationale, banque centrale et ONG). Le texte initial de cette clause ne prévoyait pas seulement l'allongement du temps de réponse pour les agences de l’État de 30 à 90 jours, mais proposait également l'addition de 90 jours supplémentaires pendant lesquels l'avocat général pouvait soit soutenir soit rejeter une décision de refuser de la demande.

En pratique, le temps d'exécution pour les réponses aux demandes dans le cadre de la FOIA était souvent plus long que celui prévu, et certains corps de l’État refusent de communiquer l'information, invoquant la confidentialité. L'administration se retrouvait souvent engagée dans des procès quand les demandes liées à la FOIA étaient rejetées, et certains demandeurs allaient plaider leur cause devant la Comité Judiciaire du Conseil Privé [9], la plus haute cour d'appel de Trinité-et-Tobago.

L'ancien avocat général Ramesh Lawrence Maharaj, l'architecte de la loi originelle, a dénoncé avec force [10] un procureur général [11] en exercice, nommé par le pouvoir politique, qui décide en dernier lieu si la demande peut être rejetée, considérant ceci comme “non démocratique”. Maharaj a même suggéré qu'il pourrait engager une procédure judiciaire et lancer une campagne [12] pour préconiser une consultation publique sur cette question si nécessaire.

L'amendement était à l'ordre du jour du Parlement le 10 juin. Le Procureur général Faris Al Rawi a admis qu'il avait sous-estimé [13] la réaction, mais a rejeté le besoin d'une consultation sur cet amendement [14], qui a été débattu et voté par la Chambre basse les 14 et 15 juin.

L'avocat général Michael Rooplal de l'Assemblée des avocats du Sud estime [15] que cet amendement marque “un recul”, notant l’absurdité d'un tel changement à une époque où la technologie numérique rend plus facile le stockage, la récupération et l'organisation de l'information. Roopal ajoute :

“The FOIA is a vital cog in the public’s right to know and right to participate in the administration of our democratic society. Any derogation of these rights should be strongly guarded against, particularly in the present circumstances where there has been absolutely no consultation with the public on this issue.”

“La FOIA est un rouage essentiel du droit pour le citoyen de savoir et de participer à l'administration de notre société démocratique. Il faut se prémunir fermement contre une quelconque dérogation à ces droits, en particulier dans les circonstances actuelles où il n'y a absolument aucune consultation avec les citoyens sur cette question.”